3 juillet 2019

Jean Moulin, son arrestation - conférence à Issy-les-Moulineaux

 Le 8 juin dernier, à la Maison du Combattant rue du Général Leclerc,  Patrick Flandre, délégué principal isséen de l’Association Nationale des Membres de l’Ordre National du Mérite organisait une conférence, ouverte exceptionnellement aux membres d’Historim, sur le thème "Le mystère de l’arrestation de Jean Moulin à Caluire le 21 juin 1943". Le conférencier, M. le commissaire général Michel Barbaux, passionna l’assistance nombreuse par son érudition, son humour et ses anecdotes.

Jean Moulin, de Rodolfo Vega, sur l'Île
Saint-Germain, à Issy-les-Moulineaux. © A. Bétry


Jean Moulin à Issy-les-Moulineaux
Jean Moulin, héros de la Résistance, est né le 20 juin 1899, a été arrêté le 21 juin 1943, est mort le 8 juillet 1943. Son buste se trouve, depuis 1995, sur l'Ile St-Germain à Issy-les-Moulineaux, devant le 15/17 avenue Jean Monnet (ci-dessus). Œuvre de l'artiste salvadorien Rodolfo Vega, il représente Jean Moulin (1899-1943), premier président du Conseil National de la Résistance.
Rappelons que Jean Moulin fit un court séjour dans notre commune. En tant que caporal-chef, il intègre le Bataillon de l'Air n°117 (devenu en 1964 la Base aérienne 117). Il est nommé sergent de réserve le 10 décembre 1938. En 1939, le voilà préfet d'Eure-et-Loir. Pas pour longtemps. La guerre éclate. Il retourne à Issy du 13 au 26 décembre 1939 pour passer une visite médicale d'incorporation à l'école des mitrailleurs - un problème de vue l'en empêche. Il ne reverra plus notre commune.

Le résistant
M. Michel Barbaux commence son exposé par ces mots : « C’est un témoignage mais pas une conférence » car il a rencontré bon nombre de Résistants dont il parle avec émotion. L’arrestation de Jean Moulin fut : « une affaire, un drame, un guet-apens… » Raymond Aubrac, décédé en 2012, lui a demandé « de transmettre la mémoire » de la Résistance. C'est chose faite.
Préfet en 1939, Jean Moulin est révoqué par le Régime de Vichy en novembre 1940. En octobre 1941, il rencontre le général de Gaulle qui le charge d’unifier les mouvements de Résistance. Il est parachuté dans les Alpilles dans la nuit du 31 décembre 1941. Il crée l’Armée secrète par fusion des formations para-militaires des trois mouvements de la zone sud et préside les MUR (Mouvements Unis de la Résistance) tandis que Pierre Brossolette unifie ceux de la zone nord occupée. Le CNR (Conseil National de la Résistance) est créé en mars 1943 regroupant six partis politiques, huit mouvements de Résistance et deux syndicats (CGT et CFTC). La première réunion se tient le 27 mai 1943, rue du Four à Paris, sous l’autorité de Jean Moulin.


La maison de Caluire où fut arrêté Jean Moulin. © XDR
La tragédie
Elle commence par l’arrestation en mai 1943 du général Charles de Delestraint, chef de l’Armée secrète, qui fut par la suite « abattu à Dachau en 1945 ». Jean Moulin apprend cette arrestation par son secrétaire Daniel Cordier le 14 juin et en informe le général de Gaulle dès le lendemain.
Une réunion est prévue le 21 juin dans une maison amie à Caluire (ci-contre), dans les environs de Lyon, pour remplacer le général Delestraint. Sont présents Jean Moulin, André Lassagne adjoint de Delestraint, Bruno Larat, Raymond Aubrac, les colonels Schwarzfeld et Lacaze, le journaliste Henri Aubry « seul prévu à la réunion » du groupe Combat mais assisté de René Hardy « grande gueule », non convié mais envoyé par Bénouville.
Les résistants sont arrêtés par Klaus Barbie et transférés à la prison de Montluc. Seul René Hardy arrive à s’échapper de façon rocambolesque laissant planer le doute. Jean Moulin, torturé par Barbie, ne parle pas. Le dernier à l’avoir vu encore envie dans la prison est Raymond Aubrac. 

Jean Moulin. © XDR
Jean Moulin (ci-contre) meurt aux alentours de Metz dans un convoi en route vers l’Allemagne. Serge Ravanel, chef des Groupes Francs, avait pourtant préparé une opération commando pour libérer Jean Moulin mais qui n’a pas pu avoir lieu. Il réussit en revanche à mettre au point une opération commando dirigée par Lucie Aubrac pour libérer Raymond Aubrac. Serge Ravanel devient par la suite le chef des FFI à Toulouse en 1944 où il accueille le général de Gaulle. pour qui « Moulin était de ceux qui firent leur tâche et à ce titre, on ne le remplacera pas ». De fait, il nomma, après un long intérim, quatre hommes dont Georges Bidault, pour lui succéder.

Le cas René Hardy
René Hardy a été envoyé à la réunion de Caluire par Bénouville. Dans deux rapports allemands, il est signalé comme « résistant retourné … contre-agent allemand ». Lors de son premier procès en janvier 1947, devant la Cour de Justice de la Seine, il est acquitté « au bénéfice du doute ». Un second procès, en avril 1950, se tient au Tribunal militaire permanent de la Seine. René Hardy est encore acquitté « à la minorité de faveur ».
Les polémiques sur les responsabilités de l’arrestation de Jean Moulin continuent de nos jours et il faut espérer que l’ouverture des archives apportera un jour une réponse claire à cette « affaire de Caluire »

Au Panthéon
Jean Moulin, général de division à titre posthume en 1946, entre au Panthéon le 19 décembre 1964 ; le discours d’André Malraux (ci-dessous), alors ministre d'État chargé des Affaires culturelles, est resté dans toutes les mémoires : « Entre ici Jean Moulin avec ton terrible cortège… »

André Malraux, devant le Panthéon, le 19 décembre 1964. © XDR
Sur la sculpture d'Issy-les-Moulineaux, figure un autre extrait de ce discours 
"Aujourd'hui jeunesse, puisses tu penser à cet Homme comme tu aurais approché tes mains de cette pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n'avaient pas parlé. Ce jour là, elle était le visage de la France." 
P. Maestracci

PS. Profitez des vacances pour lire quelques ouvrages conseillés par le conférencier :
- Raymond Aubrac, Où la mémoire s’attarde, Poches Odile Jacob.
- Pierre Péan, La diabolique de Caluire, Fayard.
- Jean-Christian Petitfils (sous direction), Les énigmes de l’histoire de France, Perrin histoire. Chapitre d’Olivier Wievorka pour l’arrestation de Jean Moulin.

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