11 juin 2014

Juin 1940 : l'armée française en déroute. Une Isséenne témoigne

Alors que l'on vient de célébrer le 70e anniversaire du Débarquement des Alliés en Normandie, revenons quatre ans en arrière, à Issy-les-Moulineaux.

Fanny-Blanche Rimette, femme à la personnalité attachante, se révèle dans ses lettres à l’écriture irréprochable. Son jugement est fort intéressant dans la description des heures douloureuses de 1940.
Bien qu’ayant réussi le brevet de capacité de l’Enseignement primaire, elle n’exerce pas et vient, avec son mari médecin, à Issy-les-Moulineux en 1919. Elle habite rue Renan tout près de l’hôpital des Petits-Ménages [Corentin Celton] et de l’hospice Devillas [avant le nouveau bâtiment de l’hôpital sur la rue].


Route suivie par la 6e armée allemande, du 10 mai au 26 juin 1940. © XDR

Trois de ses lettres en date de juin 1940 permettent de suivre l’accablement des esprits au fur et à mesure de la progression de l’armée allemande.

1° - Samedi 8 juin - Fanny-Blanche Rimette se trouve à Mortrée près d’Argentan, non loin des collines du Perche.
« Notre pauvre Capitale et sa banlieue ont assez souffert…J’ai reçu une lettre d’Antoinette [une amie] qui a été à Issy, lundi [le 3], après le bombardement. Chez ns [nous], rien de grave. Deux carreaux cassés seulement. Mais chez le pharmacien (au 44) et le café du coin devant le métro, assez de dégâts.Il est certain que le 38 bis est assez mal placé, étant très proche à vol d’oiseau du Ministère de l’Air. La lettre d’Antoinette a été ouverte et la censure a supprimé qq mots …».

La pharmacie et le café existent toujours. La station de métro qui date de 1934 s’appelle alors les Petits-Ménages et ce, jusqu’en 1945. Ce quartier n’est qu’à 600 mètres à vol d’oiseau du Ministère de l’Air et guère plus éloigné du futur Ministère de la Défense entre le Parc des Expositions, Porte de Versailles et la Seine.
Cela fait presque un mois que l’offensive allemande a commencé le 10 mai (voir carte) dans les Ardennes déjouant les plans français en ignorant souverainement la Ligne Maginot. C’est le Blietzkrieg, la guerre-éclair contre la guerre de position. Pays-Bas et Belgique sont envahis et ont capitulé ; la poche de Dunkerque est résorbée et les troupes allemandes entament leur descente vers Paris. En effet, depuis le 5 juin a commencé « la bataille de France ».

12 juin (verso, à gauche) : « La TSF [télégraphie sans fil = la radio] continue à nous donner régulièrement +- les communiqués. Ns savons donc que le gouvernement est qq [quelque] part en France, tout comme en 1914… Puissions-nous avoir bientôt une autre bataille de la Marne qui sauvera Paris !!… Voici encore notre pauvre Nord envahi. Le communiqué de 4h1/2 parle de Compiègne… Ces monstres comme ils sont forts ! Malgré tout, notre armée est si vaillante qu’il est impossible qu’elle ne prenne pas sa revanche à un moment donné !?… On garde confiance et courage…, tout en ayant les « nerfs en pelote » tant les jours que nous vivons sont angoissants et graves ».

Le gouvernement dirigé par Paul Reynaud a fui vers Bordeaux ; de nombreux réfugiés sont sur les routes, suivis et parfois même, dépassés par des troupes allemande motorisées. L’allusion à Compiègne annonce l’ouverture de négociations entre les belligérants.


15 juin - « Quelle semaine !!…C’est un calvaire que ns gravissons jour par jour… Les Boches passent maintenant Paris… Peut-on le croire ? ?… Depuis 8 jours, nous n’avons plus de courrier. Le télégraphe est supprimé aussi depuis 2 jours […]. Physiquem[ent] chacun se maintient moralem[ent] Dieu sait si on souffre ! Ne sachant pas où aller l’essence étant supprimée, le chemin de fer aussi , ns ne ns séparons pas et ns resterons ici ts [tous] ensemble . Partir, courir les routes à pieds avec seulem[ent] l’essentiel, c’est impossible ! ! Et où coucher ? Sur les routes, sur la paille sans espérer un lit pour se reposer sans même peut-être trouver de quoi manger puisqu’on nous dit et c’est compréhensiblehélas !!… que ts les départements sont surchargés de bouches à nourrir ».

Depuis la veille, donc le 14, Paris est déclaré « ville ouverte ». Cela permet aux Allemands, les « Boches », de parcourir la capitale sans livrer bataille et de défiler tranquillement sur les Champs-Elysées (photo ci-dessous). Le maréchal Pétain devient président du Conseil le 16 juin en remplacement de Paul Reynaud. Le général de Gaulle lance son appel de Londres le 18 juin mais le gouvernement français souhaite la paix et la fin de l’exode


Les Allemands défilent aux Champs-Élysées, tous les jours
à partir du 14 juin 1940. Ph. XDR

L’armistice est signé le 22 juin à Rethondes dans le wagon utilisé le 11 novembre 1918. Hitler, qui tient là sa revanche, transfère le fameux wagon à Berlin (où il fut détruit en 1945). La France est coupée par la ligne de démarcation et tout le littoral maritime de la mer du Nord au golfe de Gascogne est investi par les Allemands.
Le gouvernement français se réfugie à Vichy en zone non-occupée. Le 10 juillet, Pétain reçoit les pleins pouvoirs des parlementaires à l’exception de 80 d’entre eux. Il fonde un nouveau régime, « le régime de Vichy ».
En septembre 1940, Fanny-Blanche Rimette s’éteint à Issy-les-Moulineaux alors en zone occupée.
P. Maestracci

Vous pourrez découvrir tout au long de l'été les chroniques de Pascale sur la Libération. A suivre donc !

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