30 juin 2022

Huitième guerre de religion, été 1590 - Issy est occupée

Le siège de Paris, l'un des épisodes marquants de la huitième - et dernière - guerre de religion débute en juin 1590. Il oppose les troupes protestantes du roi de France, Henri IV, à la Ligue catholique commandée par le duc de Nemours, qui tient Paris.

Les Ligueurs à Paris, printemps 1590. ©XDR

L'encerclement de Paris débute le 16 juin lorsque les Parisiens refusent de reconnaître Henri IV comme roi. Les troupes royales vont tenter désespérément d'entrer dans la capitale. 

Le 27 juin, les hommes du prince de Conti - bien connu des Isséens -, l'un des fidèles du roi, tiennent garnison à Saint-Cloud. 

Le 6 juillet, les royalistes entrent dans les faubourgs Saint-Germain, Saint-Jacques et Saint-Marceau, brulant bâtiments publics et champs de blé… sans aucun résultat. Le 12 juillet, ils en sont chassés. Nouvelle attaque le 13 juillet.

Henri IV et ses troupes aux portes de Paris, juillet 1590. ©XDR

Et le 14 juillet, c'est dans les villages de Vaugirard, d'Issy et de Meudon que 700 à 800 hommes des troupes royales s'installent. Dix jours plus tard, les hommes du prince de Conti attaquent une nouvelle fois les faubourgs, y fortifient plusieurs maisons, y construisent des barricades. Plus aucuns vivres n'entrent dans la capitale. Les Parisiens encerclés sont très vite affamés : chevaux, ânes, mulets, chiens sont mangés. Le beurre et le lait manquent…

Henri IV en costume de sacre.
A partir du 1er septembre, le siège de Paris par les troupes d'Henri IV est définitivement levé… Alexandre Farnèse, gouverneur des Pays-Bas espagnols (catholiques), vient soutenir les Parisiens. 

Il faudra attendre le 25 juillet 1593 pour qu'Henri IV abjure la religion protestante, lui permettant ainsi d'être sacré roi de France à Chartres le 27 février 1594 (ci-contre) et d'entrer triomphalement dans Paris le mois suivant, le 22 mars !

Une fois encore, le village d'Issy se trouve impliqué dans un événement historique d'importance !   PCB

24 juin 2022

Visite-parcours du quartier de la Ferme

Un petit groupe d’Historimiens a bravé la canicule de ce samedi 18 juin et découvert ou redécouvert ce quartier, le plus occidental de la ville, rattaché à la commune en 1893. Les deux noms du quartier, la Ferme et les Moulineauxdatent du Moyen Âge. Un ruisseau sortant des étangs de Meudon pour descendre vers la Seine alimentait des petits moulins à eau, d’où les Moulineaux. D’autre part, le chanoine Jean de Meudon légua une ferme aux Chartreux, ferme qui exista jusque dans les années 1960. (http://www.historim.fr/2011/01/la-ferme.html).

Ancienne école Paul Bert et dépendance du collège Victor Hugo.
(carte postale ancienne).

La visite commence devant l’ancienne école de garçons Paul Bert (ci-dessus), construite en 1904 dans le style Belle Époque. Ce bâtiment est maintenant intégré au collège Victor Hugo. Toute proche, l’entreprise Gévelot (Société Française de Munitions) a occupé une bonne partie du quartier de 1825 à 1992. Seule la porte monumentale a été conservée mais déplacée rue du Docteur Lombard. 

Immeuble Art déco, 27, rue Marcel Miquel.
© P. Maestracci.
Celle-ci donne accès au parc de la Résistance puis à l’avenue de Verdun où les Serres municipales remplacent une ancienne brasserie. La traversée du charmant parc de la Ferme est une agréable surprise.

La visite s’achève rue Marcel Miquel où se situe la maison de ce conseiller municipal mort en déportation en 1943. Dans cette rue, le groupe a admiré, une fois encore, des immeubles Art nouveau et Art déco (ci-contre). P. Maestracci

PS. Une fois encore un grand merci à notre Historimienne Pascale pour cette visite qui sera, certainement, renouvelée à l'automne !

 

21 juin 2022

Musique et Variations - de belles mélodies… mais pas que !

Au tournant des années 2000, Anne Renaud et Évelyne Nivet, musiciennes averties, ont eu envie de faire découvrir la musique aux enfants en s’inspirant de la méthode ludique de Carl Orff, compositeur de Carmina Burana. Elles ont créé Musique et Variations, association ouverte à de multiples pratiques artistiques librement enseignées (voir article précédent, du 22 juin 2022).

L'Atelier d'Art

Anne Renaud est à l’origine d’une chorale d’adultes rejointe par Grégoire Miret (ci-dessous), ancien graphiste. Celui-ci ouvre en 2006 un « Atelier d’Art » pour adultes, reprenant les principes d’apprentissage libre  de Carl Orff en les adaptant aux arts plastiques.

Les artistes à l'œuvre. De g. à dr. : Sylvie Rucas, Dominique Stephan,
Grégoire Miret, Gilbert Castaner et Bernard Bouchet.

Cet atelier permet à des adultes attirés par le dessin et la peinture d’expérimenter et de pratiquer la plupart des techniques. Le professeur les conseille, les aide, montre ou suggère selon les besoins des participants. Les élèves s’expriment sans limites : dessin, peinture, pastel, collages… « Tout est possible ! » Dès qu’un travail est suffisamment avancé, il est accroché aux cimaises de l’atelier et livré aux regards des enfants et des adultes, adhérents de l’association. Comme ce travail (ci-dessous) de Gilbert Castaner, ancien ingénieur, qui présente une copie des Joueurs de cartes de Cézanne et les Joueurs d’échecs imaginés et peints à la manière de cet illustre artiste venu peindre à Issy en 1876/77.


Gilbert Castaner et ses joueurs.

Une à deux fois par an, il y a une séance de « dessin 
pur, au crayon ou à la plume. C’est une technique sèche car le dessin est d’abord du trait… Le contour pour le croquis, ce n’est pas la réalité qui est du volume dans l’espace… La peinture arrive pour se rapprocher de la réalité…Le cours pour adultes doit libérer du dessin et de l’écriture appris à l’école. »
Il y a quelques séances de travail collectif à partir de photographies. Début 2022, tous travaillent d’après dix-huit photographies de chevaux réunies par Grégoire Miret.
Depuis quelques années, un atelier animé par Rachel Decout est proposé aux enfants. L’enseignement destiné aux élèves du Primaire respecte «  l’approche libre de la méthode Orff. »
 
Une à deux fois par an, les élèves exposent leurs œuvres à l’ALIM (Association de Liaison d’Issy-les-Moulineaux) 8 rue Paul Bert et tous les deux ans, participent au « Marché des Arts » avenue de la République ( dans la zone piétonne). Plusieurs dizaines de dessins et de peintures sont exposés et ouverts à la visite dans le grand couloir de l’ALIM (18 rue Aristide Briand, Issy-les-Moulineaux), comme ces Volailles
 (ci-dessous), un polyptyque collectif de cinq élèves du cours du soir. Dans le cartouche en haut à gauche, le nom des  artistes est inscrit : SYLD, NADIA, MCL et SYLR. Un grand merci à Monsieur Jean-Pierre  qui a éclairé le couloir le temps de prendre la photographie. 

Volailles, 2019, exposé dans le couloir de l'ALIM.
Pour conclure, l’Atelier d’Art de Musique et Variations accueille les enfants et les adultes qui souhaitent pratiquer les arts plastiques, sans discrimination de niveau ou de talent. Seule une véritable envie est indispensable !
Merci aux artistes pour leur patience et leur bienveillance.Vous retrouverez l'un d'eux sur le site, avant l'été ! Texte Grégoire Miret et P. Maestracci. Photos : P. Maestracci

17 juin 2022

Musique et variations - une association tout en mélodies

Anne Renaud et Évelyne Nivet sont les fondatrices de l'association Musique et Variations. Voici un premier article pour mieux les connaître.

Anne Renaud au milieu d'instruments aussi variés que des blocs chinois !  .

Les origines
Dès son enfance, Anne Renaud (ci-dessus) a baigné dans le monde musical. Son père, chef d’orchestre, jouait du piano. Elle raconte : « Je me réveillais et m’endormais en chantant, au son de ces notes… » Elle commence avec le piano puis découvre la flûte traversière en entendant jouer un de ses professeurs du collège. Vers 18-19 ans, elle s’intéresse tout particulièrement à la théorie musicale et à la pédagogiePar la suite, elle rencontre Évelyne Nivet, tout comme elle passionnée de musique et du désir de transmettre. Un jour au Salon de la Musique, elles découvrent la pédagogie de Carl Orff et décident alors d’en suivre la formation à l’association ORFF-France.

La pédagogie de Carl Orff

Ce musicien allemand du XXe siècle (ci-dessous), connu pour son œuvre Carmina Burana, nous a laissé une méthode dite « active » pratiquée encore de nos jours en Allemagne, en Autriche, dans les pays nordiques… et aussi à Issy-les-Moulineaux ! 
Carl Orff à son piano en 1956. © XDR

Anne Renaud explique : « Dès le plus jeune âge, l’enfant  entre dans le monde musical par l’écoute, le mouvement, le jeu, l’imitation… On met à sa disposition toutes sortes d’instruments à percussion rythmiques et mélodiques aux timbres variés : bois, métaux ou peaux. Quand son corps est imprégné de tout cela, on fait appel alors à l’intellect. L’enfant est en mesure de choisir son instrument avec l’aide des professeurs qui le lui font découvrir et essayer. » 


Musique et Variations 
L’intitulé en deux mots nous ouvre à la Musique bien sûr et avec les Variations nous invite à d’autres disciplines artistiques : dessin, peinture, modelage, théâtre, danse… Le champ peut être vaste ! On vous en dira plus dans le prochain article.

Anne Renaud et Évelyne Nivet créent l’association en septembre 1999 « dans un tout petit local au-dessus de box de garages au 26, rue HocheCe lieu fut déniché par hasard lors d’une promenade dans la ville. » En 2005, l’association, ayant pris de l’ampleur, déménage au 7 bis, rue des Peupliers. Et l'on peut en savoir plus sur leur site : www.musique-et-variations.fr


Baptiste, professur de clarinette et de saxophone.

Musique et Variations a une triple activité dans le domaine musical.
Des cours collectifs dans des ateliers : 
    - l’éveil musical pour parents et enfants (dès 6 mois), groupes de 8 à 10 enfants (dès 3 ans),
    - des ateliers d’arts (peinture, dessin, modelage) pour enfants ou adultes,
    - des ateliers de comédie musicale dès 8 ans.
Des cours individuels de piano, guitare sèche et électrique, violon, flûtes traversières et à bec, clarinette, saxophone et accordéon.
Des concerts et spectacles. Chaque mois dans ses locaux, l’association propose de petites rencontres où les élèves, enfants et adultes présentent le fruit de leur travail devant un public chaleureux, familial et amical. Une fois par an, la ville d’Issy-les-Moulineaux met à disposition de l’association la Halle des Épinettes pour des ensembles instrumentaux et l’Auditorium pour les ateliers d’éveil et de comédie musicale. 

Mes remerciements les plus vifs à Anne Renaud qui est venue tout spécialement pour témoigner et qui a parlé avec un enthousiasme persuasif de l’association. Merci aussi à Marie-Christine pour l’article de Point d’AppuiTexte Anne Renaud pour l'essentiel et photographies P. Maestracci.


Vitrine de Musique et Variations, au 7 bis, rue des Peupliers, à Issy-les-Moulineaux.


12 juin 2022

Jules Védrines par Thierry Matra

Thierry Matra et Jules Védrines au Musée d'Issy. © F. Clément.

Nous étions nombreux en cet après-midi plutôt ensoleillé à découvrir cet aviateur nommé Jules Védrines. Thierry Matra (ci-dessous), notre conférencier, sait de qui il parle. Il est l'auteur d'un ouvrage édité aux éditions Les Établissements : Jules Védrines250 000 kilomètres en aéroplane. Et des kilomètres, il en a effectués depuis Issy !

Thierry Matra aux commandes, 11 juin 2022, 
au Musée français de la carte à jouer, à Issy-les-Moulineaux. © PCB

On trouve Jules Védrines à Issy, dès 1909. Mais c'est à Pau qu'il obtient en 1910 son brevet de pilote, le n° 312. En 1910, année des meetings et, en 1911, celle des grandes courses : tour d'Angleterre, Paris-Pau et, surtout, le Paris-Madrid que vous pouvez retrouver, en plusieurs étapes, sur notre site http://www.historim.fr/2012/07/course-daviation-paris-madrid-1911.html
Mais, en ce 11 juin 2022, c'est carrément un film, que nous a fait découvrir Thierry, celui du départ des concurrents depuis le champ de manœuvres d'Issy avec cet épouvantable accident qui coûta la vie au ministre de la Guerre, Maurice Berteaux ! Et qui fut le gagnant de la course ? Jules Védrines.

Jules Védrines aux commandes. © XDR

Pendant la guerre, on retrouve Jules Védrines aux commandes d'avions, notamment à Verdun, en 1916. Il préfère la reconnaissance plutôt que le combat.


Autre film tout aussi improbable, celui du 19 janvier 1919. Ce jour-là, Jules Védrines décolle d'Issy pour un incroyable défi : se poser sur le toit des Galeries Lafayette. Un "atoitissage" réussi - comme il aimait le dire ! Mais, sans aucune autorisation, Jules devra payer une amende et son avion sera immobilisé dix jours sur le toit avant qu'il obtienne l'autorisation de le démonter et le récupérer. Mais qu'importe ! Il s'est bien amusé… 

Et puis, voici un nouveau projet qui l'attire : "le Tour des 5 parties du monde". Alors, il s'entraîne sans relâche… et le 21 avril 1919, en tentant de relier Paris à Rome, il meurt dans un accident. Ainsi se termine la vie de cet aviateur, à 38 ans seulement !

François Clément dans un 
 T-shirt Jules Védrines. © PCB



Cette conférence, très réussie, nous a permis de découvrir Jules Védrines, un pilote plein d'humour, passionné… et passionnant. Les questions sont nombreuses et, le public a pu acheter des t-shirts, des affiches et, bien sûr, le livre dédicacé de l'auteur (ci-dessus).



Un grand merci à Thierry Matra, l'auteur, François Clément (ci-contre), son éditeur, le Musée français de la carte à jouer qui, une fois encore, nous a ouvert ses portes… et à notre Historimien Michel pour son aide bienvenue. PCB



Thierry Matra et Patricia, la présidente d'Historim. © F. Clément. 

8 juin 2022

Le Raphia : une usine au centre d'Issy et de la Seconde Guerre mondiale

Le site de l’actuel « Cœur de Ville » est un très ancien lieu industriel dont l’histoire est aujourd’hui mieux connue, grâce aux recherches publiées ce mois-ci par un de nos Historimiens. Depuis le début du XXe siècle, s’y sont succédé la Biscuiterie Guillout, puis la Société Peugeot à la fin de la Première Guerre mondiale (http://www.historim.fr/2022/05/peugeot-issy-1917-1937.html), et enfin le CNET. Ce passé n’en recélait pas moins encore une surprise de taille : un intermède de quelques années pendant la Seconde Guerre mondiale riche en péripéties et en rebondissements divers que l’on va vous relater…

Vue générale de l'usine S.A.F.I. à Issy-les-Moulineaux. 

Gros plan sur l'usine S.A.F.I.
Tout commence avec l’usine de la « Société Anonyme Française l’Incombustibilité », ou S.A.F.I., située à Stains, spécialisée dans les peintures ignifuges et, de manière plus générale, dans les peintures de sécurité. Puis, pour répondre aux demandes de l’armée, elle ajoute à ses productions la fabrication du matériel de camouflage d'engins militaires sous toutes ses formes, notamment les filets. Ce secteur devient très rapidement emblématique et, puisque le raphia y est utilisé comme matière première principale, c’est sous ce nom de "raphia" qu’est bientôt communément désignée l’usine située à Issy-les-Moulineaux.
A la fin de l’année 1936, l'usine est transférée à Issy-les-Moulineaux aux n°s 1 et 3, avenue de la République (ci-dessus), en lien avec la préparation et la participation à l’Exposition internationale de 1937. Les terrains sont loués à la Société des Automobiles Peugeot. Deux autres établissements de plus petites dimensions (7 000/8 500 m2) sont installées ; le premier situé boulevard Garibaldi au n° 16 ; le second, aux n°s 135-137, avenue de Verdun.
 
Immédiatement après la déclaration de la guerre le 3 septembre 1939, l’entreprise poursuit les fabrications qu’elle a en cours pour la Marine française (ci-contre). Elle accentue sa spécialisation dans le matériel de camouflage, pour lequel la demande est forte. Les commandes se multiplient de la part de toutes les armes et formations militaires : en février et mars 1940, le ministère de l’Armement passe par exemple un marché qui est triplé le mois suivant. Parallèlement, à la suite de directives nouvelles données par le ministère de l’Intérieur, le procédé « M.A.3 Défense passive » est produit par centaines de tonnes. En bref, la production de la S.A.F.I. connaît alors un développement prodigieux ; elle couvre bientôt 90 % des besoins de l’armement français. 

Sous contrôle allemand - 1940-44
Le 13 juin 1940, à la suite de l’invasion de la France, l’entreprise cesse toute activité et reçoit l’ordre de replier une partie de son matériel et de son personnel dans les Landes, près de Dax. Mais, de leur côté, les autorités militaires allemandes s’intéressent aussi à ses fabrications. 
L’armistice à peine signé, dès le 27 juin, puis à nouveau à la fin du mois de juillet, une commission d’officiers supérieurs de la Wehrmacht vient visiter l’usine et ordonne sa remise en marche. C’est le célèbre organisme de génie civil du Troisième Reich, l’Organisation Todt, qui se charge de mettre la main sur la fabrication. 
La société procède parallèlement à un embauchage massif. L’effectif se monte d’abord à environ 6 000 employés, puis atteint le chiffre considérable de 8 500 salariés. Le souci de conserver autant que possible toute sa main-d’œuvre disponible conduit à brider tout départ d’ouvriers vers l’Allemagne (comme cela pourrait être le cas dans le cadre de la politique nationale de libération des prisonniers). Ce personnel est du reste presqu’entièrement féminin, et donc de facto moins concerné. Il est par ailleurs dans son ensemble en très grande majorité local, composé surtout d’Isséens et, dans une moindre mesure, d’habitants des communes voisines (Boulogne-Billancourt, Meudon, Clamart, Malakoff, 14e et 15e arrondissements de Paris). 

Atelier et machines de l'usine S.A.F.I.
Le travail est organisé de façon à assurer un fonctionnement le plus rentable possible, c’est-à-dire de façon continue 24 heures sur 24, avec la mise en place d’un système de rotation de trois équipes qui se relaient sur le mode très habituel des trois-huit : le matin, l’après-midi et la nuit.
Il s’agit en effet de répondre aux exigences des Autorités allemandes qui vont croissant, à la fois sur le rythme de production et sur la qualité des produits. Ainsi la première commande qui est passée est non seulement très importante en volume, mais elle porte aussi sur un nouveau filet de camouflage tout juste mis au point. 

Son installation suscite d’ailleurs son lot de plaintes de la part des riverains dénonçant d’insupportables troubles de jouissance, qu’il s’agisse d’odeurs d'acides incommodantes et/ou d’éclaboussures sur leurs habitations pendant les livraisons de matériaux et les chargements des camions. La mairie ne se fait pas faute de relayer ces plaintes auprès du directeur de l’usine. Elle y ajoute les siennes. D’autres embarras tout aussi dérangeants sont remarqués : « Par suite de dépôts de matériaux, les deux bouches d’égout, situées aux angles de la rue Horace-Vernet et de l’avenue de la République, sont obstruées et ne permettent plus l’écoulement des eaux du caniveau » (courrier du 22 mai 1942).
A ces griefs s'en ajoute un autre, qui relève de dangereuses négligences dans le transport des marchandises : 
« Les camions sèment par toutes les voies de la ville une partie de leurs chargements qui tombent un peu partout sur la chaussée et les trottoirs » (courrier du 23 juillet 1941).
 
L’administration reproche aussi à l'entreprise de nombreux retards dans le dépôt des déclarations d’accidents du travail - lesquels apparaissent assez nombreux. Les faits dénoncés sont lourds : les produits chimiques (pigments, oxyde de zinc, sulfate d’ammoniaque et autres) utilisés pour colorer le raphia sont accusés d’être extrêmement toxiques, de ronger les mains et de brûler les yeux.
 
La grève du 7 avril 1941
Or, début avril 1941, l’entreprise décide de modifier le mode de rétribution des ouvriers en cessant de payer le travail à l’heure pour le remplacer par un salaire aux pièces. Ce changement va cristalliser le mécontentement du personnel. Le 7 avril 1941, un mot d’ordre de grève est lancé et, dans trois ateliers, les équipes d’ouvrières décident de cesser le travail (ci-dessous). 

Ouvrières en grève, 7 avril 1941.
Un témoin raconte le déroulement des événements : « La grève éclata à 10 h, dura ¼ d’heure et les ouvrières quittèrent l’usine sans incident. Les ouvrières attendirent dans la rue l’équipe de l’après-midi pour leur expliquer leur décision […]. Vers 16 h les ouvrières de la 2e équipe décidèrent de débrayer […] La directrice du personnel] énervée s’adressait aux ouvrières et leur disait : « Soyez raisonnables, si vous ne vous remettez pas au travail les Allemands vont prendre des otages et les fusilleront »[…] La police est arrivée. Les ouvrières refusant de sortir, un commissaire de police de Paris fit évacuer l’usine et le travail cessa. A 22 h. le travail de la 3équipe reprit jusqu’à 0 h. [le personnel présent restant sur place… ]. Je dois dire que pendant la nuit les gardes-mobiles qui occupaient l’usine dansèrent avec les ouvrières…
A 8 h 1/5 nous parvînmes à un accord sur les nouveaux tarifs et chacun signa pour son atelier respectif. Les ouvrières, au retour des délégués qui avaient signé, manifestèrent dans la rue, les accusant d’avoir été payés par la direction pour accepter les nouveaux tarifs, ainsi que contre les chefs. » (Déposition d’un chef d’atelier, avril 1941).
 
Cette succession de débrayages, qui n’est pas générale à toute l’usine et ne dure que 24 heures, n’en a pas moins un certain retentissement : l’arrestation de 11 personnes, l’évacuation de l’usine donne elle aussi lieu à des arrestations. D’autres actions ont suivi. Ainsi pendant la même année 1941, et en avril encore, trois départs de feu ont lieu, d’ailleurs attribués, notons-le, à la Résistance, et le 24 novembre, une autre tentative de grève provoque une nouvelle fois l’intervention de la police et l’arrestation de 2 personnes. L’année suivante enfin, le 8 mai 1942 à 23 h, un incendie, tenu pour être d’origine criminelle, se déclenche dans les locaux.

A la suite de ces événements et dans le souci d'améliorer le climat resté tendu à l'intérieur de l'usine, la société s’attache pendant l’année 1942 à mettre en œuvre une politique sociale plus active (ci-contre), avec club sportif, au stade de l'île Saint-Germain, service médical, colonie de vacances, etc. 
Les Autorités allemandes s’affirment très exigeantes et se déclarent très tôt, dès l’automne 1940, insatisfaites des rendements de l’entreprise. Aussi le 10 octobre 1940, l’Organisation Todt délègue-t-elle un de ses membres comme Commissaire contrôleur – en vain toutefois, car celui-ci ne parvient pas empêcher un arrêt de la fabrication jusqu’en décembre 1940. 
Trois mois plus tard, par un courrier du 14 janvier 1941, elle en vient donc à accuser la société de « mauvaise volonté » et commence à la menacer de sanctions en cas de retard dans les livraisons. En réponse, l’entreprise décide de mettre en place un système d’heures supplémentaires bien que ce soit contraire aux lois en vigueur.
Pendant tout l’été 1942, après qu’une délégation de techniciens venus de Berlin se soit déplacée en février-mars pour effectuer un diagnostic, les frictions et incidents se multiplient avec les Autorités allemandes qui déplorent maintenant la mauvaise qualité des filets de camouflage se révélant défectueux à l’usage. Elles n’hésitent plus à considérer ces malfaçons, à l’instar des retards dans la fabrication, comme des actes de « sabotage dans la production » (qualification qui sera d’ailleurs revendiquée par la société à la Libération.
 
Le 17 août 1944, la fabrication est arrêtée par ordre des Autorités allemandes et deux jours plus tard le dernier allemand quitte l’usine. 

Sous contrôle américain - 1944-45
La situation est une nouvelle fois critique pour la S.A.F.I. puisqu’elle se trouve sous le coup d’une expulsion et doit donc quitter les lieux sans délai. La Société Peugeot ne manque pas d’ailleurs de le lui rappeler le 29 septembre 1944. 
 
L'annexe de l'avenue de Verdun. 

Fort heureusement pour elle cependant, l’état-major américain s’intéresse, à son tour, de près à ses fabrications. Dès le 2 octobre 1944, le quartier général du 604 th Engineer Camouffly Battalion, fort d’un effectif d’environ 165 officiers et soldats, cantonne dans l’usine tandis qu’un accord est conclu aux termes duquel la S.A.F.I. obtient la quasi-exclusivité de la production française dans le domaine du camouflage. Elle va donc pouvoir se maintenir dans les lieux ! De fait, 14 jours plus tard, le 16 octobre, l’usine est remise en marche, sous la tutelle bien sûr du 604 e Bataillon. Toutefois comme celui-ci refuse de conserver le modèle de filet utilisé par les Allemands, la production se diversifie et se décline en filets baobab, filets papier, filets mixtes, filets alfa…
 
L'implantation du CNET - 1946
Les P.T.T. prennent petit à petit possession des locaux, en accord avec les services américains dont le départ complet n’a lieu qu’en novembre 1945. La S.A.F.I. quant à elle ne quittera définitivement les lieux qu’après avoir fait procéder à l’enlèvement de toutes ses installations et constructions, opération qui se poursuit jusqu’en 1946. A cette date, le futur CNET (ci-dessous) commence à s'y implanter. 
Les nouveaux arrivants sont heureux d’y trouver un équipement sportif inattendu, (réalisé par les Allemands ou les Américains ?), dont ils vont pouvoir profiter quelque temps : « une piscine en plein air, le long de la rue Victor-Hugo, d’une trentaine de mètres de long, une douzaine de large, [...] cernée par des grillages, sur lesquels s'accrochaient des filets de camouflage d'engins militaires en guise de pare-vent… »  (Bulletin du personnel du CNET, 1966). Mais cela est une autre histoire (http://www.historim.fr/2017/01/orange-quitte-issy-les-moulineaux-en.html). On ne pouvait rêver de conclusion plus souriante ! Florian Goutagneux.
 
Vue générale des bâtiments du CNET, prise rue du Général Leclerc. © Alain Bétry

3 juin 2022

Jules Védrines - Conférence, le 11 juin, 15 h, au Musée d'Issy-les-Moulineaux


Historim organise une conférence sur Jules Védrines, cet aviateur (1881-1919) bien connu du champ de manœuvres d’Issy-les-Moulineaux. Il en décolle en 1911 pour la toute première course Paris-Madrid qu’il remporte et, en 1919, pour se « poser »… sur la terrasse des Galeries Lafayette ! 
Mais il a bien d’autres exploits à son actif. Nous l'avons déjà évoqué sur notre site :



Mais ce samedi, vous en saurez beaucoup plus en venant écouter Thierry Matra qui, après sa conférence, sera ravi de dédicacer son ouvrage Jules Védrines, 250 000 kilomètres en aéroplane, publié aux éditions Les Établissements.

Notez bien dans vos agendas : samedi 11 juin, 15 h, Musée français de la carte à jouer, 16, rue Auguste-Gervais, Issy-les-Moulineaux  ; entrée gratuite sans réservation, ouverte à tous.

On vous attend nombreux. PCB