26 juin 2019

Sentiers isséens

Par une belle après-midi de juin, nos Historimiens sont partis en balade à travers la ville, sous la direction de notre guide-conférencier Florian, en grande forme. De la place des Tilleuls au Chemin des Vignes, un parcours méconnu plein de charme enrichi de présentations historiques. 

Florian, Place des Tilleuls. © A. Bétry
Tout commence Place des Tilleuls, dans les Hauts d'Issy (ci-dessus). Florian, perché sur son escabeau, évoque le village médiéval d’Issy, cité dans un premier écrit datant de 907, même si l’origine remonte à Childebert en 558. Issy relève de l’abbaye de Saint-Germain des Prés qui possède alors la rive gauche de la Seine jusqu’à Meudon. Une maison forte de l’abbaye, le « château », se trouvait face à la première église Saint Étienne ; elle comprenait un auditoire, une geôle, des bâtiments agricoles. La population « misérable » ne compte que 50 foyers au XIVe siècle.

Sentier de la Montézy. © A. Bétry
Nous voici partis par le sentier de la Montézy, où l'on se croise difficilement (ci-contre). Ce "sentier de brouette" tire son nom d’un lieu-dit - mais est-ce une déformation du nom du château de Monthléry protégeant Paris ? Florian aborde le maraîchage dont Issy fut un gros fournisseur de fruits et légumes pour la capitale : choux, carottes, navets, épinards et salades d’abord cultivés en plaine, puis sur le coteau, quand l’armée au XIXe siècle réquisitionna le champ de manœuvres (actuel Héliport).

Nous empruntons maintenant la rue de la Galerie pour nous rendre au Fort. Cette rue reprend le tracé d’un aqueduc approvisionné par des sources dans la zone du Fort. La répartition de l’eau se faisait par des dalles trouées et facilement bouchées entre les propriétés ecclésiastiques et aristocratiques. On continue par la rue du Fort. Elle présente encore quelques maisons typiques du milieu du XXe siècle, surélevées avec un perron, construites en brique et avec un toit à double pente. Elles ont souvent remplacé des cabanes en bois occupées par des familles pauvres mais qui se regroupaient comme en témoigne le nom de la proche impasse des Trois beaux-frères. Des promoteurs vendirent aussi des terrains non viabilisés, ce qui explique que la zone du plateau n’ait pas été électrifiée totalement en 1939.

Voilà l'entrée du Fort et son éco-quartier qui méritera une visite toute particulière tant son histoire est intéressante. Sur notre droite, des marches conduisent à la promenade des Courtines devenue, en 2018,  Chemin du Colonel Arnaud Beltrame (1973-2018), héros qui a sacrifié sa vie pour libérer une femme otage d’un terroriste.

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Jardins partagés du Fort; © PCB
 Le chemin longe l’arrière du Collège de la Paix promis à la démolition. Notre guide ménage une pause afin d’aborder le sujet des relations « pas toujours au beau fixe » entre Paris et Issy-les-Moulineaux car il y eut « plusieurs sujets de discorde » à commencer par la perte de Vaugirard en 1342, celle du champ de manœuvres au XIXe siècle mais, aussi, la zone-tampon créée par le Parc des Expositions de la Porte de Versailles. Une grande partie du XVe arrondissement est constituée d’anciennes possessions isséennes !
Avant d'aborder le sentier des Épinettes, on découvre le long du passage Paul Assenspasse des jardins partagés : 86 parcelles mises à la disposition des habitants, sans oublier un verger (ci-dessus).

Le sentier des Épinettes, long de 247 mètres, date probablement du Moyen Âge. Il rejoignait le chemin de Saint-Cloud avant d’être interrompu par le percement d’un boulevard en 1869 (futur boulevard Rodin). Le nom d’Épinettes provient du nom d’un cépage de pinot blanc pour lequel il fallut défricher des broussailles épineuses. Le sentier passait au-dessus des carrières de craie et de blanc de Meudon. « Tout le quartier a disparu » lors de l’effondrement de 1961 qui fit 21 victimes. Michel nous montre « le mur de la commune », mur en pierres sèches (refait avec du ciment) d’une propriété marquant la limite de celle des princes de Conti, qui s'étendait jusqu'à la place des Tilleuls. En face, l’église Saint-Bruno date de 1936 ; elle fait partie des églises destinées à l’époque à rechristianiser la banlieue. De plan centré, son style rappelle l’art gothique.

Dans le parc Rodin, des marches… ©PCB

… et des allées ombragées. © PCB
L’escalier entre les rues d’Erevan et de la Défense est vertigineux. Il se situe au cœur du quartier arménien et mène au splendide parc Rodin (ci-dessus). En marchant à l'ombre de ses arbres, on se sent à des kilomètres de la ville ! Florian en profite pour évoquer le sculpteur, auteur entre autres du Penseur, et son mouleur Paul Cruet installé dans les dépendances du château des Conti (actuel Musée Français de la Carte à Jouer) ; mais aussi de Matisse qui a vécu route de Clamart (avenue du Général de Gaulle).

Florian et les Historimiens. © A. Bétry
Nous traversons le boulevard Rodin, direction  l'Allée du Panorama, un chemin escarpé (ci-contre) qui domine le quartier de l’ancienne usine d’armement Gévelot, active pendant un siècle et demi (à partir de 1825). 

© J. Primault

Aujourd'hui de petites maisons, cachées derrière la végétation (ci-dessous), constituent un havre de paix. Au loin, derrière le RER et le quartier Haussmann, on aperçoit le Mont Valérien. Et voici des poules (ci-dessus)… l'une ressemble même à Roxane,  l'héroïne du film de Mélanie Auffret ! 


Maison particulière dans le sentier du Panorama. © PCB
En bas à gauche, nous rattrapons le Chemin des Vignes qui nous rappelle que 76% de la surface cultivée à Issy étaient recouverts de vignes. Mais au XIXe siècle, l’essor du chemin de fer favorisant le transport des vins de Bourgogne ou du Bordelais a ruiné cette activité, réintroduite en 1992, grâce à la famille Legrand. Certains d'entre vous se souviennent, certainement, de la visite privée que nous avons pu faire chez eux ! 

C'est là que nous nous quittons, rattrapés par la vie moderne, les bus, les voitures, le train. Un grand merci de la part du groupe à Florian pour cette promenade bucolique et historique.

P. Maestracci

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