20 mars 2020

L'atelier KATS Vitrail - une visite inoubliable

Afin de mieux préparer cette visite du 6 mars 2020, un article avait été publié sur le site d’Historim dès le 2 mars. Ce compte-rendu est donc essentiellement consacré aux procédés techniques expliqués avec patience et minutie par Mme Catherine Nafziger, maître verrier, qui nous a courtoisement reçus dans son atelier situé au 34 du boulevard Rodin (ci-dessous).

Mme Catherine Nafziger, maître verrier, dans son atelier. © P. Maestracci
L'atelier
Ce local ancien, au carrelage en damier d’époque, fut d’abord un bistrot puis une boulangerie, un atelier de fabrication de pantalons avant de devenir, en 2008, un atelier consacré à l’art du vitrail. Les deux vitrines sont désormais ornées dans leur partie supérieure d’un assemblage de vitraux.
Mme Catherine Nafziger, isséenne déjà, avant même d’avoir son propre atelier, s’est formée auprès de plusieurs maîtres et a travaillé à La Maison du Vitrail, rue Desnouettes (Paris XVe), non loin d’Issy-les-Moulineaux. Cette entreprise renommée s’occupe de création de vitraux, avec ou sans peinture sur verre, et de restauration de vitraux des XIXe et XXe siècles.

Le matériel 
Il est très spécifique, à commencer par le verre. Il y en a plusieurs catégories. Le verre peut être incolore, coloré ou texturé, bariolé, chamarré… Le verre soufflé est fabriqué à partir d’un cylindre (80 cm de circonférence au maximum). Le cylindre est coupé sur la longueur, le verre est aplati avant d’être recuit. Cette technique est réalisée en France et en Allemagne. Le verre le plus onéreux est le verre plaqué ; il est fabriqué grâce à deux paraisons de verre de couleur différente, soufflées ensemble qui crée un verre à 2 couches dont la couche supérieure très fine peut être retirée par gravure. Plusieurs gammes colorées : violet sur transparent, rouge ou bleu. ou jaune ou bien rouge sur vert, jaune ou bleu clair (liste non exhaustive). Le rouge est une couleur peu stable à la cuisson.
Pour se procurer du verre, il y a le dépôt de la Verrerie Saint-Just (filiale de Saint-Gobain), à Gennevilliers dans les Hauts-de-Seine.

A la devanture de l'atelier.  © PCB
Pour la peinture sur verre, il y a trois techniques possibles. Tout d’abord la grisaille appliquée « au pinceau sur une table lumineuse ». Elle permet de « travailler le trait, les lignes de contour ». Lorsque la grisaille est appliquée en aplat translucide (le modelé), elle sert à « sculpter la lumière, donner du volume, de la profondeur » ; elle se fait avec un blaireau (pinceau). Autre technique, celle des émaux qui apparaissent au XVIe siècle et peuvent être transparents ou opaques. Enfin le jaune d’argent, une cémentation apparue au XIVe siècle. Il est posé sous forme de pâte rougeâtre (bauxite avec sels d’argent) à l’arrière du verre et réagit, ou non selon, la composition du verre. La couleur jaune ou ambré a la particularité « de se diffuser à l’intérieur du verre ». Après cuisson, il faut enlever la pâte en excédent.

Le savoir-faire, qui s’était perdu au cours des siècles, a été retrouvé au XIXe siècle, ne serait-ce que pour les immeubles haussmaniens parisiens ! Le patrimoine français est considérable car la France conserve davantage d'œuvres du Moyen Age que le reste du monde, la Renaissance a produit encore plus de vitraux et la production dans la seconde partie du XIXe siècle dépasse encore les époques précédentes. Aujourd'hui, en France, environ mille personnes travaillent dans des ateliers spécialisés.

Panneau de présentation. © P. Maestracci
La création d’une œuvre.
Elle commence par la constitution d’un dossier avec de nombreuses images et conception d’une maquette du projet à l’échelle 1/10e, soumise à la validation du client. Dans certains cas elle peut être imprimé à l’échelle 1 par un imprimeur isséen, dans le cas de projets de vitreries géométriques, le carton est tracé en atelier. Le report à l’échelle 1 se fait sur du papier Canson épais et dupliqué sur papier calque. Il indique le chemin de plomb, la numérotation des pièces et les références de verre pour chaque pièce. Lors du calibrage c’est la paire de ciseaux triple lame qui permet de retirer l’épaisseur du « cœur de plomb » (dimension invariable de 1,75 mm de large) dont la baguette a une section en forme de H majuscule. Ensuite, chaque morceau de verre est découpé selon le modèle avec une molette ou une roulette en tungstène (ou coupe verre).
L’épaisseur du verre peut varier de 2 à 4 mm sur une même plaque lorsque le verre est soufflé. Le contour des pièces de verre peut être très varié avec creux et bosses. Si nécessaire, les approximations sont corrigées à la pince à gruger. Pour la création de vitreries géométriques, on peut utiliser la technique de la découpe « à la pige » qui permet de réaliser des pièces identiques en série.

Une fois les pièces réunies sur le calque, on peut commencer la peinture sur verre à l’aide de pinceaux et brosses spécifiques appelés mouilleur, putois ou encore blaireau. Les pièces seront mises au four entre 580 à 650°C. Le four de KATS Vitrail (ci-contre) peut cuire à la fois quatre plaques de 30/40 cm. Ensuite, les morceaux sont réunis par des profilés de plomb coupés à la longueur voulue puis insérés un à un entre les pièces, l’ensemble est maintenu par des clous de montage et des règles, puis soudées à l’étain aux intersections, avec un fer à souder.

Ces explications, peut-être un peu ardues, ont été accompagnées d’exemples de deux vitraux. Le premier de 1,80 sur 1,30m a comme thème la vigne et a nécessité un mois et demi de travail. Le second se trouve dans la même église ; il est composé de 600 pièces représentant une fontaine.

Technique du verre Tiffany
Verre Tiffany. © P. Maestracci
Chaque pièce découpée est cernée d’un adhésif de cuivre et les morceaux sont ensuite assemblés en coulant de l’étain en fusion qui forme un bourrelet à la surface du cuivre (ci-contre). Les joints sont ensuite patinés en noir ou cuivre. Puis, il faut « mastiquer » à la brosse avec un mélange composé de blanc de Meudon, d’huile de lin, d’un siccatif et du noir de fumée. Enfin, il faut « rabattre les plombs » et nettoyer avec de la sciure de bois.
Dans le cas d’un travail qui implique le « fusing » (thermocollage de pièces entre elles), on doit utiliser une gamme de verre élaborée avec un même coefficient de dilatation pour éviter les casses.

Questions-réponses
Deux domaines spécifiques ont été ensuite abordés par les Historimiens, de plus en plus intéressés.
Le premier portait sur la clientèle de l’atelier KATS Vitrail : municipalités pour des églises, des particuliers, des syndics et des associations.
L’autre question a porté sur la différence d’approche entre la création et la restauration. Contrairement à la création, dans le cadre d’une restauration,  il ne faut pas « s’approprier l’œuvre ». Il faut également respecter le principe de réversibilité de chaque intervention et conserver dans la mesure du possible tous les fragments de verre et ne recréer des pièces que pour combler les lacunes » nous a expliqué Mme Catherine Nafziger. 

C'est ainsi que s'est terminée cette matinée pleine de couleurs et de vie ! Historim remercie chaleureusement Mme Catherine Nafziger pour son accueil et ses lumineuses explications à un groupe fasciné par son travail.
Pour plus de renseignements :
www.kats.fr ou 01 58 88 07 25.
     P. Maestracci

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