29 mai 2025

Allées et noms isséens

  
Une allée est un passage bordé par des murs ou de la verdure, le plus souvent des arbres. Dans la ville, il existe environ une quarantaine d'allées dispersées dans tous les quartiers. Certaines ont le même nom que celui des rues sur lesquelles elles débouchent ou celui de bâtiments proches. Trois thèmes sont prépondérants pour les noms retenus.

Allée Jean-Nicot, proche logiquement de
la Manufacture des Tabacs.


Pour un tiers des noms, il s'agit de personnalités très variées, des hommes mais aussi de plus en plus de femmes. La plus ancienne est celle de sainte Lucie, martyrisée avec énucléation sous l'empereur romain Dioclétien. Treize siècles après, au XVIe siècle, Jean Nicot introduit le tabac en France, d’où le mot nicotine. Des officiers sont honorés comme Vauban sous Louis XIV, spécialiste des fortifications et dont l'allée longe le Fort d’Issy mais aussi Hoche, brillant général de la Révolution française. Il était contemporain d’Olympe de Gouges, féministe guillotinée à cette période-là.

Allée des Petits-Ménages, ancien nom de l’hôpital créé sous le Second Empire et qui change de nom en 1945. On aperçoit au fond la chapelle Saint-Sauveur.

D’autres noms honorent des personnalités de la fin du XIXe au XXe siècle comme les peintres Matisse résident isséen ou Maximilien Luce, des savants comme Pierre Curie ou l’ingénieur Gustave Eiffel. L’aviatrice Maryse Bastié battit plusieurs records du monde ; son allée est proche de l’héliport. Parmi des contemporains, il existe une allée Alfred Nakache, champion du monde de natation et résistant, l’allée du Père Popieliuszko tué par la police polonaise et béatifié et celle de la célèbre résistante, Lucie Aubrac.



Allée Gustave -Eiffel. En réalité, une rue avec des bureaux dans le quartier Val-de-Seine.



Le deuxième groupe de noms fait référence à des villes voisines comme Grenelle (Paris XVe), Fleury (lieu-dit de Meudon), Billancourt (Boulogne) ou à des bâtiments comme les Petits-Ménages.
Enfin, quelques noms d’allées concernent l’économie : le passé rural avec la Ferme, les maraîchers et l’industrie avec les Carrières ou la Brasserie.

                           


 Allée Lucie Aubrac dans le nouvel écoquartier du Fort 
avec les écoles récentes Justin Oudin sur la gauche et
 l’entrée du Fort à droite.




Texte et photographies : P. Maestracci  

27 mai 2025

Le fort d'Issy : visite de l'écoquartier

Le parcours commence devant le collège de la Paix, inauguré en 2021, rue du Fort. C’est près de l’entrée principale du Fort d’Issy, à l’emplacement de l’ancien fossé protégeant les murailles.


Les transformations du quartier se sont faites en trois étapes d’inégale longueur. Tout d’abord, du Moyen Âge à 1840, il n’y a qu’une zone cultivée avec des champs et des vignes au-dessus du village en contrebas.


De 1840 à 2012, cela devient une zone militarisée. Le fort de forme pentagonale est construit de 1840 à 1844, en complément des fortifications autour de Paris qui sont à un peu plus de deux kilomètres à vol d’oiseau. De violents combats s’y déroulent lors de la guerre contre la Prusse fin 1870 - janvier 1871. Le fort dirigé par le général Guichard est assiégé et bombardé avant l’évacuation quand la paix est signée. Pendant la Commune, ce sont les Fédérés qui s’emparent du fort et sont assiégés et bombardés par l’armée versaillaise jusqu’au 8 mars 1871. Une plaque commémorative se trouve sur la paroi intérieure de la muraille. Par la suite, il y a plusieurs structures militaires dans le Fort.

Jardin japonais d’Ichikawa
© photos Michel Julien

En 2012, un accord est signé par la commune pour transformer le fort en écoquartier mais avec un bastion réservé à la Gendarmerie. Sont alors construits des logements de forme angulaire pour les 4 bastions ou de forme arrondie pour les immeubles du centre. Des services, des commerces, des jardins et des vergers apparaissent progressivement. La promenade dans l’allée du Puits permet d’en saisir les différents aspects, y compris les éléments d’un écoquartier.
Les casemates à l’ouest sont réaménagées en salles de sports et de restauration. Un canon de 1870 a été conservé le long d’un mur.
Sur le rond-point à proximité, la sculpture du Merle moqueur de Christian Renonciat (2016) est faite de boulets récupérés lors des travaux. Le long de la promenade du Verger, la médiathèque du Temps des Cerises offre une multitude d’activités. Un peu plus loin, le bastion de la Gendarmerie domine l’allée avant d’arriver à la piscine Aquazena puis au superbe jardin japonais d’Ichikawa (ville jumelée) créé en 2016 et régulièrement entretenu selon les règles du jardinage japonais.
 P. Maestracci

  

23 mai 2025

Noms isséens et parvis

Deux places isséennes sont qualifiées de parvis. Ce mot, issu du latin paradisus  paradis, est le plus souvent utilisé pour la place devant le portail d’une église.

Le premier parvis ainsi nommé est celui de Corentin-Celton. Ce résistant qui travaillait à l’hôpital des Petits-Ménages fut exécuté par les Allemands pendant la guerre. En 1945, son nom est donné à l’hôpital, à la station de métro de la ligne 12 ainsi qu’au quartier. L’hôpital a été depuis totalement démoli et reconstruit ; son entrée autrefois rue Guynemer est dorénavant sur le parvis.
Celui-ci est limité sur 2 côtés par des ailes de l’hôpital séparées par un jardin et l’ancienne chapelle, un autre par un immeuble résidentiel et il est ouvert sur le boulevard Gambetta. Il est occupé trois fois par semaine par un marché de plein air ou d’autres manifestations comme Educap City, des concerts et même l’animation des Jeux Olympiques en 2024. 

Le parvis Jacques Chirac, entre la Médiathèque du Centre-Ville, le Conservatoire Niedermeyer et une résidence pour Seniors donne sur la rue du Gouverneur-Général-Éboué. Son nom est celui du Président de la République de 1995 à 2007, Jacques Chirac. Il exerça un septennat puis un quinquennat. Son parcours politique est complet du mandat de député de la Corrèze, celui de maire de Paris avant l’arrivée à l’Élysée. Monsieur André Santini, maire de la ville fut un membre de son gouvernement.
Le parvis est aménagé avec un passage et un petit parc.



Parvis Corentin Celton décoré pour les Jeux Olympiques de Paris en 2024. À l’angle du bâtiment à gauche se trouve la Maison médicale de Garde le soir et le week-end. Un parking pour les vélos est protégé par les arbres. Sous le parvis, il y a un passage souterrain entre les deux ailes de l’hôpital ainsi que des laboratoires.




Parvis Jacques Chirac avec vue sur la rue. La Médiathèque est sur la droite et jouxte un immeuble de bureaux.
 
Texte et photographies : P. Maestracci

19 mai 2025

Louis Niedermeyer

Louis Niedermeyer, né le 27 avril 1802 à Nyon en Suisse et mort le 15 mars 1861 à Paris, fut un compositeur et professeur de musique suisse.
Après avoir entrepris des études musicales à Vienne, il les poursuit en 1819-20 à Rome puis à Naples. De retour en Suisse, il donne des leçons de piano, compose des opéras et des mélodies (mises en musique de textes poétiques), telle « Le Lac » en 1825, inspiré par un poème de Lamartine. Niedermeyer s’installe à Paris en 1836 où il donne de nouveaux opéras… aux succés limités !
Lors de la révolution de 1848, il demande et obtient, avec l’appui du futur Napoléon III, la nationalité française afin de pouvoir exercer ses droits d’électeur au début de la Seconde République (régime républicain du 24 février 1848 jusqu’à la proclamation en 1852, de Napoléon III comme empereur) en 1849, Niedermeyer s’oriente vers la musique d’église.
Puis, faisant suite à l’institut royal de musique religieuse ouvert en 1818 par Alexandre Choron, il fonde en 1853 "l’Ecole de musique religieuse et classique" qui ouvre en octobre de la même année au 10, rue Neuve-Fontaine-Saint-Georges (aujourd’hui rue Fromentin dans le 9e). Elle fonctionne en internat. Niedermeyer et Camille Saint Saens y enseignent le piano. L’établissement, plus connu sous le nom d’Ecole Niedermeyer va successivement s’installer au passage des Beaux-Arts près de Pigalle, puis en 1896 à la Villa d’Auteuil (bd d’Auteuil). L’école peut s’enorgueillir d’instruire des musiciens comme Gabriel Fauré, Camille Saint Saens et André Messager.
A la mort de Louis Niedermeyer en 1861, l’école sera dirigée par son fils puis par son beau-fils Gustave Lefèvre en 1865.
En 1922-23, le bail de la Villa d’Auteuil venant à expiration, l’école acquiert une spacieuse demeure à Issy-les-Moulineaux : l’ancienne propriété du sénateur Gervais, au 2, rue de l’Egalité où elle subsistera jusqu’en 1930.

© A. Bétry
Le15 mars 1990, André Santini, député-maire d’Issy-les-Moulineaux, ancien ministre, en présence de Jacques Chailley, musicologue a procédé au baptême de l’Ecole nationale de musique en "Conservatoire Niedermeyer".
Denis Hussenot

14 mai 2025

Le CNET et l’âge d’or de l’espace

Depuis son site d’Issy, le CNET s’est impliqué très tôt dans les télécommunications spatiales, apportant même une contribution majeure à plusieurs grandes « premières ». Il n’y a pas lieu de s’étonner d’une implication en tant que telle, tant espace et télécom sont imbriqués. Nos télécommunications, celles de tous les jours, constituent – et de loin – la principale application de l’espace en nombre de satellites. Sans eux, nous n’aurions pas de mondovision, de téléphone sur longue distance, de GPS, ou d’internet accessible partout, ou pas au même prix. Et en retour, il n’y peut y avoir de tir spatial sans transmissions, en outre parfois sur de très longues distances. Le CNET se devait donc d’y jouer un rôle.
 
Mais à cela s’ajoute que l’âge héroïque de l’ère spatiale, 1958-1969, coïncide avec la présidence De Gaulle, du Conseil puis de la République. Présidence attachée, on s’en souvient, à la souveraineté nationale, notamment technologique. L’Etat a donc encouragé le CNET, son bras séculier pour le développement des télécommunications, à s’y engager sensiblement plus vite que chez nos voisins, à l’époque plus atlanticistes (Donald Trump n’avait pas encore été élu). Au CNET, c’est Pierre Marzin qui conduira cette politique, d’abord comme son remarquable directeur de 1954 à 1967, puis comme Directeur général des Télécommunications jusqu’en 1971.
Et en réalité, cet engagement commence même avant les débuts de l’ère spatiale.

Fusées-sondes
 
Dès la création du CNET en mai 1944 figure en effet parmi ses objectifs l’étude des transmissions hertziennes en haute atmosphère, donc au contact avec l’espace. Quelques années plus tard, il participe à la réalisation des transmissions des premières fusées françaises Véronique et Monica (des fusées-sondes, c.à.d. sans capacité orbitale) qui volent à partir de 1952 jusqu’à des altitudes de plusieurs centaines de kilomètres.
En 1957, fort de cette expérience et en l’absence d’un organisme central chargé de l’espace, le CNET est autorisé à lancer lui-même son propre programme de fusées-sondes pour ses recherches en haute atmosphère. Il y réalise les instrumentations embarquées, définit le cahier des charges des fusées (commandées à la société Sud-Aviation, devenue par la suite Aérospatiale puis Airbus), construit l’infrastructure mobile sol comprenant PC de tir / rampes de lancement / stations de localisation, de télémesure et d’enregistrement / antennes et autres groupes électrogènes, et supervise les tirs. Bref, le CNET est chargé d’y faire à peu près tout à l’exception du vecteur lui-même, la fusée, dont il définit les spécifications. 

Ce programme remarquable - aucun satellite n’existe encore - ne sera jamais conduit à son terme, en tout cas pas comme prévu, pour des raisons entièrement externes. Le lancement inattendu fin 1957 de Spoutnik et la course à l’espace qui s’en suit changent en effet soudain la donne. Revenu au pouvoir mi-1958 et constatant l’absence de toute stratégie française en la matière, le général De Gaulle crée dès janvier 1959 un Comité des Recherches Spatiales, ou CRS, chargé d’élaborer des propositions sur le rôle que pourrait y jouer la France. En 1959, le CNET est en fait le principal acteur spatial français, recevant à lui seul 40 % des budgets nationaux. Et en mars, il crée très logiquement son propre département spatial (appelé par la suite RSR ou Recherches Spatiales Radioélectriques) placé sous la houlette d’un polytechnicien, François du Castel. Il le dirigera vingt ans.

 Dans un premier temps, ces changements n’affectent pas le programme de fusées-sondes. Les matériels sont réalisés et une première campagne de tirs débute en 1961 au Centre d’Essai d’Engins Spéciaux (CIEES) d’Hammaguir en Algérie, là où étaient lancées précédemment les Véronique et Monica. Le CNET y lance cinq fusées-sondes et les premiers résultats remontent à Issy où ils sont analysés.
 
Fin 1961, De Gaulle annonce approuver les recommandations du CRS et le remplacer par une structure aux pouvoirs renforcés chargée de les appliquer et de fédérer l’effort spatial français. Ce sera le Centre National d’Etudes Spatiales ou CNES, en ordre de marche à partir de 1962. Dès lors, le passage de certaines prérogatives du CNET vers le CNES semble inévitable, et c’est ce qui se passera. La création du CNES s’accompagne en outre d’un programme prioritaire, celui du lanceur orbital Diamant. Les fusées-sondes du CNET passent au second plan.
 
Une nouvelle campagne de tirs est néanmoins conduite en 1962, cette fois au Centre d’Essai et Recherche d’Engins Spatiaux (CERES) de l’île du Levant, sur la Côte d’Azur. Quatre fusées sont lancées. Ce seront les dernières tirées sous responsabilité CNET.
 
Deux autres tirs sont encore réalisés en octobre 1964 à l’Ile du Levant, mais désormais par le CNES, puis deux derniers fin 1970 au centre d’essai de Biscarosse dans les Landes. Avec une majorité de tirs réussis, le programme peut être qualifié de succès. Mais bousculé par les événements, il aura été largement amputé ou réalisé sous d’autres égides. La France est entretemps devenue la troisième puissance spatiale au monde, et le CNES l’unique organe étatique en charge des vols spatiaux. Les fusées-sondes développées sur spécifications CNET seront les dernières de la sorte. Mais elles n’en connaîtront pas moins un beau succès auprès d’autres utilisateurs français et étrangers – mais désormais sous tutelle CNES ou Sud-Aviation …
 Le rôle du CNET comme responsable d’un projet spatial ne s’arrête toutefois pas là.
 
 Une « première » française …
 
En 1959, assommés par Spoutnik, les Etats-Unis serrent les rangs de leurs alliés. Ils leur proposent d’embarquer des instruments de leur conception à bord de leurs satellites. De Gaulle pense à juste titre que c’est un moyen d’aider la France à rattraper son retard. A sa demande, le CRS trouve un premier accord en 1961. Puis celui-ci évoluera deux ans plus tard en un projet de satellite français à lancer par une fusée américaine.
 
Ce satellite, FR1 ou « Fréquences Radio 1 », sera le premier développé sous responsabilité du CNES entretemps créé. C’est un satellite scientifique (Astérix, que doit lancer Diamant, n’est lui qu’un démonstrateur). Sa mission étant l’étude de la propagation des ondes électromagnétiques de basse fréquence dans la haute atmosphère, la réalisation de son instrumentation est confiée au CNET. Et pendant cette période de transition, la mise en œuvre se fera sous responsabilité conjointe CNET et CNES. 

FR1 est lancé en décembre 1965. La mission est un complet succès. Il fonctionne deux ans et demi, une remarquable durée pour l’époque. Il familiarise les deux côtés de l’Atlantique au travail en commun, un acquis important pour la suite (tous les grands projets spatiaux sont aujourd’hui conduits en coopération internationale). Il contribue à réchauffer les relations franco-américaines passablement délicates en ces temps d’intervention américaine au Viêt-Nam et de retrait imminent de la France du commandement intégré de l’OTAN (effectif six mois plus tard). Une triple réussite pour cet engin dont le CNET était responsable de l’instrumentation et qui fut le tout premier satellite scientifique français jamais lancé. 


Décembre 1965, le satellite FR1 (en cours d’intégration sur son lanceur) avec, à gauche, le responsable de son instrumentation C. Fayard, et à droite, le directeur scientifique de la mission O. Storey, tous deux du CNET. 
Crédit Techno-Science.Net.






… et deux autres mondiales
 
Aussi en 1959 et toujours sous le choc de Spoutnik, les Etats-Unis annoncent la mise en route d’un programme de satellites de télécommunications. Il faut être deux pour communiquer et, comme pour le cas précédent, ils invitent leurs alliés à s’associer aux premières expérimentations.
 
Au CNET, son directeur Pierre Marzin suit les travaux américains depuis des années. Il pense qu’il faut saisir l’occasion et en convainc le CRS. La première étape pour les Américains consistera à lancer un satellite-ballon passif de 30 mètres de diamètre, gonflé en orbite. Il sera recouvert d’une surface métallisée permettant, comme son nom « Echo » l’indique, la réflexion d’ondes hertziennes entre deux points du globe. Bien que cette première expérimentation ne concerne que le territoire américain, le principe retenu permet une diffusion plus large du signal. Avec l’accord du CRS, le CNET réalise donc un système d’antenne à même de le recevoir à Issy-les-Moulineaux. Il semble toutefois que ce ne soit pas sur le site du CNET mais au Fort d’Issy - qui sert à l’époque souvent de site d’expérimentation de transmissions - que l’antenne soit finalement installée, probablement pour profiter d’un horizon plus dégagé.
 
Le satellite Echo 1A est lancé le 12 août 1960. Dès le premier jour puis les jours suivants, il renvoie un message du président Eisenhower de la côte ouest des Etats-Unis à sa côte est. Et l’écho de ce signal est effectivement reçu … à Issy ! C’est probablement la toute première transmission hertzienne transocéanique au monde *. C’est un événement clé de l’histoire des communications, et même de l’histoire tout court. Fort de ce succès, le CNET construira une deuxième antenne améliorée et plus encombrante qu’il montera sur le site du radiotélescope de Nançay dans le Cher et qui recevra d’autres signaux à partir de décembre. 



1960, l’antenne conçue, montée et opérée par le CNET qui capta à Issy-les-Moulineaux les premiers signaux hertziens en provenance des Etats-Unis. Crédit DGT/CNET.


* " probablement " car il n’a pas été possible, pour cet article, de retrouver la date exacte de cette réception - dans tous les cas comprise entre les 12 et 20 août 1960 -  et donc d’en revendiquer l’absolue primauté. Tout *lecteur disposant d’informations plus précises sur cette date sera le bienvenu ! 


La littérature scientifique est toutefois formelle : ce qui a été reçu à Issy est un « signal » et non un « message », c.à.d. non exploitable, ce qui résulte du principe rudimentaire choisi par les Américains, un simple écho. Ceux-ci annoncent du reste y renoncer pour la suite et passer à une deuxième génération de satellites plus évolués, cette fois à répétiteurs actifs.
 
Marzin, et derrière lui De Gaulle sont convaincus qu’ils sont l’avenir et qu’il faut immédiatement y associer la France. Un accord est signé en avril 1961 entre les deux pays, au titre duquel le CNET réalisera une première station européenne de réception. 
 
Les temps sont très courts. Malgré la préférence de De Gaulle pour un émetteur-récepteur entièrement français, il faut y renoncer au profit d’un exemplaire identique à ceux que construisent les Etats-Unis pour eux-mêmes, mais complété, monté et opéré par le CNET. Il prend, comme pour celui utilisé pour Echo 1, la forme d’une sorte de gigantesque cornet acoustique, mais en réalité évidemment électronique, qui semble tout droit sorti du cerveau d’un professeur Tournesol dérangé. Le cornet d’Echo 1 mesurait 15 mètres de long, celui désormais prévu en mesure … 54 (la référence à Tournesol n’est pas déplacée. Quelques années plus tard, le cornet d’Echo 1 recevra des rayonnements inexpliqués qui se révéleront être ceux du fond cosmologique diffus, première image du « big-bang » et l’une des plus grandes découvertes de l’astrophysique).
 
Pour des raisons de taille et d’orientation, il faut renoncer à installer ce cornet de 54 mètres à Issy. Le CNET le monte donc sous un radôme construit à proximité d’une annexe qu’il ouvre à Lannion en Bretagne : ce sera la station de Pleumeur-Bodou. Elle est prête et opérationnelle en un temps record. Le satellite Telstar 1 est lancé le 10 juillet 1962. Quelques heures plus tard le 11 juillet à 0h 49, le CNET reçoit d’Amérique les premières images télévisées ayant jamais traversé un océan, d’une parfaite qualité. L’ère des télécommunications intercontinentales commence. La transmission dure 20 minutes, ainsi qu’il était prévu. Elle déclenche un engouement médiatique considérable. L’opération sera répétée dans les deux sens avec succès dans les jours et semaines suivants. Le processus est très vite opérationnel. Dès le 23 juillet débutent les premières transmissions publiques en mondovision.


Mi-1962, l’étonnante antenne de 54 m de long, montée et opérée par le CNET, qui reçut à Pleumeur-Bodou les premières transmissions TV transocéaniques de l’histoire. Le personnage au milieu donne l’échelle. 

Au nord …
 
En 1961, toujours dans le contexte d’indépendance gaullienne, le CNET commence le développement d’un radiotélescope d’un type nouveau, plus spécialement adapté à l’étude des ondes électromagnétiques en provenance de la haute atmosphère et de l’espace proche. Soutenu par la communauté des radioastronomes, et conduit avec l’aide du CNRS puis du CNES, le projet donne naissance au Radar à diffusion incohérente de Saint-Santin (du nom d’une commune du Cantal où il sera en partie installé). Opérationnel à partir de 1965, il permet de réaliser la première carte thermique de la haute atmosphère.
 
Des améliorations apportées à partir de 1967 élargissent son champ à l’étude des aurores boréales et autres phénomènes de la région polaire. C’est une des priorités scientifiques du CRS retenues six ans plus tôt par De Gaulle. La France propose alors la création d’un organisme international dédié à ces sujets. Ce sera lEISCAT ou European Incoherent Scatter Scientific Association, fondée en 1975 et regroupant initialement France, Finlande, Norvège, Suède, Allemagne et Royaume-Uni. Devenu un outil important de la communauté spatiale, l’EISCAT sert aujourd’hui à l'étude des interactions de la haute atmosphère et du champ magnétique avec le vent solaire (dont toujours les aurores boréales), au suivi des météorites et débris spatiaux, à la science du GPS, à la météorologie, et à la recherche sur le climat.

… et à l’Est !
 
Le 25 juin 1966, le général De Gaulle engage un voyage historique d’une semaine dans l’URSS brejnévienne. Il devient le premier dirigeant occidental à visiter le centre spatial de Baïkonour. Il signe quelques jours plus tard à Moscou un important traité de coopération spatiale entre les deux pays. Pour le général, il s’agit de « dépasser la logique d’affrontement des deux blocs », de renforcer l’autonomie de la France vis-à-vis de l’Amérique, et aussi de tirer la leçon des évidentes difficultés de l’Europe à développer en commun un lanceur puissant (la fusée Europa, qui sera du reste bientôt abandonnée au profit du projet franco-européen Ariane). Ce traité servira de cadre à la coopération entre les deux pays jusqu’à l’invasion de l’Ukraine.
 
Sa première application en est la réalisation d’un satellite français ROSEAU dédié à l'étude de la magnétosphère. Il sera lancé par une fusée soviétique. L’instrumentation en est de nouveau confiée au CNET et François du Castel - qui y conduit toujours le Département spatial - est le directeur scientifique du programme. Bien que soutenu par la communauté scientifique, celui-ci sera malheureusement annulé deux ans plus tard au lendemain des événements de mai 1968 pour des raisons budgétaires. Il sera ultérieurement remplacé par deux satellites Sret 1 & 2 plus modestes, effectivement lancés par l’URSS au début des années 1970, mais de moindre implication CNET.

Interlocuteur et équipementier
 
Le CNET participe à de nombreux autres programmes spatiaux de moindre importance qu’il serait fastidieux de citer. A la fin des années 1960, le spatial occupe près d’un tiers de son personnel et représente les deux tiers de son budget (l’espace coûte cher !). Mais il reste un centre de recherche. La montée en puissance du CNES et des grands industriels (Aérospatiale, Matra, Thomson, Alcatel …) jointe à la maturation progressive des programmes spatiaux font que son temps est bientôt révolu comme maître d’œuvre, que ce soit d’un programme spatial entier ou de son instrumentation. Son rôle comme équipementier et/ou interlocuteur reste. Le CNET sera notamment impliqué dans la réalisation des satellites européens expérimentaux « Orbital Test Satellite » ou OTS en orbite à partir de 1977, de ceux de télécommunication entre navires et terre ferme « Maritime European Communications Satellite » ou MARECS (1981), des premiers satellites opérationnels européens « European Communication Satellite » ou ECS (1983), ou encore des premiers satellites opérationnels français TELECOM 1A et 1B (1984).
 
Il deviendra l’interlocuteur technique français d’INTELSAT, l’organisation internationale qui gère l’utilisation des satellites de télécommunications d’origine américaine. Et comme il est rappelé dans un autre d’article d’Historim, il participera à la création d’EUTELSAT, l’homologue européen d’Intelsat qui sera d’ailleurs abrité dans les locaux CNET d’Issy avant de se transférer à la tour Montparnasse à Paris, puis dans le quartier de la porte Balard (très exactement rue de la Montagne-de-la-Farge) avant de revenir… à Issy-les-Moulineaux, à un jet de pierre du site historique du CNET.

Pierre Baland, ingénieur spatial
1er mai 2025

Principales sources :  
-  ATTEN Michel, La construction du CNET, 1940-1965, éditeur Réseaux. Communication-Technologie-Société, 1996
-  BERTHO Alain, Le CNET dans le système de recherche publique, éditeur CNET, 1986
-  GUILLOU Michel, Les débuts des télécommunications par satellites (1959-1969), éditeur IGPDE
-  Revue « Air & Cosmos »
-  sites NASA

Encore merci pour la richesse de ce document. 
Un regret exprimé par les « anciens » des télécoms : il n’y a aucune mention du CNET dans le nouveau cœur de ville. J.M. Maestracci
 

7 mai 2025

Robert Schuman 1886-1963 et les débuts de l'Europe

Quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale, des hommes se sont lancés dans une grande aventure, celle de vouloir la paix et faire que les ennemis d’hier trouvent ensemble des idées de réconciliation. 
Notre ville a choisi un carrefour de circulation et donner le nom de l’un d’entre-eux : Robert Schuman. Axe intense de communication urbaine, mentionné uniquement sur l’abribus, le rond-point Robert-Schuman se trouve à l’intersection des rues Gallieni et boulevard des frères Voisin, à l’angle du palais des sports Carpentier.

 

Une initiative française

Robert Schuman, avocat, député de Moselle en 1919 est arrêté pendant la Seconde Guerre mondiale, parvient à s’évader pour entrer en clandestinité.

Comme ministre des Finances, il entre au gouvernement français en 1946, devient président du Conseil (équivalent du Premier ministre actuel), ministre des Affaires étrangères de 1948 à 1952 puis garde des Sceaux en 1955.

Face au démantèlement de l’Allemagne, il convient de trouver des solutions pour rétablir de véritables liens avec notre vieil ennemi. Unifier la production du charbon et de l’acier est une idée que lui soumet Jean Monet. Le projet est annoncé le 9 mai 1950 par Robert Schuman au Quai d’Orsay.

Un premier traité est signé le 9 mai 1951 avec les pays limitrophes : l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et la France

L’année suivante, le 18 avril 1951, sous le contrôle d’une haute autorité, l’association devient : « La Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier » (CECA). Les productions, les prix étant fixés par cette autorité.

Avec 160 millions d’habitants, 210 millions de tonnes de charbon et 33 millions de tonnes d’acier, la CECA devient un interlocuteur de poids dans les relations économiques internationales.

De 1958 à 1960, Robert Schuman assume les fonctions de président de l’Assemblée européenne qui deviendra par la suite le Parlement européen. La volonté légitime de cet organe étant la capacité à garantir la paix, rechercher la prospérité garantissant une croissance et un développement harmonieux.



Bien avant ces propositions d’unification politique des pays européens, des idées avaient été proposée plusieurs fois par des penseurs :
Erasme en 1517 (Plaidoyer pour la paix)

Emmanuel Kant en 1795 (Essai sur la paix perpétuelle)

Victor Hugo en 1849 (Discours au Congrès international de la paix de Paris)


Les projets voient le jour


1957CCE Communauté économique européenne (traité de Rome).

CEEA, devoir d’assurer l’autosuffisance énergétique grâce au nucléaire.
1960, la politique agricole commune (PAC).
1968, abolition des droits de douane entre les Six premiers membres.
1973, premier élargissement (Royaume-Uni et Danemark).
1979, premières élections du Parlement européen au suffrage universel.
1980, trois nouveaux membres (Grèce, Portugal, Espagne). 
accords de Schengen, suppression des contrôles de voyageurs aux frontières intérieures.
1992, trois ans après la chute du Mur de Berlin, est signé le traité de Maastricht.
         « L’Union européenne », en porte le nouveau nom.
1995, trois nouveaux membres (Autriche, Suède, Finlande).
1999, entrée de l’euro – 2002 pour les citoyens européens.
2004, entrée de Chypre et Malte.
2007, total 27 membres.
2013, total 28 membres.
2020, le 31 décembre, retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. 
2021, le 1er janvier, début des effets du Brexit.


« L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait ».
 
Tel est le vœu de Robert Schuman rendu publique le 9 mai 1950, et que le président actuel des Etats-Unis souhaite seul, démolir aujourd’hui en 2025 avec la volonté de refaire le monde.
A. Bétry