28 août 2012

Lutèce, c'est par Issy ?

Nous allons remonter le temps jusqu'en l'an 52 avant Jésus-Christ. Et, pourtant, nous sommes en pleine actualité - comme vous pourrez vous en rendre compte au cours des trois semaines qui viennent.


Buste en marbre de César.
Musée archéologique de Naples.
La Gaule est en train d'être conquise par les Romains par leur grand chef militaire, futur empereur, Jules César. Toutes ses campagnes en Gaule nous sont connues grâce aux huit livres de Commentaires sur la Guerre des Gaules qu'il nous a laissés.
Les sept premiers livres sont rédigés par lui-même entre 58 et 52 avant Jésus-Christ, le livre 8 par l'un de ses légats, Aulius Hirtius peu après. L’intention de César est, comme il le dit lui-même, de « fournir des documents aux historiens sur des événements si considérables ». Les faits sont racontés avec force détails, mais la localisation des lieux laisse parfois à désirer. Le choix du site d'Alésia, à Alise-Saint Reine, continue ainsi de poser encore beaucoup de questions à certains historiens et archéologues. 

La bataille qui nous intéresse est celle de Lucetia Parisiorum, en français Lutèce, qui opposa en -52 le vénérable Gaulois Camulogène, surnommé par César le « vieillard chargé d’années », et le lieutenant romain Labiénus. César, pendant ce temps-là, fait le siège de Gergovie. Mais grâce au récit de son lieutenant, le général peut raconter la bataille. Voilà ce que l'on apprend :

« […] Labiénus ayant laissé à Agédincum [Sens], pour la garde des bagages, les recrues récemment arrivées d'ltalie, se porte avec quatre légions vers Lutèce. Cette ville appartient aux Parisii et est située dans une île de la Seine. Au bruit de son arrivée, un grand nombre de troupes ennemies se réunirent des pays voisins. Le commandement en chef fut donné à l'Aulerque Camulogène, vieillard chargé d'années, mais à qui sa profonde expérience dans l'art militaire mérita cet honneur. Ce général ayant remarqué que la ville était entourée d'un marais qui aboutissait à la Seine, et protégeait merveilleusement cette place, y établit ses troupes dans le but de nous disputer le passage.» (Livre 7- chap.57). 

Parfait.  Nous avons appris que Lutèce se situe sur une île de la Seine, au bord de marais. On sait aujourd'hui que ce n'est pas sur l'île de la Cité comme on l'a longtemps cru. Mais où alors ?
Affaire à suivre. PCB



21 août 2012

Paris-Madrid, le tournant de l'histoire de l'aviation

Il y a un avant et un après la course Paris-Madrid de 1911.
Avant, ce sont les balbutiements.

En 1906, un planeur à flotteurs construit sur les plans de Archdeacon et Louis Blériot, remorqué par un canot automobile, s’élève de la Seine et parcourt plus d’un kilomètre, avec Gabriel Voisin aux commandes. Il deviendra le premier constructeur français d’aéroplanes.

Santos-Dumont, à bord de l'Antoinette, 13 septembre 1906
Photo L'Illustration.
Un richissime Brésilien s’impose très rapidement dans l’aventure aéronautique française, Santos-Dumont. Évoluant jusqu’en 1906 à bord de dirigeables, il crée une espèce d’insecte qu’il équipe d’un moteur, l’Antoinette, et le 13 septembre 1906, il parcourt à Bagatelle sept mètres à soixante-dix centimètres du sol. Deux mois plus tard, le 12 novembre, toujours à Bagatelle, l’intrépide parcourt 220 mètres en 21 secondes à plus de six mètres du sol. Le premier prix de l’Aéro-club de France, nouvellement créé lui est attribué. C’est la première fois en Europe qu’un appareil mécanique portant son pilote vole librement.

Le 5 avril 1907, sur le champ d’aviation d’Issy-les-Moulineaux, Charles Voisin exécute un vol très prometteur de huit mètres. L’ingénieur vole sur un monoplan et découvre à cette occasion les améliorations significatives à apporter à son engin. Le 17 septembre, toujours à Issy-les-Moulineaux, la libellule Blériot parcourt 184 mètres, mais s’écrase au sol.

Premier kilomètre en circuit fermé effectué par Henri Farman le 13 janvier 1908,
à Issy-les-Moulineaux. Coll. Musée de la carte à jouer.

Enfin, c'est le vol record du premier kilomètre en circuit fermé d’Henri Farman exécuté le 13 janvier 1908 à Issy-les-Moulineaux, sur un biplan Voisin (ci-dessus). Les grands de l’époque sont tous présents : Blériot, Pischof, Esnault-Pelterie venu de son atelier de Buc, Maurice Farman le frère avec qui il court en tandem au Vélodrome d’Hiver. Le prix de 50 000 francs offert par Mrs Deutsch de la Meurthe et Archdeacon, les mécène de l’époque, lui est attribué.

Blériot, à bord du Blériot XI bis. XDR
L’aviation avance à pas de géants. Trois concurrents rêvent de traverser la Manche : Latham, Blériot et le comte de Lambert. Santos-Dumont est également tenté par l’aventure. La tentative de Latham a failli réussir, mais son engin, à la vue des falaises blanches d’Angleterre, baisse de régime et se brise en mer.
Le 25 juillet 1909, c’est l’ingénieur Louis Blériot qui accomplit l’exploit à bord de son monoplan Blériot XI bis qui, depuis cet exploit, est exposé au Conservatoire National des Arts et Métiers.

Le Paris-Madrid de 1911 et le triomphe de Védrines, première épreuve internationale de capitale à capitale, reste dans l’histoire de l’aviation comme une date mémorable. Mais déjà sa prouesse est éclipsée par les exploits de Beaumont, de Garros et des autres qui par-dessus la mer ont relié l’Italie à la France. L'année 1912 est forte de nombreux records (voir article dans rubrique Aviation). De nouveaux noms émergent, des femmes aussi. Les tentatives furent hardies et ceux qui les entreprirent, comme ceux qui en avaient eu l’idée, ont montré une audace, une confiance dans la nouvelle locomotion, confiance qui ne fut pas exagérée. Cent ans plus tard, les chiffres sont là pour le démontrer.  En 2011, quelque 2,7 milliards de personnes ont pris l'avionA.B.

15 août 2012

Course d'aviation Paris-Madrid 1911- épisode n° 4

Dernière étape Saint-Sébastien - Madrid. Ils sont toujours trois concurrents à prétendre enlever la course organisée par le Petit Parisien. Nous sommes le 25 mai. 

Roland Garros joue de malchance. A 10 kilomètres du départ, il heurte un poteau électrique de 5 000 volts, à Usurbil, une petite commune du pays basque,  près de Hernani. Ayant échappé de peu  à l'électrocution, il repart à Saint-Sébastien chercher une nouvelle hélice et prend l'air après que son mécanicien Leblanc ait réparé.

Réparation d'urgence sur l'avion de Roland Garros
par Leblanc sous la protection de la Guardia civil espagnole.
Peu après, c'est son moteur qui lâche. Pour éviter de se crasher contre une montagne, il pique droit dans le fond d'un ravin et se pose en catastrophe sur les galets du gave de Leizaran dans la petite ville d'Andoain. C'en est fini pour Garros (ci-dessous à droite).



Eugène Gilbert (ci-dessus à gauche), quant à lui,  doit s'arrêter à Alsasua, aux pieds des montagnes, en plein pays basque espagnol. C'en est fini aussi pour l'ancien mécanicien du pilote britannique Graham White.

Jules Védrines décolle à son tour. Direction le terrain de Getafe, aux portes de Madrid. Lui aussi, est victime d'un problème mécanique : la rupture d'une tige de soupape qui le contraint à atterrir à Quintanapalla, dans la province de Castille-Léon, non loin de Burgos. en provoquant un problème sur son stabilisateur. Il doit réparer, couche à Burgos et repart le lendemain matin. De très bonne heure.
A 8 heures 6 minutes, alors que l'orage menace, il traverse la sierra de Guadarrama et se pose sur le terrain désert de Getafe, où 10 000 personnes se pressaient la veille.

Le roi d'Espagne Alphonse XIII.


Le roi d'Espagne Alphonse XIII, en personne, est là pour le féliciter (à droite). Il a mis 37 heures 26 minutes 22 secondes pour relier Issy-les-Moulineaux à Getafe. Il remporte les 200 000 francs de prix offerts par le Petit Parisien. A 9 heures, le vent se lève et à 15 heures c'est un véritable ouragan qui s'abat sur le terrain, où se sont massés les Madrilènes. La tribune royale est démolie, les hangars, le poste téléphonique sont pulvérisés et il ne faut pas moins de 50 soldats cramponnés au fuselage pour empêcher le Morane victorieux de s'envoler… sans son pilote !


Le champagne du succès.
Interviewé quelque temps plus tard, Jules Védrines qui trinque à son arrivée (à gauche) commente ainsi sa victoire : "Je vous dirai un mot sur la façon dont je me dirige. Je crois avoir le sens de l’orientation très déve­loppé, car je n’ai fait aucune étude pouvant me le donner. De plus, je connais, grâce à mes randonnées pédestres, toutes les routes de France. Or, je prends seulement la carte des chemins de fer et je ne m’occupe que des lignes de voies ferrées. Je les prends au départ et je les suis. Lorsque j’arrive à une bifurca­tion, je consulte ma carte et je vois quel côté je dois prendre. Nombreux sont les pilotes qui se perdent. Jusqu’ici je ne me suis jamais trompé et je crois que c’est à ce système que je le dois. Je vogue à des hauteurs variant de 150 à 200 mètres de façon à suivre mon itinéraire avec précision et je me trouve dans l’air absolument comme si je consultais en automobile les poteaux indicateurs sur la route. Enfin, je m’abstiendrai de donner mon opinion sur la boussole : c’est un instrument dans lequel cer­tains ont la plus grande confiance. Quant à moi j’ai remarqué qu’il y avait là une aiguille qui tournait avec frénésie sans vous donner d’indications précieuses. J’évite de m’en servir. Telles sont les données sur lesquelles je me base pour me conduire. C’est grâce à elles que j’ai remporté Paris - Madrid. Du moment que je vous ai livré ce qui jusqu’ici était mon secret, il ne vous manque plus que d’acquérir un appareil pour venir me disputer les places d’honneur dans les courses à venir."
C'est ainsi que se termine (presque) notre feuilleton de l'été… qui vous a fait découvrir l'une des plus mythiques courses d'aviation. A suivre, le bilan cent ans plus tard…

Pour en savoir plus, n'hésitez pas à vous rendre à la Galerie d'Histoire de la Ville, au Musée de la carte à jouer, qui détient toute la collection des magazines La Vie au Grand Air (dont sont extraites toutes ces photos).





11 août 2012

Grand meeting aérien à Belvès (Dordogne)

Le 15 août, l'aéroclub de Belvès - qui fêtera ses cent ans l'année prochaine - organise un magnifique meeting aérien avec :

- de la voltige
- une présentation d'avions anciens
- un lâcher de parachutistes
- un simulateur de vol
- une démonstration d'hélitreuillage
- des baptêmes de l'air.

Si vous êtes dans la région, venez passer la journée.

Pour en savoir plus :
http://aeroclubelves.free.fr/spip.php?article17

7 août 2012

Course d'aviation Paris-Madrid 1911- épisode n° 3

Angoulême-Saint-Sébastien : deuxième étape de la course Paris-Madrid. Seuls trois concurrents ont atteint Angoulême : Roland Garros, Jules Védrines et Eugène Gilbert.

Eugène Gilbert, complimenté par M. Sallenave, directeur de l'école Blériot de Pau




La foule est enthousiaste sur le champ d'aviation d'Angoulême, les journalistes admiratifs, les officiels aussi : " Quand nous le [Roland-Garros] vîmes passer au-dessus de Poitiers, me disait le lieutenant Ménard – et il s’y connaissait – nous nous dîmes, avec Do-Huu et Chentin : "Cet homme va à la mort". Son appareil faisait des chutes de 50 mètres, se relevait, tanguait, roulait. Il nous semblait à chaque instant le voir s’abîmer sur le sol, " raconte Marcel Violette dans La Vie au Grand Air.
Après quelques heures de repos, les trois pilotes redémarrent. Direction l'Espagne.

Védrines aux commandes de son avion sur le champ
d'aviation d'Angoulême.
Parti à 7h 14m 18s, pour être exact, d’Angoulême le 23 mai,  Jules Védrines atterrit à Saint-Sébastien, en Espagne à 10h 55m 15s, ayant couvert  les 350 kilomètres séparant les deux villes d'une seule traite.  Il a volé la plus grande partie du parcours au-dessus des nuages. Il a suivi la côte depuis Arcachon jusqu’à Fontarabie, survolant l’immense plage de la Côte d’Argent. 

Roland Garros à son arrivée à Angoulême.
Roland Garros est moins chanceux que sur la première étape et tombe en panne d'essence. Il réussit à se poser sur les contreforts  du mont Jaïskibel, alors que Hendaye lui apparaît tout ensoleillé. Il attendra pendant près de deux heures d'être secouru et atteindra Saint-Sébastien en 6 heures 30 minutes. Alors que Védrines a mis 4 heures 48 minutes !

Quant à Eugène Gilbert, il gagne Saint-Sébastien sans encombre. 

La dernière étape s'annonce mouvementée. A suivre.




1 août 2012

Course d'aviation Paris-Madrid 1911- épisode n°2

La foule est nombreuse en ce 21 mai sur le terrain d'Issy-les-Moulineaux. Les officiels sont là en bordure de piste : le ministre de la Guerre, Maurice Bertaux, le président du Conseil, Ernest Monis, d'autres encore. Des journalistes et des photographes font des coudes pour être au plus près des concurrents.

Les officiels, de gauche à droite : Blériot, le général Maunoury, Maurice Bertaux, Ernest Monis,
une minute avant l'accident.

La première étape doit conduire les aviateurs de Paris à Angoulême.
A 5h15 exactement Roland Garros prend le départ. "Il s’élève avec la virtuosité qu’il a acquise en volant dans les meetings d’Amérique, soulevant l’enthousiasme de la foule,” commente le reporter de la Vie au Grand Air. Il a obtenu son brevet de pilote (n°147) en juillet 1910. Il vole sur un monoplan Blériot avec hélice intégrale Chauvière et magnéto Bosch. Son vol se passe sans problème particulier : il se retrouve à la verticale de Meung-sur-Loire, puis passe au-dessus de Blois à 6h 25, de Châtellerault à 8h 45 et on peut l'apercevoir survolant Poitiers à 9 heures. Il arrive enfin à Angoulême à 10h 3mn 13s. Il est le seul à terminer l’étape dans la journée du dimanche. Et encore ! il a du atterrir en route, à Villeperdue, ce qui lui a fait perdre 45 minutes.

A 6h30, Émile Train (brevet n°167) se présente au départ sur un monoplan de sa fabrication. Il a pris à bord un passager. Et s'élance mais avec beaucoup de difficulté. Il décide de se poser au moment où un peloton de cuirassiers traverse la piste. Il tente de les éviter et c'est le drame : les officiels sont fauchés, Maurice Bertaux décède, Ernest Monis est blessé (voir rubrique Aviation). 

Émile Train.


Voici comment quelque temps plus tard, le pilote explique son accident : "Le moteur faiblissait de plus en plus et ne me permettait plus d'effectuer un virage. Je redressait l'appareil et tentais d'aller atterrir au-delà du peloton. Je fis l'impossible pour prolonger mon vol. J'allais y arriver lorsque l'appareil, complètement cabré, s'abattit lourdement".


Jules Védrines, dit Julot, (brevet n°312)  qui, la veille, a capoté au départ, évitant miraculeusement la foule, peut reprendre la course le lundi. N'ayant plus d'avion, complètement détruit, il emprunte le Morane de son ami Verrept et décolle d'Issy-les-Moulineaux, à 4h 11m 20s 2/5 du matin. Après avoir accompli deux tours au-dessus de l’aérodrome, il pique droit sur Angoulême qu'il atteint à 7h 54m 16s, soit une moyenne horaire de 107,60 km/heure. Il se classe premier de l'étape.

L'avion de Védrines, totalement inutilisable, après son crash.

Quant à Eugène Gilbert, qui a pris le départ la veille et s’est arrêté à Pontlevoy où il a décidé d’abandonner en apprenant la catastrophe, il repart le lundi et atteint Angoulême à 10h 55, ayant mis 8h 55 de vol effectif pour cette première étape. 

Ils ne sont que trois à avoir accompli cette première étape. La semaine prochaine… Angoulême-Saint-Sébastien. A suivre.