26 février 2019

Jeu - une Vierge berrichonne

Le nez en l'air… partez à la recherche de cette statue de la Vierge ? 

© M. Julien

Où peut-elle bien se trouver ? Sur la façade d'une église, d'une chapelle, d'une école ?
Réponse le 1er mars

24 février 2019

Issy - enseignes et jeux de mots

Les vacances sont de retour, le temps… de prendre le temps de s'amuser 
avec Historim dans les rues d'Issy.

La commune offre de nombreux commerces et services pour satisfaire les besoins et envies de la clientèle. Le plus souvent, les noms des enseignes relèvent d’un registre sérieux qu’il s’agisse de banques, assurances, hôtels, pharmacies, etc. D’autres portent le nom d’entreprises connues comme supermarchés, supérettes, parfumeries et autres.

Activité beauté !
Il n’empêche que la fantaisie et l’originalité l’emportent dans certains secteurs d’activité comme celui de la beauté. C’est ainsi qu’une grande diversité a inspiré les coiffeurs indépendants. Leurs enseignes jouent sur des mots français. Comment résister à Belom Paris (5 rue Auguste Gervais) ? On peut signaler Élégance (120 avenue de Verdun), Caprice des Dames (2 rue Baudin), Maud’L (33 rue Jean-Pierre Timbaud), DS Beauté (38 rue Jean-Pierre Timbaud) ou Mo’Tif Coiffure (2 place Bonaventure Leca).

Salon de coiffure 1929… rien à voir avec celui d'aujourd'hui. © XDR
L’usage de l’anglais n’est pas non plus négligé, souvent en se jouant de la prononciation identique pour des francophones air/hair (cheveu) : L’Air du Temps (9 rue Jean-Pierre Timbaud),  Mod’s Hair (36 rue Ernest Renan). L’enseigne New Cut (36 avenue Victor Cresson) sonne mieux que « Nouvelle coupe de cheveux », non ! 
Quant à @Na&Co (8 rue Auguste Gervais), il mérite une franche explication. L’arobase @ bien connue des internautes se prononce at en anglais ou aen français. Les trois premiers caractères forment ainsi un prénom féminin, suivis de l’esperluette &, et, et d’une abréviation anglaise Co, compagnie ou Cie !
Certaines ongleries ont recours au mot anglais nail que ce soit Beauty Full Nails (54 rue Jean-Pierre Timbaud) ou Red Nails & Beauté (10 avenue de la République).

Activité mode !
En ce qui concerne les chausseurs, deux exemples sont intéressants. Le P’tit Soulier (14 avenue Victor Cresson) est dédié aux enfants et peut faire penser à une chanson de Tino Rossi consacrée au Père Noël qui fut un tube pendant de nombreux hivers ! 
Modèle de chaussure Louis XIV
avec talon (rouge) et large ruban. © XDR
En revanche, Talon Pourpre (30 rue Ernest Renan) vend des chaussures pour adultes. La couleur pourpre est celle des cardinaux dans l’Église catholique après avoir été celle des empereurs romains. Sous Louis XIV, les chaussures d’hommes se devaient d’avoir un talon (ci-contre). Celui-ci était obligatoirement rouge en signe de noblesse. Le rouge évoquait le sang que les gentilshommes n’hésitaient pas à verser pas tant lors de duels interdits qu’à la guerre. Cette noblesse d’épée justifiait ainsi le droit de ne pas payer d’impôt sinon celui du sang.

Deux exemples peuvent également être donnés pour les magasins de vêtements pour dames. Cécile (19 bis rue Ernest Renan) sans rapport évident avec Sainte Cécile, patronne des musiciens ; et Hypothèse (30 rue du Général Leclerc) dont le nom suppose mûre réflexion avant de choisir. Il faut ajouter que les vêtements peuvent être ajustés ou réparés grâce aux nombreuses ressources d’une mercerie À La Pâquerette (20 rue du Général Leclerc).

Activité hôtellerie !
Les jeux de mots sont plus rares en ce qui concerne les hôtels. Le Paris d’Issy Hôtel  (3 rue Auguste Gervais) est moins amusant que le polysémique nom de l’Izzy Hôtel Porte de Versailles (3 rue Georges Marie). Izzy peut évoquer Issy si l’on confond la prononciation du Z et du S mais plus vraisemblablement à easy (facile, commode, en anglais).

Activité décoration !
En ce qui concerne la maison, il y a deux boutiques de décoration : Décoémotion (32 rue Jules Ferry) et Bois et Tentations (4 rue Hoche). 

Activité reprographie !
La spécialisation dans le domaine de la reprographie/distribution de tracts recèle quelques pépites comme Dans le Mille (16 passage de l’Industrie)… quand il ne faut pas rater sa cible ; D. Maintenant (1 rue Ernest Renan)… quand c’est urgent ; ou Ouaf ! Ouaf ! Le marchand de couleurs (16 passage de l’Industrie)… le chien aboie, la caravane passe… et le message aussi.


Petit ramoneur. © XDR


Nous finirons cette énumération arbitraire mais humoristiques par une référence à la mythologie nordique. Il s’agit des Elfes Ramoneurs (3 rue de la Pastorale d’Issy). Les elfes sont des génies symbolisant les éléments comme l’air et le feu, en adéquation avec des cheminées.
P. Maestracci

22 février 2019

La Commune de Paris à Issy - conférence

Une salle comble en ce 19 février 2019 : 80 personnes ; des conférenciers - Pascale et Florian - motivés ; un public attentif qui n'hésite pas à poser des questions à la fin de cette conférence, particulièrement réussie… Un grand merci à la directrice de la Résidence du Parc, pour son accueil.

La salle de la Résidence du Parc est pleine. © PCB
Pascale nous rappelle d'abord quelques grandes dates de la guerre contre la Prusse, la célèbre guerre de 1870 qui se termine le 28 janvier 1871 par un armistice signé à Versailles entre la France et l'Allemagne. La France est représentée, depuis la capture de l'empereur Napoléon III à Sedan le 4 septembre 1870, par Jules Favre, ministre des Affaires étrangères du Gouvernement de la Défense nationale. L'Allemagne est représentée par Bismarck. Les Parisiens, assiégés par les Prussiens pendant tout l'hiver, ont beaucoup souffert de la faim mais aussi des bombardements. Le Fort d'Issy a tenu bon, jusqu'à son évacuation après l'armistice.

Le Fort d'Issy . © XDR
En février, Adolphe Thiers devient chef de l'exécutif. Le 18 mars, la Garde nationale de Montmartre se révolte, soutenue par la population. Le 20 mars, le gouvernement se réfugie à Versailles. Le 28 mars, ceux que l'on appellera les Communards, s'emparent du fort d'Issy.

Florian et Pascale devant le plan. © PCB
Florian prend la parole et nous explique pourquoi Issy fut une place stratégique aussi importante. Issy et son fort se trouvent sur le chemin qui va de Paris à Versailles, en ligne droite. Les communards, sûrs de leur fait, veulent marcher sur Versailles, où se trouve le gouvernement. Ce sera un échec, les Versaillais contre-attaquent dans l'ouest parisien. Un déluge de bombes et d'obus tombe sur la région : 60 000 sur les forts d'Issy et de Vanves en 40 jours…

Le 26 avril, les Moulineaux (actuel quartier de la Ferme) sont pris par les Versaillais. Florian nous montre alors sur un plan d'Issy (ci-dessus) la progression vers le Fort, où se sont repliés les communards. Les Versaillais progressent de tranchée en tranchée, à la baïonnette, à travers le parc, le cimetière, dans les petites rues. Parmi les femmes présentes dans le fort assiégé, Louise Michel qui a laissé un témoignage bouleversant dans son recueil de Souvenirs, paru en 1898 (lire à la fin). Finalement, le 8 mai, le Fort est pris : le drapeau tricolore est hissé à la place du drapeau rouge des communards.

Le Fort après l'attaque des Versaillais. © XDR
Pascale reprend la parole pour évoquer la Semaine sanglante à Paris (21-28 mai) et son lot d'incendies, de destructions, de fusillés et d'arrestations.

Les conséquences pour Issy sont terribles :
les 3/4 des maisons sont détruites ;  l'église Saint-Étienne est démolie, comme le Grand Séminaire Saint-Sulpice et le château des Conti ; le Fort est pulvérisé.

Le "merle moqueur". © PCB
Aujourd'hui, le Fort a été transformé en écoquartier, mais conserve ses fortifications et ses casemates. L'École Louise Michel, la médiathèque le Temps des Cerises, une sculpture "le Merle moqueur" (ci-contre), faite d'obus retrouvés dans le Fort, une plaque en hommage aux gardes nationaux à l'entrée (ci-dessous) témoignent de cette tranche de notre histoire.
Terminons par ces souvenirs d'Issy de Louise Michel : "Le fort est magnifique, une forteresse spectrale mordue en haut par les Prussiens et à qui cette brèche va bien. J'y passe une bonne partie du temps avec les artilleurs… Voici les femmes avec leur drapeau rouge percé de balles qui saluent les fédérés ; elles établissent une ambulance au fort, d'où les blessés sont dirigés sur celles de Paris, mieux agencées…"

Plaque à l'entrée du Fort. © PCB

19 février 2019

Monseigneur Liénart : un futur cardinal à Issy-les-Moulineaux

Le cardinal Liénart © XDR



Dans le Dictionnaire amoureux du Nord de Jean-Louis Fournier (Plon, novembre 2018), un article est consacré au cardinal Achille Liénart (ci-contre). « Il entre au séminaire d’Issy-les-Moulineaux puis, après son service militaire, au séminaire Saint-Sulpice à Paris ».



Monseigneur Liénart a donc vécu dans la commune pendant plusieurs années. Né à Lille en 1884, il y meurt en 1973. En 1901, il passe le baccalauréat de philosophie, soit à l’âge de 17 ans, puis entre au séminaire d'Issy-les-Moulineaux où il étudie pendant trois ans. Ce séminaire de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice se situe sur la Grande-Rue, devenue rue Renan car l’écrivain y fit aussi ses études au XIXe siècle. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, cette portion de rue s’appelle rue du Général Leclerc.
Pavillon d'entrée. © P. Maestracci
Le pavillon d'entrée (ci-contre) montre trois portes cintrées surmontées chacune d’une agrafe. La niche aménagée au premier étage abrite une Vierge à l’Enfant.

Achille Liénart accomplit son service militaire avant de reprendre des études au Séminaire sulpicien à Paris. Il devient prêtre en 1909. Pendant la Grande Guerre, il est aumônier militaire d’un Régiment d'Infanterie. Il reste évêque de Lille, sa ville natale pendant quarante ans, de 1928 à 1968, et est élevé à la dignité de cardinal par le pape Pie XI en 1930. Il fut surnommé le « cardinal rouge » non pas tant pour la couleur de sa robe cardinalice mais surtout pour son souci des pauvres.

Il faut rappeler qu’un autre cardinal a vécu au Séminaire . Il s’agit du cardinal de Fleury, Premier ministre de Louis XV mort à Issy en 1743. (A découvrir sur le site : 
Le bâtiment était à l'époque très endommagé après les combats de 1871.La façade classique en pierre (ci-dessous) a été reconstruite à la fin du XIXe siècle. L’avant-corps est flanqué de deux ailes avec retour et surmonté d’un lanternon. Les combles sont sous les toits à la Mansart. P. Maestracci


Façade du Séminaire, côté rue du Général Leclerc. © P. Maestracci

14 février 2019

Jean Boyer (1922-2019)

Pour les fidèles d'Historim, Jean Boyer ne vous est pas inconnu. Plusieurs articles lui ont été consacrés… Il nous a quittés à la fin du mois de janvier 2019. 

Jean Boyer. © A. Bétry

En pleine Deuxième guerre mondiale, une unité constituée de Français prisonniers de guerre évadés de Silésie, et de civils évadés du S.T.O (Service du travail obligatoire),  se crée spontanément en Slovaquie aux côtés des partisans qui luttent contre l’ennemi nazi. Il s'agit de la Compagnie de Lannurien, du nom de son chef. Elle obtient du général de Gaulle en visite à Moscou pour saluer l’escadrille Normandie-Niemen, une citation à l’ordre de l’armée, le 9 décembre 1944. Par petits groupes, et sous les ordres du capitaine de Lannurien, les Français devenus de bons et partisans combattants, se fondent dans la nature, incertains du lendemain. Parmi eux, Jean Boyer. L’hiver est terrible.

Certains maquisards, faits prisonniers par les Allemands, sont fusillés. D’autres, comme Jean Boyer, réussissent à s’évader grâce à la complicité d’autochtones, la veille de leur exécution. Jean Boyer est le dernier de la Compagnie de Lannurien ; il a raconté l’histoire peu connue de cette unité qui, à la fin de la guerre en 1945, dut être officiellement enregistrée avant de pouvoir être dissoute. Alain de Boissieu, camarade de promotion à Saint-Cyr du capitaine de Lannurien, aida à cette reconnaissance.

L'enterrement à l'église Saint-Étienne, Issy, 30 janvier 2019. © A. Bétry
Jean-Baptiste Boyer était président de l'Amicale des Partisans français en Slovaquie, inspecteur général honoraire des Postes et Télécommunications, officier de la Légion d’honneur, officier dans l’Ordre National du Mérite, Croix de Guerre 39-45, Croix du Combattant Volontaire 39-45, médaille des Évadés, Croix des Combattants Volontaires de la Résistance, médaille de l’Insurrection slovaque.

Nous aurons prochainement l’occasion d’évoquer la grande amitié franco-slovaque. La présence de l’ambassadeur de Slovaquie (ci-dessous) le 30 janvier 2019 aux obsèques de Jean Boyer en est la plus grande marque de reconnaissance. Alain Bétry

Monsieur Igor Slobodnik, ambassadeur de Slovaquie, entouré de Français
d’origine slovaque habitants des Hauts-de-Seine. © A. Bétry

Merci au président de l’Ufac, Jacques Tchirbachian, d’avoir réussi à rassembler six drapeaux de diverses associations.

11 février 2019

La Commune de Paris… à Issy - 1871.

CONFÉRENCE

"Issy pendant la Commune de Paris - 
mars-mai 1871"

le mardi 19 février, à 18h30

à la Résidence du Parc
20 rue de l'Abbé Derry, à Issy.
Entrée libre

Retrouvez Pascale Maestracci et Florian Goutagneux


Ils vont vous faire découvrir les grands événements qui se sont déroulé, à Paris mais aussi à Issy, entre septembre 1870 et mai 1871, l’ « Année Terrible » comme l’appellera Victor Hugo. Avec le rôle joué notamment par le Fort d’Issy qui couvre la partie la plus faible de l’enceinte de Paris et est donc la clé pour entrer dans la capitale.
Vous allez tout savoir sur l’occupation de la ville et les attaques de fantassins - parmi lesquels figuraient Louise Michel - sur les combats qui se déroulèrent dans le hameau des Moulineaux et sur les flancs du coteau, qui permettaient d’accéder facilement au Fort.
A la fin de la lutte, en mai 1871, bombardements et combats avaient bien sévèrement endommagé la ville, dont certains édifices (l’ancien château des Conti, l’église Saint-Étienne) étaient même aux trois-quarts détruits.


Les canons des "Fédérés" tenant le Fort d'Issy de mars à mai 1871. © XDR
Le Fort en ruines après les bombardements des Versaillais. © XDR

7 février 2019

Val-de-Grâce : visite Historim - épisode 3

A la sortie du Musée… un peu déprimant diront certains, la découverte de l’église Notre-Dame du Val-de-Grâce, tout en splendeur, est un enchantement.

L'allée centrale, le baldaquin, l'autel et le pavement. © A. Bétry
Elle repose sur un socle surélevé et sa façade « à la romaine » est majestueuse, en pierre blanche francilienne. Les statues de Saint Benoît et de sa sœur Sainte Scholastique encadrent un portique décoré de colonnes corinthiennes soutenant un fronton triangulaire avec une inscription latine à la gloire de Jésus et de la Vierge. Au-dessus un autre fronton triangulaire est flanqué de deux volutes comme l’église du Gesù à Rome. Le tout est surmonté du troisième plus haut dôme de Paris à 40,28 mètres, œuvre de Le Duc.

Le plan de l’église est composé du carré de la croisée couvert par un dôme, augmenté d’une nef flanquée de bas-côtés. Quatre tableaux de Philippe de Champaigne sont exposés de part et d’autre de l’entrée ; deux furent offerts par Karl Lagerfeld au Ministère des Armées. Le décor de sculptures des frères Michel et François Anguier commence à partir de 3 mètres du sol pour ne pas détourner l’attention des religieuses.

Pavement de marbre, fleurs de lys et les chiffres A et L.
© A. Bétry
La voûte en berceau est entièrement sculptée comme les parois latérales avec les Vertus théologales et cardinales au-dessus des arcades. Le pavement (ci-dessus) est une mosaïque de marbre dessinant des formes géométriques mais aussi, dans le chœur, des fleurs de lys et les chiffres A et L entrelacés pour le roi et la reine.
Un baldaquin aux colonnes torses inspiré de celui du Bernin à Saint-Pierre de Rome protège l’autel (copie) consacré à la Nativité et sculpté par Anguier. L’original est dans l’église Saint-Roch.

La coupole culmine à plus de 40 mètres. © A. Bétry
Les peintures de Mignard sur la coupole. © A. Bétry
La coupole (ci-dessus) peinte par Mignard en 1663 est consacrée à La Gloire des Bienheureux. La reine Anne d’Autriche est représentée en bas à gauche au côté de Saint-Louis, tous deux avec le manteau royal bleu. L’inscription latine sur le tambour indique sa qualité de Régente qui a dompté les ennemis.

Autour du chœur, cinq chapelles rayonnantes avec à gauche, la chapelle Sainte-Anne où furent déposés les cœurs de membres de la famille royale jusqu’en 1789. Certains cœurs furent détruits par les Révolutionnaires et d’autres achetés par le peintre Drolling pour en faire de la « mummie », un glacis pour ses tableaux (au Louvre ou à Saint-Sulpice). Dans cette chapelle il y a l’orgue provenant de l’église Sainte-Geneviève (actuel Panthéon).
La chapelle du Saint-Sacrement, dans l’axe, était réservée aux religieuses qui communiaient grâce à un autel à double face en respectant la clôture.
Sur la droite, la chapelle de Sainte Scholastique présente le portrait d’une future abbesse et celui de la Régente qui tient un mouchoir à la main en signe de pouvoir. La chapelle a été restaurée grâce au mécénat du roi Hassan II en reconnaissance des liens qui unissaient les Services de santé marocains et français.
La dernière chapelle Saint-Louis fut le chœur des religieuses avant d’être transformée en salle de chirurgie au XIXe siècle. Elle est séparée du chœur actuel par une grille qui a perdu à la Révolution les ornements royaux : fleurs de lys et chiffres.

Ainsi se termine cette visite qui laissera des souvenirs inoubliables. Un grand merci à Denis et au docteur Olivier Farret. P. Maestracci

Le Val-de-Grâce. © A. Bétry
Pour en savoir plus :

- Val-de-Grâce, 1 place Alphonse Laveran, Paris 5ème
01 40 51 51 92, www.valdegrace.org
Concert gratuit à 17h30 dans l’église chaque premier dimanche du mois

-AAMSSA (Association des amis du musée du Service de santé des Armées), 01 40 51 47 71,même adresse et site : www.aamssa.fr

- Ouvrages  :
Médecin général Pierre Lefebvre, Notre-Dame du Val-de-Grâce, éd. Louis Pariente, 1991
Médecin général Maurice Bazot (dir.), Le Val-de-Grâce, Enseignement et Culture, Glyphe Éditions, 2004.

3 février 2019

Val-de-Grâce : visite Historim - épisode 2

Après avoir découvert l'histoire du Val-de-Grâce, continuons notre visite du Musée du Val-de-Grâce qui, rappelons-le, fut  créé en 1916 pour y conserver ses archives. Il a été rénové à partir de 1982 selon la volonté du président Mitterrand qui inaugura les salles d’exposition temporaires en 1993. Quant à l’exposition permanente, elle ouvrit ses portes en 1998.

Musée du Service de Santé des Armées
Le musée s’articule autour du cloître à deux étages (ci-dessous) dont le rez-de-chaussée n’a que des fenêtres et pas d’arcades. La bibliothèque du Service de santé des Armées occupe toute une aile. Une autre abrite la salle capitulaire qui servit d’abord de chapelle avant l’érection de l’église. Elle est ornée des portraits de Louis XIII et Anne d’Autriche par Philippe de Champaigne.
D’une des salles, on peut apercevoir des vestiges du XVIe siècle : la Basse-cour,  ou cour Broussais avec la façade du réservoir à droite et les contreforts des murs du Petit-Bourbon à gauche.

Montage : le cloître avec la statue de Larrey. © A. Bétry
Dans les salles, sont exposés en grand nombre des textes officiels, des instruments, des tableaux et des sculptures, des maquettes etc. tous liés à la médecine militaire et d’un grand intérêt documentaire. Un choix arbitraire est fait dans ce compte rendu en prenant quelques exemples seulement. L’idéal est de venir visiter ce musée en prenant son temps !

Quelques textes : Sous Louis XIV, la première ordonnance de 1689, organisant le Service de santé de la Marine et un édit de 1708 organisant le Service de santé des Armées.
Des livres de médecine et de chirurgie, écrits le plus souvent en français depuis l’ordonnance royale de Villers-Cotterêts de François 1er.
L’affiche de l’an VIII (1800), qui crée l’« Hôpital militaire d’instruction de Paris au Val-de-Grâce »

Des tableaux : Un navire-hôpital avec un quartier-infirmier dans la soute ; la bataille de Maastricht avec l’évocation d’un poste de secours et la mort de D’Artagnan. D'autres encore… (ci-dessous).

Soins aux blessés. Tableau exposé au Musée. © A. Bétry

Des sculptures : Buste d’Ambroise Paré (1509-1590). Premier grand chirurgien, il inventa la ligature des vaisseaux pour remplacer la brutale cautérisation par le feu des blessures des membres. Il servit quatre rois mais sans pouvoir sauver Henri II blessé à mort lors d'un tournois en 1559.
Larrey ( 1766-1842 ) par David d’Angers. Autre très grand chirurgien, il soutient une « Thèse de chirurgie sur la carie des os dédiée à MM. les Capitouls », magistrats de Toulouse. Béarnais d’origine, il s’engage dès 1792 dans les armées révolutionnaires et opère sur le champ de bataille, contrairement aux ordres. Il arrive à pratiquer jusqu’à 100 amputations par jour grâce à une méthode expéditive (moins de 2minutes)de son invention. Il créa les « ambulances volantes ». En février 1807, Napoléon 1er lui remet son épée après la bataille d’Eylau. Il est le chirurgien en chef de la Grande Armée. Son nom est gravé sur l’Arc de Triomphe, comme ceux de Percy et Desgenettes. Celui-ci, épidémiologiste accompagna Bonaparte dans sa campagne d’Égypte et analysa les bubons des pestiférés. Son nom est donné à un hôpital militaire lyonnais.
Le prix Larrey est décerné par l’OTAN à un Service de santé allié pour ses travaux scientifiques concernant la médecine d’urgence.

Objets de la collection Debat (1882-1952 ) provenant d’une ancienne donation, dans les anciennes cuisines de l’abbaye. Les vitrines exposent des pots de pharmacie, des mortiers, des bourdalous qui sont des petits vases de nuit utilisés lors de longs sermons (de Bourdaloue) à l’église. Une statuette d’ivoire japonaise est surnommée « La femme médecine ». Sur celle-ci, la patiente japonaise montrait avec une aiguille le siège de sa souffrance sans avoir à se déshabiller.


Exposition sur la guerre de 1914-1918
A l'intérieur du musée, une exposition est consacrée à la Première Guerre mondiale, aussi meurtrière pour les combattants que pour les non-combattants au nombre de 168 000 : 16 000 personnels de santé (soignants), 10 000 brancardiers et 1 600 médecins.

Les salles exposent une multitude d’objets, de photographies, des sculptures en plâtre ou en cire polychrome réalisées par Jean Larrivé. Elles reconstituent des tranchées, des postes de secours etc. Dès août 1914, c’est « un désastre sanitaire ». Les soins et les transferts des blessés sont loin d’être prioritaires ; de plus, ils sont gérés par l’Intendance et non par le Service de santé. L’évacuation des blessés ne commence vraiment à s’organiser qu’à l’automne 1914. Barrès fit alors un discours à l’Assemblée nationale avec l’affirmation suivante « Les blessés sont faits pour être soignés ! ».


Toutes premières ambulances. © XDR
L'occasion pour notre guide de faire une présentation technique des soins de santé - un complément des articles parus sur notre site en novembre dernier. La réorganisation de la chaîne d’évacuation des blessés est repensée dès l’automne 1914. Le docteur Olivier Farret insiste sur l’importance de la chaîne de secours, suite à la prise de conscience des désastres sanitaires par Henri Dunant lors de la bataille de Solférino en 1859. La notion de "triage" est fondamentale. Cette conception française s’appuie sur l’acte diagnostic qui permet d’évaluer les chances de survie du blessé en fonction de sa gravité, des délais d’évacuation et des possibilités opératoires, Le médecin doit choisir parmi les blessés ceux que l’on peut sauver. Le chirurgien et écrivain G. Duhamel s’est exprimé sur ce sujet sensible. Depuis cette époque, le triage avec les priorités de prise en charge est la pierre angulaire de tout soutien médical. Il a été nécessaire lors des attentats récents comme celui du Bataclan à Paris en novembre 2015.
Progressivement les secours s’organisent lors de la guerre avec la création d’un Service de Santé militaire envoyant les meilleurs chirurgiens à l’avant près du front.

L’évacuation des blessés se fait d’abord vers une « ambulance » qui est une infirmerie-hôpital située à 10-15 kilomètres du front puis vers les hôpitaux. Il y eut 5,5 millions d’évacuations sanitaires pendant la Grande Guerre. Les moyens de transport ont évolué depuis les voitures hippomobiles remplacées ensuite par les Ford T (ci-dessus). Les trains d’évacuation quelconques ont laissé rapidement la place à des trains sanitaires spécialisés en nombre suffisant. Il y eut des transports par bateau pour l’Armée d’Orient et des tentatives d’évacuations aériennes.

Plusieurs vitrines exposent des masques à gaz (ci-dessous). Le 22 avril 1915, les Allemands envoient du chlore près d’Ypres sur les troupes belges et françaises pour enfoncer le front. Seuls les soldats canadiens se sont protégés avec des tampons imprégnés d’urine et « ferment la brèche » ouverte par les Allemands. Le gaz ypérite utilisé à partir de 1917 est mortel en raison des lésions pulmonaires et dermatologiques qu’il provoque.

Vitrine présentant des masques à gaz. © XDR
Instruments de chirurgie. © A. Bétry
Progrès de la médecine avant et pendant la guerre
Des vaccinations sont faites par des médecins militaires. À l’Institut Pasteur de Saïgon, Calmette dont le buste est exposé, vaccine les populations contre la variole ; H. Vincent vaccine contre la typhoïde avec un nouveau vaccin (9000 cas par mois). À la fin du XIXe siècle, Yersin découvre le bacille de la peste. Alphonse Laveran (dont le nom est donné à la place devant le Val-de-Grâce) découvre le parasite du paludisme. Il reçut le premier prix Nobel de médecine et de physiologie en 1907. Cela a suscité pour quelques Historimiens un commentaire judicieux sur les globules rouges par une spécialiste qui se reconnaîtra (Historim, ce sont aussi des précisions échangées entre ses membres !).

Alphonse Laveran (1845-1922). © XDR
La place de la radiologie est révélée lors de la Grande Guerre pour repérer les types de fractures et la localisation des projectiles. L’asepsie progresse grâce à la solution de Dakin. Les plaies abdominales mortelles à 100% en 1914 ne le sont plus qu’à 45% en 1917. Pour lutter contre le choc hémorragique, des essais de transfusion de bras à bras sont effectués. L’adjonction de citrate de sodium, anticoagulant, permet la conservation du sang.

La rééducation des blessés se fait dans de nombreux lieux y compris au Grand-Palais à Paris, illustrée par un tableau. À Issy-les-Moulineaux, Les Petits-Ménages (Corentin Celton) et Saint-Nicolas furent réquisitionnés comme hôpitaux militaires. Voir les articles de notre Historimien Denis :
http://www.historim.fr/2018/11/issy-les-moulineaux-le-sort-des-blesses.html
http://www.historim.fr/2018/11/grande-guerre-medecins-infirmieres-et.html

La chirurgie maxillo-faciale eut à soigner « 500 000 gueules cassées ». Là encore, il y eut heureusement des progrès majeurs car ces blessés étaient antérieurement laissés sur le champ de bataille. Dès le début du conflit 1914-18, ils furent évacués et bénéficièrent de soins spécialisés. Les traumatismes psychiques liés à la violence de la guerre ont été soignés de façon empirique. Gustave Roussy traitait les malades avec des chocs électriques !

Cour intérieure. © A. Bétry

Le docteur Olivier Farret en guise de conclusion d’une visite dense et intéressante du Musée a évoqué l’actuelle évolution du Service de Santé des Armées. Les champs de bataille sont de plus en plus lointains pour une armée désormais composée de professionnels. Ceux-ci reçoivent une formation de sauvetage au combat. « Chaque soldat peut enclencher les premiers soins de lutte contre l’hémorragie pendant les 10 premières minutes dites de platine mettant en jeu le pronostic vital » par exemple en posant un garrot. Le médecin-réanimateur intervient dans la "golden hour", première heure décisive. Une « échographie peut être faite dans le désert comme au Mali ». Le système Morphée permet d’embarquer à bord d’un avion sanitaire 12 blessés graves, en continuant les soins de réanimation jusqu’à leur prise en charge dans les hôpitaux militaires de métropole.

Lors de la visite de l’exposition « 1914-1918, le soutien militaire des contingents d’Outre-mer » il est présenté un document exceptionnel surnommé la « pierre de Rosette du Val-de-Grâce ». C’est un texte sur la prévention du paludisme pour l’Armée d’Orient et la population de Salonique et de la vallée du Vardar. Il est écrit en grec, hébreu et arabe avec la traduction du texte grec en français. C’est une référence prestigieuse à la Pierre de Rosette conservée au Royaume-Uni, stèle de basalte gravée en hiéroglyphes, en caractères démotiques et grecs. Leur transcription fut l’œuvre de Champollion.

Place maintenant à la découverte de la magnifique église du Val-de-Grâce. A suivre le 7 février, 18 h.
 P. Maestracci