30 mars 2021

La bataille d'Issy, 30 mars 1871


Avrial. © XDR


Notre premier témoin est Augustin Avrial (1840-1904), ouvrier-mécanicien, commandant du 66e bataillon de la Garde nationale (ci-contre)… de nombreux gardes nationaux qui défendirent Paris contre les Prussiens vont rejoindre les rangs des communards.

Depuis le 19 mars, le Fort d'Issy est occupé par les communards. Voici la lettre qu'écrit Augstin Avrial à l'état-major le 30 mars :

« Citoyen, Excusez mon absence je suis encore au fort, et pourtant l'ordre a dû être donné de faire relevé le bataillon [le 66e] qui y est depuis 12 jours.
Je ne peux concevoir cette lenteur dans les mouvements de troupe. Comptant d'après les ordres être relevé aujourd'hui, je n'ai pas fait de bons de vivre.… 
Sur 950 hommes que j'ai emmenés, il m'en reste 300 à peine. 
Depuis que je suis au fort malgré les rapports que j'ai envoyés au Comité, je n'ai jamais reçu aucune communication. 
Ce matin, j'ai mis le drapeau rouge au fort…
Salut fraternel Avrial  ».

Le Fort d'Issy. Mars 1871. © A. Liébert

Puis le 2 avril, Augustin Avrial se bat aux côtés du général Eudes du côté de Meudon, dont le château est tenu par les Versaillais. Rappelons que c'est sur proposition d'Émile Eudes, dit le "général Eudes", que l'Assemblée prend le nom de Commune. Le 3 avril… les Versaillais attaquent. PCB

Rendez-vous le 3 avril, 8 h avec de nouveaux témoins.

24 mars 2021

Commune : la bataille d'Issy au jour le jour - 1871

 Nous allons vous raconter, à travers des témoignages publiés au jour le jour, ces deux mois qui ont détruit Issy et les Moulineaux, de la mi-mars à la mi-mai 1871, il y a tout juste 150 ans.

Rappelons en quelques dates les faits - que vous pouvez redécouvrir sur notre site dans la rubrique "la Commune de Paris".

Le 19 juillet 1870, la France déclare la guerre à la Prusse. Le 1er septembre, c'est la capitulation de l'armée impériale à Sedan, l'arrestation de l'empereur Napoléon III. Le 4 septembre, la IIe République est proclamée, la résistance s'organise face à l'arrivée des Prussiens. Les combats sont terribles autour d'Issy mais le fort qui assure la protection de Paris, tient bon. Début novembre, le gouvernement français se replie à Bordeaux. Paris est assiégé par les Prussiens.

Jules Favre © XDR
Bismarck. © XDR










1871 débute sous une pluie d'obus. Le 28 janvier, l'armistice est signé à Versailles entre Jules Favre (ci-dessus) pour les Français, et Otto von Bismarck (ci-dessus) pour les Prussiens. Dès le lendemain, le siège de Paris est levé. Thiers est élu "chef du pouvoir exécutif"..

Mais à Paris, rien ne va plus… les Parisiens refusent le traité de paix et traitent les politiques de "capitulards". Le 18 mars, une émeute éclate à Paris, Thiers ayant décidé de récupérer les 227 canons mis à l'abri par la garde nationale. Les Parisiens s'y opposent. Thiers et son gouvernement se réfugient alors à Versailles. 

Le 28 mars, un conseil de Commune s'installe à l'Hôtel de ville de Paris. Son objectif : marcher sur Versailles les 2 et 3 avril pour faire tomber le gouvernement.

La Commune est proclamée. © Lamy - Le Monde illustré.

La Commune n'a pas d'armée au sens strict. Mais elle rassemble des gardes nationaux qui prennent le nom de "fédérés" quand se constitue la Fédération de la garde nationale ; et des citoyens désireux de défendre la Commune de Paris, d'où leurs noms de "communards".

Communards et fédérés se sont installés quelques jours plus tôt, les 19 et 20 mars, dans le fort d'Issy, sur la route de Versailles…

Alors rendez-vous le 30 mars, 8 h du matin, 
pour suivre les témoins de cette bataille entre fédérés, communards et Versaillais. PCB


20 mars 2021

"L'année terrible" de Victor Hugo - mars 1871

 Victor Hugo, dont on a célébré pendant les Journées du patrimoine de 2019 le séjour à Issy dans la maison de son amoureuse Adèle Foucher (http://www.historim.fr/2019/04/adele-foucher-et-victor-hugo-visite.html), se manifeste pendant cette année 1870-1871 - en tant qu'homme politique mais aussi en tant qu'auteur.

Victor Hugo, © Nadar.


Souvenez-vous, le 8 mars 1871, il démissionne de son poste de député à l'Assemblée nationale pour soutenir Garibaldi. Il quitte Paris pour Bruxelles lorsque la Commune s'organise. Il émet de telles critiques contre le gouvernement que la Belgique le chasse. Il se réfugie alors du 1er juin au 23 septembre dans le Grand Duché du Luxembourg. C'est là qu'il écrit son recueil de poèmes intitulé l'Année terrible (publié en 1872), le titre donné d'ailleurs à l'exposition artistique organisée au Musée français de la carte à jouer (à partir du 26 mai)


Voici, un extrait de l'Année terrible, du mois de mars, intitulé la Lutte

Hélas ! c'est l'ignorance en colère. Il faut plaindre 
Ceux que le grand rayon du vrai ne peut atteindre. 
D'ailleurs, qu'importe, ami ! l'honneur est avec nous. 
Oui, plains ces insulteurs acceptant à genoux 
Devant l'histoire, avec ton dédain et le mien.
Ils traiteraient Jésus comme un bohémien ;
Saint Paul leur semblerait un hideux démocrate ; 
Ils diraient : Quel affreux jongleur que ce Socrate. 
Leur œil myope a peur de l'aube. Ils sont ainsi. 
Est−ce leur faute ? Non. A Naples, à Rome, ici, 
Toujours, partout, il est tout simple que des êtres 
Te jalousent soldats et te maudissent prêtres, 
Étant, les uns vaincus, les autres démasqués. 
Les glaçons que j'ai vus cet hiver, de nos quais, 
Pêle−mêle passer, nous jetant un froid sombre,
Mais fuyant et fondant rapidement dans l'ombre, 
N'étaient pas plus haineux et n'étaient pas plus vains. 
Toi qui jadis, pareil aux combattants divins, 
Venais seul, sans armée et délivrais des villes,
Laisse hurler sur toi le flot des clameurs viles. 
Qu'est−ce que cela fait ? Viens, donnons−nous la main.
Et moi le vieux Français, toi l'antique Romain, 
Sortons. C'est un lieu triste où l'on est mal à l'aise
Et regagnons chacun notre haute falaise
Où si l'on est tué, du moins c'est par la mer ;
Allons chercher l'insulte auguste de l'éclair,
La fureur jamais basse et la grande amertume,
Le vrai gouffre, et quittons la bave pour l'écume. 

Ce mois de mars 1871 est terrible pour Victor Hugo dont le fils Charles meurt le 13 mars d'une apoplexie foudroyante. Il est enterré le 18 mars au cimetière du Père-Lachaise alors que Paris est en pleine insurrection. La bataille d'Issy commence, à découvrir sur notre site à partir du 24 mars. Quant à Victor Hugo, on le retrouve le 20 avrilPCB

16 mars 2021

L'incendie de la Manufacture des Tabacs, 9 mars 1907

 Ce samedi 9 mars 1907, au petit matin, un incendie se déclare à la Manufacture des Tabacs, située 17 rue Ernest Renan, à Issy. Ce sinistre a fait l’objet d’une page entière dans le Monde Illustré du 16 mars 1907.
N’oublions pas que la Manufacture avait été inaugurée en 1904 (voir l’article publié sur notre site :  http://www.historim.fr/2014/12/visite-privee-de-la-manufacture-des_6.html). 

La Manufacture vers 1904. © Musée de la carte à jouer.

Récit du drame

« Aux alentours de 5 heures du matin, le veilleur de nuit, en faisant sa ronde, constate un départ de feu dans la salle des machines. Aidé de son collègue, du concierge et des deux chauffeurs, ils combattent  l’incendie avec les appareils de secours mais devant l’ampleur de celui-ci, ils appellent les pompiers. Ceux-ci, venant des casernes d’Issy, Vanves, Malakoff et rejoints par l'état-major et la caserne Violet, voyant l’étendue du sinistre, se résolvent à laisser l’incendie poursuivre son œuvre destructrice, ce qu’ils appellent la part du feu.

La Manufacture après l'incendie, en 1907. 

« Il faut dire que les flammes avaient trouvé de quoi se nourrir facilement, celles-ci se propagèrent à une vitesse fulgurante et avaient, rapidement, gagné le premier étage.

« Enfin, à 11 heures, après avoir empêché l’incendie de se propager aux bâtiments adjacents, le danger était écarté. Finalement, que des dégâts matériels étaient  constatés. L’aile gauche, sur ses trois étages, était en ruines. La totalité du sinistre peut être évaluée, sans exagération, à plus de 350 000 francs (environ 875 000 euros). 

Travaux de déblaiements. 
« L’enquête, qui a suivi, a démontré que le feu est parti d’une combustion spontanée d’un amas de poussière dans l’atelier du rez-de-chaussée, cas assez fréquent et redouté, paraît-il. 
La direction de la Manufacture, au vu des dégâts, a rassuré les ouvriers qu’ils n’auraient pas à souffrir du chômage, ils seront répartis dans les ateliers épargnés. Dès que les secours furent sur les lieux, ceux-ci furent placés sous l’autorité du préfet Lépine. »

En ce début de XXe siècle, ce fut le troisième incendie important de la ville d’Issy après celui de Gévelot  en 1901 (http://www.historim.fr/2013/11/gevelot-incendie-meurtrier-issy-11.html) et Ripolin en 1904 ( http://www.historim.fr/2015/10/lincendie-de-lusine-de-peintures.html). Ces deux premiers étant très meurtriers (31 victimes). Malheureusement, ce ne sera pas le dernier. 
Texte et photos Michel Julien.

12 mars 2021

Belphégor… un fantôme dans la TIRU d'Issy - mars 1965

Belphégor © INA
 M. Jean, un lecteur assidu de notre site, nous signale - à propos de l'article paru le 10 février sur le 
Dictionnaire amoureux de Paris  (http://www.historim.fr/2021/02/le-dictionnaire-amoureux-de-paris.html) - qu’une scène du dernier épisode de Belphégor a été tournée dans la centrale de la TIRU, alors en pleine construction. Fort de cet éclairage bienvenu et surprenant, le visionnage du DVD s’imposait. DVD que vous pouvez trouver à la médiathèque de la ville. Et voici ce que l'on y a vu !


Belphégor ! un fantôme vêtu d’une longue robe noire hante les salles d’égyptologie du Musée du Louvre (ci-contre)… Disparitions, agressions, morts suspectes… la police enquête, sans succès !

Cette série de quatre épisodes de 80 minutes chacun, fut diffusée pour la première fois sur la première et unique chaîne (à l’époque) du samedi 6 au samedi 27 mars 1965. « Ce fut carton plein »  : 10 millions de téléspectateurs (pour un peu  plus de 49 millions d’habitants dont 40 % seulement possédaient un téléviseur) suivirent toutes les semaines cette intrigue ésotérique avec, dans les rôles principaux, Juliette Gréco, Yves Rénier, François Chaumette, René Dary et Christine Delaroche.

Quatrième et dernier épisode tourné dans la TIRU d'Issy.

La  TIRU - cette usine de Traitement Industriel des Résidus Urbains, alors en construction, servit au tournage du dernier épisode de la série : Le rendez-vous du fantôme. La scène finale, d’une durée de 13 minutes environ, est tournée en intérieur et en extérieur. L’on peut y reconnaître la carcasse métallique (ci-dessus) qui sera démolie à son tour en 2010 et le paysage alentour (ci-dessous). On y découvre le dénouement de l’intrigue et la fin tragique du personnage joué par Juliette Gréco.

A l'intérieur de la TIRU, en construction.

Belphégor a marqué la télévision en cette année 1965. Même le général de Gaulle y a fait référence au plus fort de sa campagne présidentielle de décembre 1965. C'est dire ! 
Texte et photos Michel Julien

On distingue les cheminées de la TIRU.

8 mars 2021

Garibaldi - un boulevard à Issy, un combattant de 1870-1871

Le boulevard Garibaldi, dans le Quartier Val de Seine/Les Arches, reprend en partie le tracé d’une route située de part et d’autre d’un long viaduc ferroviaire du Chemin de fer de Paris à Viroflay (ci-dessous). Ce fut d’ailleurs la première ligne électrifiée en France dès 1900. C’est de nos jours la ligne empruntée par le RER-C.Au premier plan, le chemin d’accès à la gare mène à la future place Léon Blum. Dans la courbe concave du boulevard, aucune construction visible. 


Viaduc du chemin de ferroélectrique. Carte postale ancienne.
 Coll. privée


Le boulevard porte le nom de Giuseppe Garibaldi né à Nice en 1807 et mort en 1882. Ce grand patriote italien eut une vie tumultueuse jalonnée de combats et d’exils. Il joua un rôle décisif pour l’Unité italienne. Son expédition en Sicile à la tête de ses Chemises rouges fut décisive pour permettre à Victor-Emmanuel de devenir roi d’Italie. Mais il s’opposa en vain à la cession de la Savoie et du comté de Nice à la France.  Il joua un grand rôle dans les années 1870-1871, comme on le verra plus tard.

Bld Garibaldi, côté pair. 
Les deux côtés du boulevard Garibaldi ne sont pas de longueur égale. En effet, entre l’esplanade du Foncet et le carrefour avec la rue René Jacques, il n’y a sur 350 mètres qu’une chaussée entre immeubles et talus du RER-C. Sur cette vue (ci-contre), côté des numéros pairs à partir du carrefour avec la rue René Jacques, on distingue les immeubles à gauche et le talus du RER-C à droite. À l’horizon, se dessine le quartier Val-de-Seine avec  les nouvelles tours d’habitation et, sous la grue de chantier, le siège de l’entreprise Capgemini.

Le Centre technique Municipal (ci-dessous) se trouve au numéro 4 et l’Arche de Noé, centre multi-accueils au 8. Sur le talus laissé en jachère, des ruches ont été installées. Le miel des abeilles est estampillé Rucher du talus. À la belle saison, des moutons assurent un désherbage naturel du talus. Celui qui est de l’autre côté de la ligne ferroviaire domine le Parc Municipal des Sports, bientôt transformé en Cité des Sports.


Centre Technique municipal. L'orange des murs est
la couleur complémentaire du bleu des portes du garage.


Plus loin et jusqu’à la place Léon Blum, le boulevard se déploie sur 400 mètres de part et d’autre du viaduc. Du côté pair, il y a des bureaux dont ceux de Nestlé Waters au  numéro 12 puis des immeubles en brique rouge lorsqu’on se rapproche de la place Léon Blum en plein aménagement de la future gare de la Ligne 15.


L'enseigne du Football Club.

Sur le trottoir des numéros impairs qui est le plus court, il y a essentiellement des immeubles d’habitation. Au numéro 1, se trouve au rez-de-chaussée le siège social Du Football Club d’Issy-les-Moulineaux (www.fcissy.fr).  Deux symboles sont utilisés sur l’enseigne (ci-contre) : un ballon de football, bien sûr, et un avion, illustrant la devise isséenne Habeo semper alas pour mettre en valeur les bons résultats du club.


Sous le viaduc ferroviaire, les arches ont été aménagées de telle sorte que le bruit des rames qui circulent soit inaudible. Les Arches 1 à 6 servent à l’escalade ; les arches suivantes abritent 27 ateliers d’artistes sur trois niveaux (www.lesarches.com). Celles-ci sont gérées par un collectif d’artistes (ci-dessous).


Les Arches 5 et 6 utilisées pour l'escalade.


Derniers numéros impairs. Quelques unes des Arches
aménagées pour les artistes.

Des travaux importants ont lieu pour l'installation du métro de la Ligne 15. C'est pourquoi, la chaussée est en cours d’aménagement pour inverser le sens de circulation. Alors que les deux côtés du boulevard offraient les deux sens de circulation, il n’y en aura plus qu’un seul de la place Léon Blum vers la rue du Gouverneur Général Éboué, une fois les travaux terminés.
Texte et photos P. Maestracci.


Garibaldi
Mais revenons sur l'engagement de Giuseppe Garibaldi (ci-contre), dans les années 1870-1871. 
Le 14 janvier 1871, il s'installe à Dijon, évacué par les Prussiens un mois auparavant. Mais les 21, 22 et 23 janvier, 4000 Prussiens attaquent la ville. Garibaldi se défend, contre-attaque et sort victorieux. Plus encore, il réussit à s'emparer d'un drapeau ennemi. Avec l’armistice signé le 29 janvier, Dijon est de nouveau occupé par les Prussiens. 
Garibaldi est élu député. Mais Italien de nationalité, l’élection est invalidée. 
 
Le 8 mars 1871, il y a donc 150 ans jour pour jour, Victor Hugo, alors député de la Seine depuis le 19 janvier, salue devant l’Assemblée nationale (ci-dessous),  l’action de Garibaldi : "Je ne veux blesser personne dans cette Assemblée, mais je dirai qu'il est le seul des généraux qui ont lutté pour la France, le seul qui n'ait pas été vaincu […] Je vais vous satisfaire, Messieurs, et aller plus loin que vous. Il y a trois semaines vous avez refusé d'entendre Garibaldi. Aujourd'hui vous refusez de m'entendre. Cela me suffit. Je donne ma démission. » 

Victor Hugo, à l'Assemblée. 8 mars 1871. c XDR

Garibaldi retourne chez lui en Italie le 13 mars. Les insurgés de la Commune vont lui demander de prendre la tête de la Garde nationale, le 24 mars, mais il refuse, tout en soutenant leur position  qui « proclame la fraternité des hommes quelle que soit la nation à laquelle ils appartiennent. » Et dont vous allez pouvoir suivre les grands moments de la bataille d'Issy, à partir du 20 mars. PCB

4 mars 2021

Rousseau et Bourbon-Conti… échec et mat !

 Couvre-feu, confinement,  musées, cinémas, salles de concert et restaurants fermés… la période idéale pour découvrir, ou redécouvrir, les échecs, apparus vers le VIe siècle en Inde. Un jeu que l'illustre Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) appréciait et qu'il partageait avec un certain Louis-François de Bourbon-Conti (1717-1776), le petit-fils du Grand Conti, le propriétaire du château d'Issy !

Louis-François de Bourbon-Conti
© BNF

Jean-Jacques. Rousseau.
© XDR












C'est dans les Confessions, son autobiographie rédigée entre 1765 et 1770,  qui couvre les 53 premières années de sa vie, que l'on découvre cette attirance au jeu d'échecs. Roi, tour, dame, pion, cavalier, fou… rien ne résiste au talentueux Jean-Jacques Rousseau, qui se plonge dans le traité d'échecs (ci-dessous), rédigé par Gioachino Greco (vers 1600-1634), dit Le Calabrais, considéré comme le meilleur joueur d'échecs du XVIIe siècle.



« J'achète un échiquier, j'achète le Calabrois : je m'enferme dans ma chambre, j'y passe les jours et les nuits à vouloir apprendre par cœur toutes les parties, à les fourrer dans ma tête bon gré, mal gré, à jouer sans relâche et sans fin. Après deux ou trois mois de ce beau travail et d'efforts inimaginables, je vais au café, maigre, jaune et presque hébété ». Et voilà Jean-Jacques Rousseau devenu « forcené des échecs », comme il l'écrit lui-même !  



Que ce soit à Paris, au café de la Régence, ou dans son logis du Petit Mont-Louis (ci-dessous), à Montmorency, qu'il habite de 1757 à 1762, Jean-Jacques Rousseau joue. Et c'est ainsi qu'il nous laisse un souvenir mémorable d'une de ses parties avec le petit-fils du Grand Conti. Jugez par vous même.

« Comme mon appartement de Mont-Louis était très petit, et que la situation du donjon était charmante, j'y conduisis le prince qui, pour comble de grâces, voulut que j'eusse l'honneur de faire sa partie aux échecs. Je savais qu'il gagnait le chevalier de Lorenzy [dont le prince était l'élève], qui était plus fort que moi. Cependant, malgré les signes et les grimaces du chevalier et des assistants, que je ne fis pas semblant de voir, je gagnai les deux parties que nous jouâmes. En finissant, je lui dis d'un ton respectueux, mais grave : "Monseigneur, j'honore trop Votre Altesse sérénissime pour ne la pas gagner toujours aux échecs". Ce grand prince, plein d'esprit et de lumière, et si digne de n'être pas adulé, sentit en effet, du moins je le pense, qu'il n'y avait là que moi qui le traitasse en homme, et j'ai tout lieu de croire qu'il m'en a vraiment eu bon gré ».

Alors, bonne partie… ou bonne lecture des Confessions ! PCB

Jeu d'échecs en bois. © XDR

1 mars 2021

Carême - un livre, un pâtissier mais aussi… une période de jeûne


Au lendemain de mardi gras, le 16 février cette année, débute la période de carême qui dure 40 jours, marquée par une alternance de jeûne complet et d'abstinence. Mais, c'est d'un autre Carême dont il est question ici, en totale contradiction, puisqu'il s'agit d'un cuisinier de génie, Antonin Carême (1784-1837)  ! Philippe Alexandre et Béatrice de l’Aulnoit lui consacrent une biographie, Le roi Carême, parue en 2003 chez Albin Michel. Et, à deux reprises, on y fait allusion à Issy.


Carême fut un pâtissier, un cuisinier et un artiste culinaire de génie qui travailla au service de gourmets comme Talleyrand, le tsar de Russie ou le baron James de Rothschild. Ses compositions architecturales pour des buffets sont restées aussi célèbres que difficiles à envisager de nos jours. Il écrivit, entre autres ouvrages, Le Pâtissier royal parisienLe cuisinier parisien et L’art de la cuisine au XIXe siècle. Hélas, il n’a probablement jamais exercé ses talents dans une propriété isséenne…


L'art de la langue de chat. © XDR
Page 48, il est question des vins de banlieue que les Parisiens venaient boire le dimanche dans les guinguettes, hors des limites de la capitale. « Comme naguère quand ils ne payaient pas l’octroi, les vins de Sèvres, d’Issy ou d’Argenteuil coûtent moins cher qu’à Paris et chassent les idées sanglantes ». Cette citation se trouve dans un chapitre consacré à la jeunesse de Carême, en pleine Révolution.
Issy, encore un village, est installé sur une  hauteur dominant la route entre Vaugirard et Versailles sur la rive gauche de la Seine. Il y a des vignes à flanc de côteau. L'appellation d’une variété de raisin blanc subsiste dans le nom du quartier des Épinettes. 

Pressoir, Chemin des
vignes. © A. Bétry
En 1903, il restait encore un hectare de vigne. De nos jours, une récolte de raisin a lieu chaque année au Chemin des Vignes (ci-contre, le pressoir), avenue de Verdun, en contrebas de la ligne du RER.
L’octroi dont il est question plus haut était la taxe sur les denrées entrant dans Paris. 
Il était perçu aux portes de l’enceinte du mur des Fermiers généraux construit par Nicolas Ledoux sous Louis XVI. L’octroi est supprimé en 1791, rétabli en 1798. Au cours du XIXe siècle, il est perçu aux entrées de l’enceinte de Thiers à partir de 1860 dont celle de la  porte de Versailles. Il ne disparaît qu’en 1943 mais d’autres taxes l’ont remplacé !
 
Le général Mortier
Coll. privée
La seconde référence isséenne, page 164, évoque les belles propriétés acquises sous le Consulat et l’Empire par les nouveaux nobles. « C’est, autour de Paris, la même constellation de fêtes qu’autrefois. Bessières a pris possession du château de Grignon, Mortier de la colline d’Issy etc. »
En réalité, Édouard Mortier (1768-1835), ci-contre, se rend acquéreur de l’ancienne propriété du financier Nicolas Beaujon, le Château de la gentillesse
 (ci-dessous), en contrebas du village et non « sur la colline ». Son fils, Napoléon Mortier, y naît en 1804. Mortier, maréchal de France et duc de Trévise, meurt en 1835 lors de l’attentat contre le roi Louis-Philippe. 
La propriété est occupée ensuite par le Couvent des Oiseaux et devient Hôtel de Ville d’Issy-les-Moulineaux en 1895. 

Château de la gentillesse, vers 1780. Aquarelle de Ch. Benilan.

Un grand merci au trio de dames charmantes dont le livre sur Carême a rendu possible cet article. P. Maestracci.