25 avril 2020

La reine Margot… à son bureau

Encore de la lecture… mais quelques dizaines d'années avant Jean de La Fontaine. Marguerite de Valois, la célèbre reine Margot, propriétaire d'une magnifique propriété à Issy, non seulement était "aux fourneaux", comme on l'a vu il y a quelques jours, mais aussi à son bureau !


Marguerite vers 1590. © XDR
Intellectuelle, auteur, mécène, elle fréquente dans les années 1570 l'Académie du Palais créée par son frère Henri III. Puis, elle fait de Nérac (dans l'actuel Lot-et-Garonne) un foyer artistique et littéraire. On y croise même Montaigne. C'est, comme le racontera plus tard le duc de Sully, ministre d'Henri IV, « un temps douce et plaisante ; car on n’y parlait que d’amour, et des plaisirs et passe-temps qui en dépendent ».

Ses années de confinement à Usson
Confinée à Usson, en Auvergne, pendant près de vingt ans, de 1586 à 1605, sur ordre d'abord de sa mère et de son frère Henri III, puis de son époux Henri IV (pour des questions d'ordre politique), elle en profite pour lire… comme vous, qui êtes aujourd'hui, confiné :
« Ayant passé le temps de ma captivité au plaisir de la lecture, où je commençay lors à me plaire ; n’ayant cette obligation à la fortune, mais plustost à la providence divine, qui dès lors commença à me produire un si bon remede pour le soulagement des ennuis qui m’estoient preparez à l’advenir ».

Elle se met aussi à écrire ses Mémoires, avec l'aide de l'écrivain-abbé Brantôme (ci-dessous), qui en parle ainsi : « elle estoit fort curieuse de recouvrer tous les beaux livres nouveaux qui se composoient tant en lettres sainctes qu’humaines "; il ajoute : "elle sçait bien parler, elle sçait autant bien escripre… ».

L'abbé Brantôme. © XDR

Ces Mémoires aristocratiques, publié en 1628, auront un succès fou. Elle y raconte entre autres son mariage le 28 août 1572 avec le roi de Navarre, futur Henri IV : "Lui et sa troupe en habits très riches et beaux… et moi habillée à la royale avec la couronne et le corset moucheté d'hermines… "

Paris-Issy
Rentrée à Paris en 1605, elle s'installe à Issy l'année suivante, fuyant l'épidémie de peste parisienne. Dans cette grande propriété (à l'emplacement du Séminaire Saint-Sulpice), elle dessine le parc, fait installer des statues, se fait construire une nymphée (toujours en l'état). Elle reçoit beaucoup, organise des ballets, tient des salons champêtres et passe du temps à lire.

Nul doute qu'il devait y avoir dans sa demeure, comme dans toutes celles qu'elle a occupées, une bibliothèque. Ce meuble apparaît au XVIIe siècle et, surtout se développe au XVIIIe. Avec l'invention de l'imprimerie par Johan Gutenberg, vers 1440, le nombre de livres, en effet, se multiplie. Il faut donc prévoir un endroit pour les ranger, facile d'accès. A l'origine les ouvrages précieux étaient conservés dans des coffres.

Inventaire de sa bibliothèque

Deux inventaires ont été réalisés, l'un de son vivant en 1608, l’autre dressé le 27 mars 1615, après son décès, en vue de la vente aux enchères de ses livres. Ce dernier recense 281 ouvrages, d'une grande variété d'auteurs grecs, latins, français, italiens et espagnols (les auteurs antiques ou étrangers étant le plus souvent en traduction française). La majorité était reliée. Certains sont conservés à la Bibliothèque de Pau, à la Bibliothèque de la Sorbonne, d'autres à la Pierpont Morgan Library de New York, d'autres encore chez des particuliers.

Parmi les ouvrages de sa bibliothèque :
Dante, La comédie de l’Enfer, du Purgatoire, Paris, 1597 - maroquin havane (ci-dessus) ; Platon, La République, Paris 1600  ; Ovide ; Tite-Live…

Alors, en ces temps confinés, retournons dans les rayonnages de notre bibliothèque et relisons quelques-uns de nos livres préférés. Un grand merci à Gutenberg et son invention ! PCB 

Gutenberg, statue de P.-J. David, à Strasbourg. Sur
la plaquette qu'il tient, ces mots " Et la lumière fut"
© A. Bétry

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