22 avril 2020

La Fontaine et les Conti

Jean de La Fontaine.
© XDR
Après les jeux de société, les recettes de cuisine, les visites virtuelles et la musique, un peu de lecture en ces temps de confinement. Une bonne occasion de redécouvrir Jean de La Fontaine (1621-1695), ses 240 fables et autres contes. Vous connaissez déjà Le Renard et les raisins, une fable illustrée sur la façade du 31 rue Kléber, en Centre Ville.
Mais ce que l'on connaît moins ce sont les relations qu'entretient, dans les années 1680-1690, le fabuliste avec la famille Conti, à commencer par la jeune Marie-Anne de Bourbon (1666-1739), la fille illégitime mais reconnue de Louise de La Vallière et du roi Louis XIV.

Elle est belle, elle danse bien, elle plaît aux hommes… (ci-dessous) tant et si bien que Mme de Sévigné - encore elle - qui veut que sa fille soit la plus remarquée de la haute société, en est jalouse.
Quant à La Fontaine, après l'avoir vue au carnaval de l'an 1689, il en rêvera toute la nuit. Et, le lendemain, il lui écrit une petite pièce intitulée le Songe.

Marie-Anne de Bourbon. © XDR
"La déesse de Conti m'est en songe apparue :
Je la crus de l'Olympe ici-bas descendue.
Elle étalait aux yeux tout un monde d'attraits
Et menaçait les cœurs du moindre de ses attraits.
Fille de Jupiter, m'écriais-je à sa vue,
On reconnaît bientôt de quel sang vous sortez.
L'air, la taille, le port, un amas de beautés,
Tout excelle en Conti ; chacun lui rend les armes… ”

L'année précédente, en juin 1688, c'est en l'honneur du mariage de son beau-frère Louis de Bourbon-Conti, dit le Grand Conti (celui du château d'Issy), avec Marie-Thérèse de Bourbon que La Fontaine écrit Épithalame - L'Hyménée et l'amour :

"Hyménée et l'Amour vont conclure un traité
Qui les doit rendre amis pendant de longues années.
Bourbon, jeune divinité,
Conti, jeune héros, joignent leurs destinées…

Hyménée est vêtu de ses plus beaux atours.
Tout rit autour de lui, tout éclate de joie :
Il descend de l'Olympe environné d'Amours
Dont Conti doit être la proie :
Vénus à Bourbon les envoie……"

Les vers s'enchaînent. Le mariage se déroule le 28 juin à Versailles. Le couple aura sept enfants, dont quatre survivront : deux garçons et deux filles.

Le Grand Conti. © XDR
La Fontaine a une correspondance suivie avec le Grand Conti (ci-dessus). Et lorsque ce dernier tombe en disgrâce après avoir traité, dans une lettre interceptée, le roi Louis XIV de "gentilhomme affainéanti auprès d'une vieille maîtresse", le fabuliste prend sa défense en lui dédiant le Milan, le roi et le chasseur.

"Comme les dieux sont bons, ils veulent que les rois
Le soient aussi : c'est l'indulgence
Qui fait le plus beau de leurs droits,
Non les douceurs de la vengeance :
Prince, c'est votre avis. On sait que le courroux
S'éteint en votre coeur sitôt qu'on l'y voit naître…

Un Milan, de son nid antique possesseur,
Etant pris vif par un Chasseur,
D'en faire au Prince un don cet homme se propose.
La rareté du fait donnait prix à la chose.
L'Oiseau, par le Chasseur humblement présenté,
Si ce conte n'est apocryphe,
Va tout droit imprimer sa griffe
Sur le nez de Sa Majesté.
Quoi! sur le nez du Roi ? Du Roi même en personne.
Il n'avait donc alors ni sceptre ni couronne ?
Quand il en aurait eu, ç'aurait été tout un :
Le nez royal fut pris comme un nez du commun.… ”

Pas de doute, Jean de La Fontaine, dans cette fable parue en 1693, se moque ouvertement du Roi-Soleil qui a exilé le Grand Conti à Chantilly. Quelques années plus tard, en 1699, le Grand Conti s'installe à Issy dans le château, dont il reste quelques vestiges au pied du Musée français de la carte à jouer. Mais Jean de La Fontaine ne lui rendra pas visite. Il est mort quatre ans plus tôt !
PCB
Fac similé d'un des très rares autographes de Jean de La Fontaine. © XDR

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