22 mars 2019

Les princes de Conti et leur château d'Issy - conférence

Le public est nombreux en cette fin de journée du 14 mars dans la grande salle du Musée français de la carte à jouer, installé à l'emplacement du château des Conti. La conservatrice Charlotte Guinois rend hommage à Florian, le conférencier, son ancien collègue, et rappelle que la Galerie d’Histoire de la ville vient d’être réaménagée (film en 3D du château et tablettes Li-Fi ).

Le village d’Issy au XVIIIe siècle
Florian rappelle que le village, situé à quelque distance de la capitale, compte alors 600 habitants. Il dépend de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés.
Après l’arrivée de la reine Margot en 1606, de riches Parisiens s’installent dans de superbes propriétés le long de la Grand-Route, en contrebas du village perché sur la hauteur. Il s’agit de la bourgeoisie parlementaire au début puis, de plus en plus, d’aristocrates au XVIIIe siècle. Le village d’Issy se trouve enserré entre le domaine du duc de Bourbon-Condé (actuel lycée Michelet) et celui du financier Nicolas Beaujon (actuel Hôtel de Ville). Un fait notable pour l’époque : la présence de maîtres d’école pour filles et garçons ainsi que celle de chirurgiens.

Florian au micro devant le plan de la seigneurie d'Issy, 1671. © XDR

La lignée des Conti
Cette famille est originaire de Picardie. Le premier Conty est attesté en 1041. Le nom est italianisé avec un I final au XVIe siècle, sous les reines Médicis.
Cette lignée princière est fondée par Armand, premier prince de Conti dont le frère aîné est à l’origine de la branche des Condé. Ce grand guerrier est aussi le mécène de Molière. Les Conti multiplient les mariages avec leurs cousins Condé et les enfants du Régent Philippe d’Orléans. Ce sont des « chefs militaires reconnus » fort riches. Ils possèdent trois hôtels particuliers à Paris (dont deux sont occupés par des ministères, en particulier celui de la Défense et un autre qui a disparu quai Conti), d’autres dans les villes royales de la région ainsi que de nombreux fiefs dans différentes provinces. Mais leur propriété la plus importante est située à L’Isle-Adam.
Portrait de François-Louis. © XDR
Florian nous fait un portrait très complet de François-Louis (1664-1709). Il eut le Grand Condé pour parrain, qui le traita comme son fils à la mort de son père. François-Louis (ci-contre) combat pendant la guerre de la Ligne d’Augsbourg (1688-1697), participe à la bataille de Steinkerque en 1692 . Il reçoit la Croix de Saint-Louis avant même ses 10 ans de service. Surnommé le Grand Conti, il est décrit ainsi par le mémorialiste Saint-Simon : « galant avec toutes les femmes…. coquet avec tous les hommes ». Célèbre pour ses cravates attachées à la hâte, fort cultivé, il parle italien, espagnol et allemand. En 1696, il est élu roi de Pologne mais n’arrivant pas à se faire couronner, il revient en France. Deux ans après sa mésaventure, il achète la propriété d’Issy et le contrat est signé en 1699. Il reçoit à Issy le Grand Dauphin qui vient en voisin de Meudon. Son épouse est sa cousine Marie-Thérèse, fille du prince de Condé. Le couple a 7 enfants dont 4 meurent en bas âge. Le prince se réfugie à Issy lors de chaque deuil. À sa mort en 1709, Marie-Thérèse devient princesse douairière jusqu’à sa mort en 1732. Elle laisse les hôtels parisiens à son fils lorsqu’il se marie en 1713, en fait construire un autre mais réside beaucoup dans sa propriété isséenne où elle reçoit somptueusement la duchesse de Berry, fille du Régent ; concert, glaces et feu d’artifice pour clore la soirée. Elle protège les villageois isséens. En particulier, elle fait mettre fin à un abus de détournement des eaux de la fontaine (actuel passage Jassedé) par un vigneron.

Le château et le parc
La propriété, à l’origine celle de la reine Margot, appartient à Denis Talon à la fin du siècle. Il fait reconstruire le château par l’architecte Pierre Bullet. Celui-ci rompt avec la tradition architecturale française pour s’inspirer des villas palladiennes de Vénétie. Le plan est massé, avec de grandes pièces au rez-de-chaussée, des façades et des murs sobres. La veuve de Denis Talon vend le château à François-Louis de Conti

Le château et son péristyle, photo années 1860. © XDR
Le prince fait embellir par Bullet le château « trop simple à son goût » d’un péristyle avec 4 colonnes et attique (ci-contre). Les armoiries sont gravées dans le fronton : trois fleurs de lys avec la barre oblique de la branche cadette qui sont entourées d’un liseré rouge. François-Louis fait construire aussi le petit château (détruit en 1960 ) à droite de l’entrée pour son fils.
Le parc de 96 arpents est dessiné par Le Nôtre et, surtout, par son neveu. Comme le parc est en pente, les murs sont peu visibles à la joie du prince qui s’exclame : « si tout n’est pas à moi, tout est à mes regards », selon l’écrivain Benserade. 

Ses descendants habitent à leur tour le château. Florian nous fait revivre ces années-là. Louis-Armand II, bossu et surnommé « le singe vert », est qualifié de « vilain, fou, mal élevé » par la princesse Palatine. Marié en 1713 à Louise-Elisabeth, il meurt en 1727. Le couple a un fils, Louis-François dont le parrain est Louis XV et la marraine la princesse Palatine. Louise-Elisabeth mène « une vie fastueuse » ; elle est musicienne et élève de Couperin. Elle défend avec acharnement les intérêts de sa famille et accepte de présenter à la cour la marquise de Pompadour. Elle meurt dans son château isséen ; son corps est déposé dans l’église Saint-Étienne avant son transfert à Paris. Elle a donné le château à son fils en 1764.

La maquette du château et de son parc, visible dans la Galerie d'Histoire de la ville. © A. Bétry

Louis-François est un fin lettré qui « a le goût des sciences et de la littérature …impossible de découvrir en lui la moindre nuance de fatuité », selon madame de Genlis. Il chasse le petit gibier dans son parc et les environs. Il crée une faisanderie ainsi que douze remises ; quatre à cinq membres de sa domesticité sont chargés de la chasse princière sous l’autorité d’un inspecteur logé en face du château. Militaire, le prince commande un régiment de Dragons avant d’entrer au Secret du Roi puis de devenir Grand Prieur du Temple à Paris. Le Temple qui jouit de l’extra-territorialité devient « un haut lieu de l’opposition au roi ». Louis-François meurt sans confession. Il est marié à Louise-Dianed’Orléans, fille du Régent. Leur fils vend la propriété isséenne après la mort de son père avant de mourir lui-même en 1814, dernier de sa lignée.

Après les Conti
Florian termine sa conférence en nous rappelant que l'on peut découvrir aujourd'hui, à Issy, un certain nombre de vestiges du château.
Les fonts baptismaux d’époque Louis XV, que les Conti ont offerts à l’église paroissiale, sont toujours visibles dans l'église Saint-Étienne.
Le château fut très endommagé lors des combats de la Commune en mai 1871. Son péristyle a été remonté à la Villa des Brillants à Meudon, selon la volonté de Rodin. Et l'entrée de la propriété avec le donjon abrite aujourd'hui la Galerie d'histoire de la ville.
Dans le parc Henri Barbusse, il reste un bassin devant trois niches originelles (ci-dessous).

Le bassin du parc Henri Barbusse. © A. Bétry
Florian Goutagneux finit sa conférence par un hommage à René Le Bacon ( 1923-2001), historien fondateur du CRHIM et auteur d’un ouvrage sur les Conti. Une plaque à l’entrée du musée évoque sa mémoire. P. Maestracci



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