28 novembre 2021

Hamid : de Renault… à L'Harisssa. Épisode 2

Hamid travaille donc dans les usines Renault sur l'île Séguin, à Boulogne-Billancourt.
La vie matérielle n'est pas facile car la quasi-totalité de sa paie part en Algérie pour aider sa mère et la fratrie. Pour gagner quelques sous, il vend des "fringues" aux Puces de Saint-Ouen et donne des cours de karaté chaque soir, dès l’âge de 19 ans. 
Du coup, il rentre tard par le train (actuelle ligne de RER) jusqu’à la gare de Versailles-Chantiers, puis il prend le bus ou parcourt les 5 kilomètres à pied jusqu'à son logement de Saint-Cyr-l'École.

"Le sport, moyen d'expression".
Pourtant, la dizaine d’années qui suit lui laisse un souvenir extraordinaire. Il pratique le karaté au COB (Club Olympique de Billancourt) géré par le Ce (Comité d’Entreprise de la Régie). L’adjectif « olympique » s’explique grâce à un champion médaillé de ce club. 
Détaché par Renault pour des projets pédagogiques, Hamid encadre des camps d’adolescents au mois d’août, des jeunes de 15 à 17 ans, filles et garçons. Grosse responsabilité car les jeunes n’ayant pu partir en juillet ont surtout traîné dans la commune. Les tentes abritent dix lits pliants. 
Il faut faire passer « un message de valeurs humaines, de respect, de responsabilité… Ce fut un moment magique de partage avec les gamins : ils aiment le discours vrai, se sentent rassurés, raconte Hamid. Pendant dix ans, ces camps selon les régions (Bretagne, Alpes, Roussillon, Corse) offrent des initiations sportives : voile, canoë, plongée etc. Une belle école de transmission. Dix ans de bonheur ! ». 
En revanche, le retour comme ouvrier en septembre était psychologiquement un choc… Au bout de plusieurs années, Hamid en tant que syndicaliste préside la Commission des Sports au Comité d’entreprise de Renault. Pour lui, « le sport est un moyen d’expression ». Il fait aménager des aires insonorisées de repos. 

Ses débuts en restauration
Un de ses élèves au karaté possède un restaurant de couscous, le JSK (Jeunesse Sportive Kabyle) à Boulogne-Billancourt. Hamid, qui cuisinait déjà pour sa famille, décide alors de travailler gratuitement le week-end pour apprendre la cuisine pendant deux ans.
Avec très peu de moyens mais avec des soutiens, il monte un restaurant à Malakoff, Le Kemia (amuse-bouches). Les travaux de rénovation sont réalisés bénévolement par une bande de copains parmi lesquels le staffeur M. Alain Petit qui travaillera ensuite à la décoration de L’Harissa. Les fournisseurs du Marché de Rungis font aussi confiance à Hamid qui évoque avec reconnaissance M. Roger Duhamel. Le restaurant de 70 couverts est complet dès le premier jour, un 1er juillet. Il y a même deux services le soir. Six personnes travaillent, la moitié en cuisine et l’autre en salle. Le restaurant est ouvert 7 jours sur 7. Dès le mois de décembre de cette année-là, tout est remboursé. 

L'intérieur de L'Harissa: du bleu et du rose… C P. Maestracci
Il ouvre ensuite un deuxième restaurant puis L’Harissa il y a trente ans à Issy-les-Moulineaux. Le restaurant actuel en a remplacé un autre, Le Saint-Nicolas dont le nom évoquait l’établissement scolaire éponyme tout proche. 
Sa très belle décoration (ci-dessus) rappelle l’art andalou et nord-africain. Les murs sont décorés de staff aux panneaux bleus (comme le ciel) et rosés comme la terre cuite, encadrés par des colonnettes blanches et des arcs marocains. Ils sont surmontés d’une frise blanche décorée de fleurs formant des arabesques. Les plafonds également en staff reprennent les formes géométriques des moucharabiehs. Ce travail de grande qualité est celui de M. Alain Petit, artisan clamartois. La base des murs est ornée de carreaux de céramique, fabriqués en Espagne, imitant une mosaïque et reprenant les trois couleurs des murs. Le restaurant fermé pendant les périodes de confinement a rouvert au printemps 2021 au grand bonheur de ses habitués.

La porte d'entrée du restaurant. © P. Maestracci
Les produits sont de qualité ; les légumes déposés en caisses le matin sont épluchés sur place et se retrouvent dès midi dans les couscous ou les tagines. Le plat préféré d’Hamid est le méchoui d’agneau cuit 7 heures accompagné d’un gratin dauphinois maison avec haricots verts et salades. 

La porte d’entrée à double vantaux (ci-dessus) est éclairée par des panneaux vitrés de forme géométrique. Sur la table, à droite, une grande photographie de rugbymen en liaison avec l’association Un Maillot pour la Vie dont Hamid est un ambassadeur. La vente de maillots de grands sportifs et des galas permettent de financer des goûters et des animations (et même un voyage à Londres lors des jeux Olympiques) pour des enfants malades dans les hôpitaux. Pour en savoir plus : www.unmaillotpourlavie.com

Hamid garde un peu de temps pour lire. Le premier livre qui l’a marqué est d’Antoine Feliciani Va au bout de tes rêves qui est, selon lui, « un testament philosophique » ; il cite aussi Où on va, Papa ? de Jean-Louis Fournier et Ce que le jour doit à la nuit de Yasmina Khadra. Hamid est aussi un grand amateur de poésie, en particulier les poèmes de Victor Hugo. 
Pour finir, Hamid est très fier de ses enfants : ses deux filles Aurélie et Mélanie et ses deux fils Mickaël et Maxime. Tous deux ont suivi les traces paternelles et travaillent dans un restaurant gastronomique isséen bien connu, La Passerelle en bord de Seine.

Hamid dans son restaurant L'Harissa. © P. Maestracci
Mes remerciements chaleureux à Hamid pour son témoignage alors que son temps est si comptéSa conclusion résonne magnifiquement : « Il faut être acteur de sa vie, tenir ses engagements ». Alors, poussez la porte d'entrée à double vantaux… vous apprécierez ! P. Maestracci

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