28 juin 2013

Issy - Petite étude toponymique des rues et places

Les noms donnés aux rues ou aux places d’un village ou d’une ville reflètent le plus souvent l’histoire locale ou nationale, les références à des personnages que l’on souhaite honorer, des lieux-dits, des métiers, des particularités géographiques ou économiques. L’éventail est large mais significatif d’un moment particulier, d’un contexte spécifique.

Les anciens plans d’Issy-les-Moulineaux (à gauche) depuis le XVIIIe siècle permettent d’étudier avec intérêt, ou parfois avec amusement, l’évolution toponymique. Le village d’Issy au XVIIIe siècle n’a qu’une Grande rue entre le village de Vaugirard et les Moulineaux menant, au-delà, à Meudon et à Versailles par la route du Pavé des Gardes. Au XIXe siècle, apparaissent les premiers noms souvent liés à des références campagnardes naturelles pour un village devenant ville.

Voir légende 1. Ci-dessous.
Au siècle dernier, après chaque guerre mondiale on honore des personnages et des événements importants. Le quartier autour de l’Hôtel de Ville rend hommage aux philosophes des Lumières (Diderot, d’Alembert), et aux révolutionnaires  (Hoche, abbé Grégoire, Danton et Robespierre ). S’y ajoutent plusieurs noms de maires (tels Minard, Naud, Gervais ou Cresson), des bienfaiteurs de la commune (Lasserre, Henri Tariel - dont les rues sont proches), des pionniers de l’aviation (Farman, frères Voisin), des artistes (Matisse, Rodin mais pas Dubuffet), des militaires (Gallieni, Leclerc), des hommes politiques illustres  (Jaurès, Éboué et, bien sûr, le général de Gaulle ) ou un visiteur amoureux comme Victor Hugo courtisant Adèle Foucher.

Les restructurations de quartiers ou d’îlots industriels ont permis de donner le nom de maires plus proches de nous (Leca, Madaule, Menand), de photographes, tel Atget, ou de femmes (Éliane Jeannin-Garreau). Les noms de rues les plus récents vont se lire à l’intérieur du Fort en cours d’aménagement. Remarquons au passage si les anciens seigneurs Vaudétard ont leur rue, il n’y rien ni pour la reine Margot ni pour les princes de Conti.
Pour ceux qui veulent en savoir plus sur les noms, il est indispensable de lire l’article écrit par le CCA(voir rubrique Associations) chaque mois dans le journal Point d’Appui.

Voir légende 2.
Pour suivre l’évolution toponymique, quelques exemples sont donnés avec les noms anciens écrits en italiques et ceux qui les remplacent. Les maisons d’Issy sont à l’origine essentiellement réparties le long de la Grande-Rue dont des portions successives deviennent la rue Renan (le philosophe a étudié au Séminaire en 1895), la rue du Général Leclerc et l’avenue Victor Cresson après 1945.

Il y a quelques petites rues transversales. En allant de l’est vers l’ouest, la rue de Javelle est devenue rue Foucher-Lepelletier, la rue des Treilles rue Michelet, la rue de Vanvres simplement rue de Vanves ; la rue de la Glaisière, rue Minard, la rue de la Reine (Margot) rue Victor Hugo, la rue du Château rue Auguste Gervais, la rue des Prés rue Diderot, la rue des Noyers la rue Dolet, la rue des Entrepreneurs la rue Danton, la rue de Chevreuse la rue Jules Guesde.

Voir légende 3.
Par contre l’impasse Cloquet, au flanc sud de l’église Saint-Étienne, existe toujours sans changer de nom. D’autres rues longent plus ou moins l'artère principale. La rue des Sablons est devenue la rue Hoche, l’avenue de l’Hôtel de Ville l’avenue Jean Jaurès depuis 1920 et la route de Clamart où Matisse possédait une propriété et un atelier est de nos jours l’avenue du Général de Gaulle.
La route du Pavé des Gardes près du hameau des Moulineaux correspond en partie à l’avenue de Verdun. La rue Gévelot devient la rue Jean-Pierre Timbaud.

Voir légende 4.
Les boulevards furent également renommés : le boulevard de la Défense en boulevard Rodin, celui du Point du Jour en boulevard Gallieni - depuis la Première Guerre mondiale - et le boulevard du Lycée en boulevard Voltaire également route départementale succédant à un Chemin de Grande Communication.
Les places changent de nom : la place des Marronniers est devenue celle du 11-Novembre, la place de la Gare est la place Gévelot et la place de la Source a perdu son nom au profit du président Kennedy assassiné en 1963.



Légendes des illustrations.
1. La rue des Prés évoquant le caractère rural d’Issy est remplacée par la rue Diderot, le directeur et l’âme de l’Encyclopédie.
2. Rue des Entrepreneurs sur la partie supérieure arrondie et rue Danton avec une caractéristique et les dates biographiques sur le rectangle. La référence aux hommes qui ont transformé la ville par leurs activités économiques est remplacée par le célèbre révolutionnaire exécuté sur ordre de Robespierre.
3. La rue des Sablons évoque le sous-sol sédimentaire de la vallée de la Seine. Il est facile d’observer encore lorsqu’une tranchée est creusée dans une rue isséenne le sable couleur d’or qui en est extrait. Le général Hoche, mort prématurément de maladie, aurait pu être un sérieux rival pour un certain Bonaparte qui l’a avoué, une fois devenu maître de la France ! 
4. Le boulevard du Lycée (Michelet) continue à Vanves mais la limite entre les deux communes est matérialisée par la nouvelle référence à Voltaire, plus célèbre et ironique philosophe des Lumières, commensal de Frédéric II avant de devenir le seigneur de Ferney (Voltaire aujourd’hui) dans l’Ain.
5. Rue Marceau (photo ci-dessous). Encore un général révolutionnaire mort de ses blessures infligées par les Autrichiens. Deux plaques superposées l’une ancienne sur fond bleu et l’autre actuelle avec une calligraphie noire sur fond blanc et surtout des indications ( noms de la commune et du quartier et logo de la ville dans l’angle droit supérieur). Ces plaques sont menacées par la destruction programmée du bâtiment.

Voir légende 5.
Merci à l’Isséen qui souhaite rester anonyme qui m’a la première fois signalé quelques plaques anciennes, ce qui m’a inspiré cet article. P. Maestracci

A signaler un site mis en ligne par la ville pour suivre l'évolution topographique de notre cité :
http://cartographie.issy.com/cartes/2D/AUDD_histoire.html

25 juin 2013

L'homme à l'écharpe - Jeu

Il y a bien longtemps que nous ne vous avons pas fait jouer. A l'approche des vacances, laissons-nous aller ?


© Alain Bétry
Ph. A. Bétry
Alors, où se trouve ce buste et qui est l'homme à l'écharpe ?

22 juin 2013

Guerre de Corée (25 juin 1950 - 27 juillet 1953). Hommage aux combattants

© Alain Bétry
Issy-les-Moulineaux le 8 juin 2013, stèle aux anciens combattants d'Indochine et de Corée.
MM. Joseph Rotella et Bernard Ducaille, anciens d'Indochine, déposent une gerbe. © A. Bétry
Pour la première fois de son histoire, l'ONU (créée en 1945) envoie une force combattante sur un champ de bataille : la Corée.
L'agression communiste des Soviétiques et des Nord-Coréens, soutenus par la Chine, contre la Corée du Sud le 25 juin 1950, va se trouver rapidement confronter à un dispositif impressionnant. Sur les 53 nations qui soutiennent la résolution 84 d'intervention (sous commandement américain), adoptée le 27 juin au Conseil de sécurité des Nations unies, 16 envoient des forces combattantes pour venir en aide à la République de Corée (Corée du Sud).
Deux phases caractérisent ce conflit : guerre de mouvement (reprise des territoires envahis) et guerre de positions. Des combats rudes sont menés pour la récupération de Séoul, la capitale, le 14 mars 1951.

Le bataillon français sur le front
Le 28 novembre 1950, 1051 volontaires débarquent dans la ville portuaire de Pusan. Avec les relèves et les renforts, en trois ans, ce sont 3 763 Français qui ont combattu en Corée. Cinq chefs ont commandé le bataillon. Le général Monclar, quatre étoiles, ancien de Verdun, héros de Narvick, compagnon de la Libération, a renoncé à ses étoiles pour les galons de lieutenant-colonel de 1950 à 1951. Ses successeurs sont : Le Mire, de Beaufond, Borreil, de Germiny.

Le 3 octobre 1953, le Bataillon de Corée débarque à Saigon en Indochine. Il devient, le mois suivant, le GM 100, Groupement Mobile 100. Jusqu'au cessez-le-feu signé à Genève le 20 juillet 1954, le GM 100 subit de sévères pertes au cours de nombreuses embuscades, principalement le 24 juin. Le 1er septembre 1954, le GM 100 est dissous. Le Régiment de Corée redevient le Bataillon de Corée. Le 17 juillet 1955, il quitte Saigon pour Alger où il arrive le 10 août.

Le bilan
Les pertes sont importantes.
Pour les forces onusiennes : 187 000 soldats tués - dont 54 000 Américains.
47 000 Sud-Coréens tués.
Le Bataillon français perd 262 hommes.
Les Nord-Coréens perdent 520 000 hommes ; les Chinois 900 000.
© Alain Bétry
Issy-les-Moulineaux. © A. Bétry
Tous les ans, les anciens d'Issy-les-Moulineaux déposent une gerbe sur la place éponyme (photo en haut). A.B.

19 juin 2013

École française du Barreau : portes ouvertes à Issy-les-Moulineaux

© P. Maestracci
Les Isséens étaient invités un samedi plein soleil de juin à visiter les magnifiques locaux de l’EFB (École française du barreau) installée depuis le début de l’année 1 rue Berryer (voir rubrique Actualités). Cette œuvre spectaculaire de Jean-Michel Wilmotte est toute de verre, bois et béton. Et toute en courbes (à droite). L’isolation phonique y est totale pour des bâtiments longés régulièrement par trams et RER, sans parler de la haute qualité environnementale.
Toutes les salles offrent des conditions optimales de travail ou de repos pour les très nombreux étudiants. Ceux-ci sont majoritairement admis sur concours (très sélectif). Leur formation dure trois fois six mois. 



© P. Maestracci
Hall d'entrée, avec les courbes élégantes des deux
salles supérieures auxquelles répondent les enroulements
de bois de la façade vitrée.







La visite s'est faite de haut en bas de l’immeuble. Pour commencer, un amphithéâtre dont le mur-verrière offre un panorama sur Isséane, sculpture monumentale, et au-delà sur les bords de Seine et Paris (15e arrondissement). Chaque siège dispose d’une prise pour les ordinateurs. Il fut possible de rentrer dans une salle de repos qui, en fait, contient des espaces cloisonnées recouverts de tissu ; quatre personnes peuvent s’asseoir autour d’une table de travail. Tous près, des sièges colorés en forme de U horizontal, qui tournent à la grande joie des enfants et des grands.

Au niveau inférieur, la cafétéria agréable ouvre sur une terrasse séduisante et un jardin (ci-dessous). À noter la façade décorative à droite et en face, les derniers étages avec un décor verdoyant. Mais il serait souhaitable qu’une forme de restauration extérieure et pas trop onéreuse soit prévue ; c’est le souhait exprimé par nos guides d’un jour.

© P. Maestracci
Vue sur la cour. Terrasse et jardin de la cafétéria.
 Des informations sur les possibilités culturelles et sportives d’Issy-les-Moulineaux sont données aux étudiants dont certains habitent déjà la commune. D’autres pourront à terme vivre près de l’EFB dans une résidence estudiantine. Texte et photos P. Maestracci.

16 juin 2013

Hospice des Petits-Ménages - Hôpital Corentin-Celton, Issy : visite privée

© Alain Bétry
L'entrée rue Guynemer. © A. Bétry

Nous avions rendez-vous en ce samedi 15 juin ensoleillé et venteux à la porte de l'hôpital Corentin-Celton, dans le quartier du même nom, pour un parcours hors du temps sous la houlette de notre guide favorite, Pascale. Corentin Celton, ce syndicaliste communiste, exécuté au Mont-Valérien en 1943 pour fait de résistance (voir Histoire-Personnages), à qui l'on rendit hommage dès le 15 septembre 1945, en donnant son nom à la maison de retraite où il fut employé. Le décret, en lui-même, date du 9 février.

© Alain Bétry
Les Historimiens dans le jardin des 1 000 roses, les espaces verts créés en 1853. © A. Bétry

Devant nous, de chaque côté d'une cour d'honneur arborée, s'étendent les deux ailes totalement reconstruites de ce que l'on appela longtemps l'hospice des Petits Ménages. Et dont on fête cette année les 150 ans. À l'origine, c'est à Paris, en 1557, qu'est fondé un hospice des Petites-Maisons pour loger les nécessiteux, puis les couples âgés, enfin les épileptiques et les fous. Une ordonnance préfectorale du 10 octobre 1801, sous le consulat de Bonaparte, réserve ces logis aux veufs et veuves de soixante ans au moins, ayant vécu au moins cinq années de vie commune, et répondant à des conditions financières très précises..

Chapelle Saint-Sauveur et galerie.
Installés à Issy-les-Moulineaux en 1863, les bâtiments construits par l'architecte Marcellin Véra, renfermaient à l'origine plus de 1300 lits et répondaient aux conceptions hygiénistes de l'époque : ventilation, lumière, verdure et espaces, nous rappelle Pascale. Une architecture monumentale, des pavillons reliés par des galeries ouvertes, le tout dans une symétrie parfaite, ouvrant alors sur le champ de Manœuvres. Au 31 décembre 1869, la population des Petits-Ménages comptait 1281 personnes, logées soit en dortoirs, soit en chambres individuelles.

Rien n'a changé. La galerie donne
sur les jardins. © A. Bétry
Pendant la guerre, l'hospice est transformé en hôpital militaire, puis, en 1920, est créé un service de chirurgie et, en 1932, un service de médecine. Le temps passe, de nouveaux bâtiments sont construits entre 1930 et 1936.   et, dans les années1980-1990 l'Assistance publique décide de rénover complètement ce qui devient aujourd'hui l'un des plus importants hôpitaux de la région parisienne, avec notamment ces services psychiatrique, de rééducation orthopédique et de gérontologie.

La visite se poursuit à travers les jardins jusqu'à la chapelle Saint-Sauveur, malheureusement fermée cet après-midi là. De style néo-roman, son plan, dû à l'architecte Marcellin Véra, s'inspire de certaines basiliques primitives italiennes (carte postale). Notre petite promenade se termine dans le quartier avec la découverte, pour certains, de l'église souterraine Saint-Benoît, dont les travaux de construction, en 1970, ont révélé la présence d'un cimetière mérovingien d'une centaine de sépultures. Affaire à suivre… et à creuser !
Un grand merci à Pascale qui, comme toujours, nous fait découvrir les endroits cachés de notre ville. PCB

13 juin 2013

Corentin Celton, fusillé au Mont-Valérien, en 1943

Alors que les membres de notre association se préparent à la visite des Petits-Ménages, découvrons qui est Corentin Celton, celui dont le nom a été donné - par décret du 9 février 1945 -  à la station de métro et à la maison des retraite, puis à l'hôpital rouvert en juin 2004.


Les Petits-Ménages, devenus l'hôpital Corentin-Celton.
Né le 18 juillet 1901 à Ploaré (Finistère), Corentin fait toute sa carrière dans l'Assistance publique : à l'hôpital Saint-Antoine puis à l'hospice des Petits-Ménages, à Issy-les-Moulineaux (à gauche). Mais sa mission de dirigeant syndicaliste est la plus forte, il se met donc en congé syndical. Dès 1925, il adhérait à la SFIC (Section Française de l'Internationale Communiste), l'ancien nom du Parti Communiste. Et jusqu'en 1939, il remplit plusieurs postes de dirigeant dans la fédération CGT des Services publics. Mobilisé en tant qu'infirmier à la 7e Armée dirigée par le général Frère, sur le front belge, il fait preuve d'un courage exemplaire qui lui vaut la Croix de guerre. Démobilisé à l'armistice, il retrouve son emploi aux Petits-Ménages. Mais la direction générale de l'Assistance publique le relève de ses fonctions pour cause d'appartenance au Parti communiste.

La chasse aux communistes est devenue une priorité pour le régime de Vichy, depuis que le gouvernement Daladier a interdit en septembre 1939 le Parti, considérant ses membres comme des "traîtres à la patrie", après la signature du pacte germano-soviétique d'août : le 23, à Moscou, en présence de Staline, les ministres des Affaires étrangères, Molotov et von Ribbentrop, signaient officiellement le Traité de non agression entre l'Allemagne et l'Union soviétique.
Une police anti-communiste, la SPAC, est créée par Vichy, sous la direction de Charles Detmar, un militant d'extrême-droite. Il organise une véritable chasse aux communistes, passés dans la clandestinité et la résistance. Ces derniers, arrêtés par la police française, sont livrés aux Allemands. C'est le cas de Corentin Celton qui, dans la clandestinité sous la fausse identité de Pierre Le Meur, organise les Comités populaires dans les Services publics, sert d'agent de liaison entre les syndicalistes hospitaliers.

Sur la tombe de Corentin Celton, au cimetière de Ploaré (Finistère). © XDR 
Arrêté le 10 avril 1942, condamné à trois ans de prison à Clairvaux, transféré par la Gestapo à Fresnes, rejugé le 20 décembre, il est condamné à mort et fusillé au Mont-Valérien le 29 décembre 1943. Il y aura 70 ans. Il est enterré au cimetière de Ploaré. Sur sa tombe, une plaque offerte par le Syndicat de l'Assistance publique de Paris (ci-dessus), porte les derniers mots de Corentin Celton : "J'ai lutté pour un monde meilleur et cela reste ma fierté. Il ne me coûte pas de mourir puisque j'ai la certitude que la France vivra". PCB


10 juin 2013

Gallieni : un boulevard à Issy-les-Moulineaux

Remarque préalable : n’en déplaise à ceux qui écrivent les noms propres sur des cartes ou des plaques de rues, le nom de Gallieni s’écrit sans accent. Si l’on excepte le quai le long de la Seine, le boulevard Gallieni est la plus longue artère isséenne à ne pas changer de nom tout au long d’1,5 kilomètre entre le carrefour de Weiden et la limite de Paris (quartier Centre Ville).

Angle avenue de Verdun ( actuelle Victor-Cresson) et boulevard Gallieni. Carte postale. Coll. privée.
L’immeuble majestueux de 1903, au décor sculpté d’inspiration Louis XV, est l’œuvre de l’architecte Alfred Laurent. Cet immeuble se trouve à l’angle de l’avenue Victor Cresson au numéro 40 et du boulevard Gallieni au 85. Un peu plus loin sur l’avenue Cresson, on distingue entre les immeubles des palissades ; derrière l’une d’entre elles se trouve un dépôt de charbon de l’entreprise Chaulet. À droite du carrefour, une vespasienne jouxte un espace boisé qui est maintenant le square de Weiden.

A l'origine
Axe nord/sud, il s’est d’abord appelé boulevard du Point-du-Jour. C’est le nom originel d’une route qu’empruntent les courtisans allant faire leur cour à Louis XIV à Versailles ; il fallait arriver à temps pour le petit ou le grand Lever du Roi-Soleil ! 

Au XIXe siècle
Ensuite, une Porte de ce nom est percée dans les fortifications de 1840 cernant Paris sur la rive droite de la Seine. C’est encore le nom d’une place à Boulogne-Billancourt. Le boulevard isséen se situe sur l’autre rive, plus à l’est, et orienté vers la Porte du Bas-Meudon réservée à une ligne ferroviaire (tracé commun du Tram et du RER). Le 21 mai 1871, les Communards de la Porte du Point-du-Jour se rendent aux soldats versaillais qui entrent ainsi dans Paris, prélude de la Semaine sanglante et de la fin de la Commune (voir la Commune de Paris). Un petit immeuble au numéro 77 garde entre deux étages un bandeau peint en beige avec des lettres en relief indiquant Hôtel du Point-du-Jour. 

Joseph-Simon Gallieni. ©XDR
Le boulevard prend  le nom de Gallieni. Joseph-Simon Gallieni (1849-1916) a eu une belle carrière militaire (à gauche). Bien qu’atteint par la limite d’âge en 1913, il devient gouverneur de Paris en août 1914 lors de la guerre de mouvement (bataille de la Marne, symbolisée par l’envoi des fameux taxis), puis ministre de la Guerre d’octobre 1915 à mars 1916, au moment où commence « l’Enfer de Verdun ». Il meurt deux mois après sans jamais connaître ni l’issue de cette bataille ni évidemment la fin de la Grande Guerre. La dignité de maréchal lui est octroyée à titre posthume.


Vue prise vers Paris. Le croisement autrefois appelé
 Carrefour de l’Abreuvoir est le Rond-point
du Pt Schuman.  Coll. Privée

A gauche de la carte postale, le début de la rue Rouget de Lisle ; à droite, l'amorce du boulevard des Frères Voisin. L’immeuble à l’angle gauche n’a pas disparu. Derrière lui, on distingue des bâtiments consacrés à l’industrie. À droite, des baraquements et deux cheminées du Champ de manœuvre sur lequel en 1908 l’avion de Farman a parcouru pour la première fois un kilomètre en circuit fermé. Plus que la distance, c’est le fait de virer sur l’aile et de pouvoir revenir qui fut un exploit de renommée mondiale ! 


Au XXe siècle
Il y a une grande diversité de part et d’autre du boulevard du Point-du-Jour. Au début du XXe siècle, la zone la plus proche de Paris est consacrée à l’industrie en raison de la proximité du champ de manœuvres de l’Armée et les débuts de l’aviation ; le boulevard croise celui des frères Voisin, avionneurs et constructeurs d’automobiles (voir Conférences/Visites), et la rue Rouget de Lisle où sont les Blanchisseries de Grenelle installées sur un puits artésien (voir Industries). En revanche près de la Grande-Rue (devenue avenue Victor Cresson), sont construits des immeubles résidentiels.
En janvier-février 1910, la Seine envahit la plaine isséenne et remonte le boulevard jusqu’à une partie légèrement plus haute au niveau des rues Chérioux et des Peupliers (voir Histoire-Dates). P. Maestracci

Vue du boulevard Gallieni depuis le carrefour de Weiden, vers le nord. Carte postale de l'après-guerre. Coll. privée.
Le petit bâtiment à gauche était occupé au rez-de-chaussée par un bar-tabac et une auto-école à l’étage. De nos jours, ils sont remplacés par une pharmacie.

7 juin 2013

Anna Larzillière, une Isséenne d’abstraction



CEAP
Triptyque : végétation, eau, jardin minéral d'inspiration japonaise. Oeuvre
signée Anna Larzillière, réalisée au CEAP, sous la direction du professeur Cordeau.

Anna Larzillière, isséenne depuis 1987 comme son mari Michel que vous avez découvert il y a quelques jours (voir Témoignages), fréquente assidûment la Médiathèque du Centre-ville (rue du Gouverneur Général Éboué). Elle apprécie l’art non-figuratif qu’elle a pratiqué pendant de nombreuses années au CEAP (Centre d’Expression d’Art Plastique), 41 avenue Victor Cresson avant sa démolition. Son professeur, très estimé de ses élèves, était M. Patrick Cordeau. Le travail pouvait porter sur la matière : goudron, sable, ou cendres. Certains thèmes étaient « à la manière de »…Pollock, Vieira da Silva, artiste portugaise, ou l’Autrichien Hundertwasser. Quant à Dubuffet dont elle a beaucoup aimé l’exposition au centre Pompidou en 2001, la couleur et l’imagination de l’artiste l’ont vivement impressionnée (ci-dessous). 

CEAP
A la manière de Dubuffet : Aplats de couleur et rayures cernées de traits
le plus souvent bleus et rouges. Oeuvre
signée Anna Larzillière, réalisée au CEAP, sous la direction du professeur Cordeau.

Depuis, l'artiste suit des cours de peinture abstraite aux ateliers des Arcades, 52/54 boulevard Gallieni. Elle préfère de loin les couleurs vives ; le rouge et le vert sont ses préférées. En revanche le gris, le marron l'attirent moins. Elle travaille « dans l’inspiration, la non-composition pour un résultat aléatoire. C’est une aventure, je ne sais pas sur quoi je vais déboucher…la fin n’est pas toujours évidente [car] il y a toujours un côté surprise. ». Elle aime la liquidité de la peinture, intégrer du sable, des cendres.
Chaque œuvre lui prend deux semaines. Vous en découvrez ici deux - très colorées. Une bonne façon de s'évader… P. Maestracci 
Pour tout renseignement sur les ateliers des Arcades :

4 juin 2013

1863 : Ernest Renan publie La Vie de Jésus

Ernest Renan. © XDR
Joseph-Ernest Renan (à gauche, à la fin de sa vie) est né en 1823 en Bretagne. Orphelin de père à 5 ans, il est élevé par sa mère et sa sœur Henriette. Voué d’abord à une carrière ecclésiastique, il commence des études religieuses en Bretagne, avant d’étudier de 1841 à 1843 à « la maison d’Issy » qui est dans la Grande-Rue puis à Saint-Sulpice (voir rubrique Histoire-Personnages la description qu'il en fait). Cela lui permet de se familiariser avec les sciences et d’apprendre l’hébreu. Pourtant en 1844, il s’oriente vers la philosophie et passe un doctorat. 

En 1862, sous le Second Empire, il est nommé professeur d’hébreu au Collège de France mais crée un scandale dès son premier cours en parlant de Jésus comme « d’un homme incomparable ». Cela lui vaut d’y être interdit de cours jusqu’en 1876, soit six ans après la chute de Napoléon III !

Édition originale de
la Vie de Jésus, 1863.
En fait, il désire ouvrir l’histoire des religions au grand public grâce à L’Histoire des origines du christianisme dont le premier tome La vie de Jésus paraît en 1863, il y a 150 ans. Il en trace un portrait très humain. Les autres tomes s’échelonnent jusqu’en 1881. Son œuvre littéraire et historique est foisonnante, y compris des traductions de l’Ancien Testament comme le Livre de Job et le Cantique des Cantiques.

Pour lui rendre hommage et rappeler son passage au Séminaire, la rue principale d’Issy prend le nom d’Ernest Renan en 1895, trois ans après sa mort à Paris. Paradoxalement, la portion de rue dans laquelle se trouve toujours le Séminaire change de nom après 1945 puisque c’est celui du héros de la 2e DB, le général Leclerc dont certains chars sont passés par Issy-les-Moulineaux lors de la Libération en 1944. 

© Pascale Maestracci
Le Séminaire Saint-Sulpice, vu des jardins. © P. Maestracci
Les bâtiments que l’écrivain a fréquentés pendant sa formation furent tellement endommagés lors des combats de 1870/71 qu’ils ont été reconstruits de 1872 à 1894. Il n’a pas pu connaître la chapelle, terminée en 1901, donc après sa mort. Mais il s'est promené dans les jardins. 

P.S. Merci à Monique P. qui m’a permis d’évoquer le 150e anniversaire de cet ouvrage majeur d’Ernest Renan. P. Maestracci.
Pour ceux qui seraient intéressés par l'achat d'éditions originales, notamment d'ouvrages sur la religion, dont La Vie de Jésus (photo ci-dessus) :

1 juin 2013

Issy : un bureau typographique au Musée français de la carte à jouer

Les chanceux qui ont visité il y a quelques mois le Musée en compagnie de son conservateur, Agnès Barbier (voir rubrique Conférences/visites), ont pu admirer ce meuble tout à fait étonnant.


© Alain Bétry
Gros plan sur le bureau typographique du Musée. © A. Bétry
Il s'agit de l'invention de Louis Dumas (1676-1744), un pédagogue d'origine protestante qui trouva le moyen de rendre agréable et ludique l'apprentissage de la lecture. Il eut donc l'idée de fabriquer une "machine à enseigner", composée d'un bureau en bois, rappelant les casses des typographes, et de cartes à jouer au dos desquelles étaient inscrits, au pochoir, lettres (majuscules et minuscules), chiffres, signes de ponctuation. Ces bureaux typographiques pouvaient contenir quelque 10 000 cartes différentes, dont le Musée conserve quelques exemplaires. Une fois que l'enfant connaissait l'alphabet, il piochait dans les cases pour faire des mots, conjuguer des verbes, calculer. Cette méthode Dumas, révolutionnaire à l'époque, permet l'apprentissage de la lecture selon un cursus de quatre "classes".

Première classe pour les enfants de 2-3 ans : ils apprennent à reconnaître les lettres. Deuxième classe, dite "bureau latin", ils manipulent les lettres pour en faire des combinaisons. Troisième classe, dite "bureau latin/français" : ils font connaissance des sons. Après les yeux, ce sont les oreilles qui sont mises en activité - et l'orthographe s'acquiert. Enfin, quatrième classe, celle du "rudiment pratique" : les enfants apprennent la grammaire par l'usage.

Gravure, le bureau typographique à l'usage du Dauphin (1773).

Louis Dumas, fils naturel du marquis de Montcalm, met en pratique sa méthode dans sa famille, auprès de l'un de ses neveux qui, assure le pédagogue, était capable à 3 ans et demi de "distinguer et dicter tous les sons des mots qu'on lui prononçait en français et en latin".
Cette méthode, qui coûtait cher, fut surtout utilisée dans les maisons particulières aisées. Seules les pensions parisiennes l'adoptèrent, les écoles publiques, plus pauvres, ne tentèrent pas l'expérience : manque d'argent, manque de place, une dizaine d'enfants maximum pouvait travailler en même temps sur un bureau.

Alors que l'année scolaire se termine, saluons les tentatives des uns et des autres, hier comme aujourd'hui, pour trouver la bonne méthode d'apprentissage de la lecture… Et n'oublions pas, comme le disait Montesquieu si justement : "Une heure de lecture est le souverain remède contre les dégoûts de la vie". PCB