29 juillet 2014

La Libération vue par une Isséenne - Été 1944 - chronique n°4

Continuons à remonter le temps avec Jeannine. Les troupes du général Leclerc approchent. Paris gronde.

Mercredi 23 août - Premier journal français… imprimé sous le régime de la Libération !…Que cela fait plaisir de ne plus lire les mensonges allemands et d’y sentir l’âme française toute vibrante de patriotisme.
La TSF annonce « Paris libéré » mais nous, Parisiens nous savons que c’est inexact. C’est un peu exaspérant, on attend tellement cette libération.
On entend encore la DCA de la Pte de Versailles.


La TSF (radio de Londres) annonce prématurément la libération alors que les combats se poursuivent. Von Choltitz a reçu l’ordre de faire sauter les ponts de Paris et ne laisser « qu’un champ de ruines ».
La 2e DB fonce de la Normandie vers l’Île de France en parcourant 200 kilomètres dans la journée. En effet, la capitale doit symboliquement être libérée par des Français !


Jeudi 24 août – Matinée calme. J’écoute avec émotion un reportage sur Paris libéré… J’en suis tout émue.
On entend toujours le canon et à 13h on commence à monter une barricade 
[dans la rue Renan, voir photo]. On se bat dans Paris… On entend des coups de fusil, de mitrailleuses de canon et de grenade…
L’après-midi est agité et fiévreux. On dit les Américains à la Croix de Berny… On les attend !  On dit qu’ils se dirigent vers Clamart puis au Petit Clamart… quant à 7h1/2, on nous dit : « Ils » sont à la mairie ! ! ! Du coup, de toutes les fenêtres, les drapeaux sortent… On attend fébrilement. C’est de l’enthousiasme… On attend, on attend… mais ils ne viennent pas jusqu’à nous ; « Ils » descendent vers Boulogne Billancourt… Les barricades les empêchent de passer et la DCA de la Pte de Versailles est encore occupée par les boches qui n’ont pas l’air de vouloir abdiquer. Quand les Allemands de la DCA aperçurent les drapeaux dans la rue Ernest Renan, ils commencèrent à rager leurs canons… Contre qui ? Contre quoi ? On n’en sait rien. Le plaisir de faire du bruit sans doute… Ils nous crèvent le tympan jusque vers 1h moins le quart du matin où un incendie (œuvre d’un héros civil qui est allé lancer une bouteille d’essence dans le camp) les fait taire à jamais. En même temps, les cloches de Saint-Étienne sonnent la libération. La nuit n’est pas calme : on entend explosions, canons, coups de fusil. Il y a encore des coins de résistance… La libération de Paris n’est pas terminée. Cependant, les cloches de Paris ont sonné vers 11 h à l’entrée d’un premier détachement de l’armée Leclerc qui s’est dirigé à l’hôtel de ville
Robert R* et des inconnus téléphonent dans la soirée pour demander si le bruit qui court que les Américains sont à Issy est bien exact. ! Quelle joie de pouvoir leur répondre que c’est VRAI ! ! !
C’est ce jeudi matin que, pour la dernière fois, j’ai vu les Allemands … une voiture, l’air en déroute, cherchant son chemin. 


Un petit avion survole le centre de Paris pour lâcher un message de Leclerc : « Tenez bon, nous arrivons ». Celui-ci envoie comme avant-garde la 9e compagnie du capitaine Dronne vers le centre de Paris. Cette compagnie, surnommée la Nueve car elle est composée d’Espagnols républicains, arrive peu après 21 heures à l’Hôtel de Ville avec trois chars. Les cloches de Notre-Dame sonnent alors à toute volée, suivies par celles des autre églises de Paris et de la banlieue comme à Saint-Étienne.
Leclerc est entre-temps arrivé à la Croix de Berny à quelques kilomètres au sud de Paris.

P.Maestracci

Barricade de la rue Renan. Photographie de la collection de la famille Provôt.
Élevée à l’aplomb des numéros 42 et 44, la barricade est constituée de gros pavés de la rue et renforcée de quelques barrières du côté de Paris. Il y a beaucoup de badauds et quelques hommes tenant des barres de fer pour soulever les pavés. La pharmacie à gauche de l’image existe toujours ainsi que la petite Tour Eiffel au-dessus de la marquise du magasin Mayer.

P.S. Pour suivre l'arrivée du détachement de la 2e DB dans les rues d'Issy, le 24 août au soir, retrouvez le lieutenant colonel Pierre Minjonnet : http://www.historim.fr/2011/08/minjonnet-et-le-12e-rca-issy-le-25-aout.html

25 juillet 2014

La Pastorale d'Issy en vidéo - clip N°7

Certains sont en vacances, d'autres vont partir voici la dernière vidéo avant la rentrée de septembre. Denis Butaye, le directeur du Musée français de la carte à jouer, évoque cette Pastorale dont vous pourrez entendre le premier acte dans ce haut lieu historique isséen pendant les Journées du Patrimoine, le dimanche 21 septembre. On vous en reparlera… Mais, pour l'instant, écoutez-le !

22 juillet 2014

La Libération, vue par une Isséenne - Été 1944 - Chronique n° 3

Ce journal au format d’une demi-feuille A4 narre élégamment sur le fond et la forme les événements familiaux et historiques lors de semaines intenses au moment de la Libération de Paris. Nous en publions des extraits cet été, tous les mardis.

Dimanche 20 août –  Électricité toute la journée sauf le soir, au moment où on en aurait eu besoin ! Nous avons du pain blanc ! Les boulangers dépourvus de farine ont hérité d’un stock qui était destiné aux Allemands. Cette journée de dimanche a été très calme… journée d’attente un peu décevante. Trop optimiste, j’avais espéré l’arrivée des Américains.
On nous parle d’armistice entre Allemands et Résistance. Il a eu lieu mais les Allemands l’ont désavoué !
On parle aussi de Paris officiellement déclarée ville ouverte… C’est un bobard… Les jours suivants nous l’apprendrons.


La Résistance parisienne a rompu la trêve ; l’Hôtel de Ville et la Préfecture de Police sont repris aux Allemands. Le général de Gaulle venu d’Alger débarque en Normandie pour rencontrer Eisenhower. Il veut convaincre celui-ci de ne pas appliquer le plan initial de contournement mais de secourir la capitale en pleine insurrection. Les soldats alliés s’emparent de Fontainebleau et de Mantes en aval de Paris.


Lundi 21 août – On fait une distribution gratuite de viande laissée par les Allemands. Toujours pas d’électricité et toujours du pain blanc….
Peu de circulation.
On entend le canon.
On se bat dans Paris.
Les Alliés se rapprochent mais tant de faux bruits circulent qu’on ne sait pas exactement où ils se trouvent.


On continue à se battre dans Paris. Sans ordre de ses supérieurs militaires Eisenhower et Bradley, Leclerc envoie un détachement de la 2e DB vers la capitale. Il est à la tête de 17 000 hommes dont la plupart sont originaires d’Afrique.

Mardi 22 août - Journée calme. On ne voit plus passer des camions bourrés d’Allemands casqués, le fusil ou la mitraillette prêts à tirer. Ils avaient vraiment l’air menaçant….
Électricité de 17 à 19h…
Le soir, le son du canon se rapproche…. sérieusement. Où sont-ils exactement ? On les espère pour le milieu de la semaine
.

Rol-Tanguy, dont le Quartier Général clandestin est à Denfert-Rochereau, proclame « Tous aux barricades » ; il y en a environ 600. Un tank réquisitionné par les FFI arrive dans le quartier des Batignolles.

Dans la soirée, Leclerc reçoit enfin l’ordre officiel de marcher le lendemain sur Paris. Le plan initial prévu est solennellement remplacé par une intervention militaire pour venir en aide à la Résistance intérieure face aux Allemands.  P.Maestracci

A MARDI PROCHAIN !!

15 juillet 2014

La Libération, vue par une Isséenne - Été 1944 - Chronique n° 2

Le journal de Jeannine Provôt continue.

Samedi 19 août Effervescence dans la rue. « Ils » (cette fois-ci, ce sont les Alliés) ne sont plus loin. Les mairies sont occupées dans la matinée par la résistance. Les drapeaux sont hissés à N-D [Notre-Dame], à l’Hôtel de Ville sur ts [tous] les monuments publics. L’ancien gouvernement a cessé de vivre. Ns [Nous] devons obéir aux ordres de la Résistance.
Il [le drapeau tricolore] flotte à la mairie … Comme c’est émouvant ! …
Il y a beaucoup de curieux. Les grilles de la mairie sont fermées. Les jeunes gens l’occupent. On les voit sabler le champagne. On saura plus tard que ce mouvement aura été dirigé trop tôt et par les communistes. Les « Fifi » ne recevront, en effet, leurs armes que dans la nuit.
La fin d’après-midi est agitée : échauffourées à la mairie entre Allemands et « Fifi ». On entend les mitraillettes et on voit les gens se sauver. A l’approche de camions allemands armés et prêts à tirer, les gens rentrent chez eux en un clin d’œil… On ferme les volets. Dès qu’ils sont passés, on les rouvre.
A la Porte de Versailles, « coups de fusil » ; nous voyons des balles traçantes, entendons les mitraillette et des obus sont lancés sur la maison de Javel La Croix…. On prépare les décorations, on descend les drapeaux… on s’agite.

L’insurrection parisienne est sublimée en particulier par les drapeaux tricolores sur Notre-Dame, l’Hôtel de Ville alors que les troupes allemandes sous l’autorité du général von Choltitz occupent toujours la capitale. Les Isséens pavoisent à leur tour l’Hôtel de Ville, rue Renan (renommée ensuite rue du Général Leclerc en hommage à la 2e DB).

Les « Fifi » sont les FFI : Forces Françaises de l’Intérieur ralliées au GPRF (Gouvernement Provisoire de la République Française) grâce à Jean Moulin qui a créé le CNR (Conseil National de la Résistance) et qui représente le général de Gaulle. La Résistance parisienne est dirigée par le CPL (Comité Parisien de la Libération) créé dès septembre 1943 par les communistes.

Les soldats allemands semblent toujours menaçants. Il y a des accrochages Porte de Versailles, près du ministère de l’Air et des explosions. Pourtant le consul de Suède Raoul Nordling négocie une trêve avec von Choltitz qui commande 17 000 hommes. Elle est prolongée jusqu’au lendemain.

La « maison de Javel La Croix » est une usine chimique installée depuis 1897 quai des Moulineaux (quai de la Bataille de Stalingrad). P. Maestracci

À suivre mardi prochain.

12 juillet 2014

La Pastorale d'Issy en vidéo - clip n°6

Continuons à découvrir le projet de cette résurrection de la Pastorale d'Issy. Après les artistes, voici le trésorier de l'Association qui lance un appel… de fonds. Il vous en parlera plus au Forum des associations d'Issy, et pour vous convaincre, il faudra venir écouter musiciens et chanteurs le 21 septembre :

https://www.youtube.com/watch?v=sA0REHSgnnc&feature=youtu.be

8 juillet 2014

La Libération, vue par une Isséenne - Été 1944 - Chronique n° 1

Nous allons passé tout l'été (les mardis à 18 heures) avec les chroniques familiales d'une famille isséenne. Le journal de Jeannine Provôt, au format d’une demi-feuille A4, narre élégamment - sur le fond et la forme - les événements privés et historiques qui ont eu lieu pendant les semaines de la Libération de Paris, il y a 70 ans. Les extraits (en gras) reflètent les espoirs et les chagrins d’une Isséenne. Les commentaires sont de notre Historimienne Pascale. .

Mardi 15 août - goûter ; biscottes au lait condensé…

La population souffre de la faim tout particulièrement dans les villes. Ce goûter est d’autant plus apprécié par les enfants qu’il est rarissime et que la population française souffre de la faim depuis de longues années.
En ce jour de fête, un convoi de déportés part vers les camps d’extermination en Allemagne et Pologne et le second débarquement, l’opération Dragon, a commencé ce jour-là en Provence sur la Côte des Maures avec une importante participation des FFL (Forces Françaises Libres). La 1re DB, sous le commandement de De Lattre de Tassigny, compte de nombreux soldats originaires d’Afrique du nord et d’Afrique subsaharienne. La nouvelle n’est pas encore publique.
Le premier débarquement allié (Overlord) en Normandie avait débuté le 6 juin, plus de deux mois auparavant avec les seuls 177 Français du commando Kieffer. La 2e DB dirigée par Leclerc arrive en Normandie le 1er août. Après de sanglantes semaines face aux Allemands sur un littoral fortifié par Rommel et dans le bocage normand, les Alliés sous le commandement en chef d’Eisenhower arrivent enfin à enfoncer le front ennemi et se dirigent vers la région parisienne.


Mercredi 16 août - La rue est très bruyante comme avant la guerre. C’est un passage incessant de voitures, camions, tanks allemands. Ils déménagent et comme cela fait plaisir de les voir s’en aller ! …On sent la débandade…on les voit passer sur des charriots [sic] de ferme.

Certains Allemands comme les collaborationnistes veulent fuir. Il y a pourtant des exécutions de résistants dans le bois de Boulogne et à Vincennes.
En réalité, Paris ne constitue pas un objectif stratégique car le plan d’Eisenhower prévoyait de contourner Paris par Mantes et Melun pour combattre au plus vite le Troisième Reich.
Toujours le 16, en Normandie, « dans l’enfer de Falaise », les blindés allemands sont mis hors d’état de nuire. Les troupes alliées peuvent alors progresser plus vite.


Jeudi 17 août – Nous entendons les explosions de Villacoublay et des forts. Le déménagement des allemands continue…… 1 h de gaz, pas d’électricité, pas de journaux ; grève des PTT et des agents de police.

La situation devient compliquée avec à la fois des grèves et des combats en banlieue ouest. L’aéroport militaire de Villacoublay (78) et les forts autour de Paris, tel celui d’Issy, sont particulièrement visés. Pétain et Laval quittent la France sous protection allemande.
Il y a débat au sein de la Résistance sur le déclenchement prématuré de l’insurrection.


Vendredi 18 août – Couvre-feu de 9h du soir à 6 h du matin.

Rol-Tanguy à la tête des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) lance la mobilisation et deux syndicats, la CGT et la CFTC, appellent à la la grève générale. Les FFI sont créées depuis février 1944 avec l’association de toutes les formations para-militaires de la Résistance intérieure (Armée secrète, FTP Francs-Tireurs et Partisans etc.)

Merci à Mme Colette Provôt et à sa famille d’avoir confié ce touchant témoignage à Historim. À suivre. P.Maestracci





5 juillet 2014

Paul Dumont, déporté le 6 juillet 1942

Paul Alphonse Dumont habite au 25 rue Diderot, à Issy-les-Moulineaux, lorsqu'il est arrêté le 5 juillet 1942 par les Allemands. Ce plâtrier isséen est élu aux municipales de 1935 sur la liste communiste du nouveau maire Victor Cresson.

© Alain Bétry
Plaque 25 rue Diderot, Issy-les-Moulineaux. © A. Bétry
Arrêté par les Français le 3 mai 1941 pour ses appartenances politiques, remis aux Allemands et internés en 1942 à Compiègne, il est déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz dans le convoi des "45000", formés d'un millier de communistes et d'"otages" juifs, accusés de mener des actions armées contre l'occupant. Ce convoi de représailles est le seul de l'année 1942 ; c'est le premier à partir de Compiègne ; il aura le taux de mortalité le plus élevé : 89 % des prisonniers perdront la vie à Auschwitz. Paul Dumont fait partie de ceux-là.
Arrivé deux jours plus tard, il meurt le 11 août 1942, selon les registres du camp.

Une plaque, apposée sur son immeuble, est fleurie tous les ans (à droite). PCB

2 juillet 2014

5 juillet 1936, le parc Henri Barbusse est inauguré

Bassin du Parc Henri Barbusse. © A. Bétry

Le nouveau maire d’Issy-les-Moulineaux, Victor Cresson (ci-dessous) – membre du parti communiste, élu maire au cours de la séance du 19 mai 1935 - s’intéresse avant tout à la population ouvrière de sa ville. Il va tout faire pour son bien-être et sur tous les plans, menant des actions dès son élection. A son programme : la culture, le sport, l’éducation, la santé.

Le maire Victor Cresson
© XDR
On assiste ainsi à l’ouverture d’un premier parc communal, le parc Henri Barbusse, inauguré le 5 juillet 1936. Ces quatre hectares sont les derniers vestiges des jardins, dessinés par André Le Nôtre, du domaine des Conti. On peut y admirer un très beau bassin, accessible directement par la rue Henri Tariel, où nichent de nombreuses espèces d’oiseaux ; de magnifiques sculptures et des arbres rares, comme ces 97 marronniers d’Inde qui bordent l’allée centrale. On y trouve aujourd’hui un théâtre de marionnettes, un boulodrome et plusieurs aires de jeux.
Le parc doit son nom à l’écrivain Henri Barbusse, fervent communiste, admirateur de la Révolution russe, auteur de nombreux ouvrages (dont le Feu, prix Goncourt 1916), qui mourut à Moscou le 30 août 1935.  PCB