14 novembre 2019

L'après Grande Guerre à Issy - épisode 3 - l'aviation

Et l'industrie aéronautique ? Quel impact a eu la guerre ? 
Le berceau de l'aviation résistera-t-il à la paix ?

Lorsqu’elle éclate, la guerre de 1914-1918 donne un véritable coup de fouet à l’industrie aéronautique, tout juste sortie de sa phase expérimentale. Pour faire face aux besoins des armées française et alliées - qui ne s’intéressent vraiment à l’aviation que depuis peu de temps -, les avionneurs doivent passer à la fabrication industrielle et adopter un rythme de production effréné : en 1918, ce sont 4000 appareils qui sortent de leurs ateliers et envahissent le Champ de Manœuvres, assez vite abandonné par l’Armée (ci-dessous).

Les hangars à dirigeables du Champ de Manœuvres.

Un terrain trop petit
Mais, simultanément, le Champ de Manœuvres perd le rôle privilégié qu’il a jusqu’alors partagé avec quelques autres terrains (Buc, Reims …). Le nombre grandissant des appareils, les progrès phénoménaux des performances (vitesses, poids, etc.) génèrent en effet un accroissement des besoins en espace et en infrastructure. Or le terrain d’Issy – qui n’est originellement qu’un champ de manœuvres militaires, et non un aéroport - ne peut satisfaire à ces nouvelles exigences, d’autant que sa situation géographique, en milieu urbain, et les conditions météorologiques – brumes fréquentes dans la plaine en bordure de Seine – gênent indubitablement les vols. Il connaît donc un déclin rapide au profit d’autres sites de la région parisienne, comme Villacoublay et Le Bourget. Dès 1919, il ne figure plus sur la liste des aérodromes autorisés.
De plus, comme pour toute l’industrie militaire, la fin des hostilités entraîne évidemment une chute vertigineuse des commandes de l’État et par voie de conséquence un net ralentissement des activités aéronautiques. La grande aventure est bien terminée !

Prouesses de pilotes
Certes tout ne disparaît pas et, sur le terrain devenu base d’essai et de livraison pour les avionneurs voisins, une certaine animation continue à régner autour des nécessaires entretien et révision des appareils, ainsi que des entraînements sur les prototypes. Les pilotes sont encore nombreux à fréquenter le lieu de leurs premières prouesses.

La baronne de La Roche.
Quelques records sont même battus par les plus intrépides, records d’altitude principalement : 9520 m. sur un biplan Nieuport le 14 juin 1919. Au début du même mois de juin, Élise Deroche, plus connue sous le nom de baronne Raymonde de Laroche (ci-contre), s’approprie à son tour le record féminin avec des hauteurs successives de 3900 m, puis 4800 m. (elle mourra un mois plus tard au cours d’un vol en baie de Somme).
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Le 13 janvier 1919 est par ailleurs resté célèbre pour une performance originale : c’est en partant d’Issy que Jules Védrines – qui s’est entraîné pendant quelques jours à atterrir dans un carré d’une vingtaine de mètres – se pose sur la terrasse des Galeries Lafayette.
Enfin, autre fait marquant et caractéristique, c’est à Issy que sont entreposés les principaux éléments des « Collections de l’Aéronautique » montrés lors de l’Exposition internationale de Locomotion aérienne (19 décembre 1919 – 4 janvier 1920), en attendant leur installation définitive dans le premier Musée de l’Air à Chalais-Meudon. 

Les grands avionneurs
Ils ne peuvent que suivre ces mutations. Ils vont s’y adapter en empruntant chacun sa propre voie.

La « Société des Aéroplanes Voisin » avait fabriqué l’appareil qui avait été remporté la première victoire aérienne de la guerre, exploit dont le retentissement avait assis la réputation de la firme. Pourtant à la fin des hostilités, Gabriel Voisin se résout assez facilement à abandonner l’aéronautique – qui, à ses yeux, a causé la mort de beaucoup trop d’hommes. Après un essai de reconversion dans la réalisation de maisons préfabriquées, il achète un prototype de voiture et se réoriente vers la construction automobile. C’est le début d’une des plus brillantes marques françaises dont le palmarès n’a rien à envier à celui obtenu dans l’aviation.

Les Établissements Nieuport, qui s’étaient installés à Issy-les-Moulineaux juste avant la guerre et avaient conçu un petit avion, le Bébé Nieuport, au succès considérable pendant toute la durée du conflit, parviennent quant à eux à se maintenir dans la construction aéronautique militaire : c’est en effet un de leurs appareils (le type 29 C 1) qui a été adopté par le gouvernement français et quelques gouvernements étrangers pour leurs régiments de chasse. 

Entrée des Établissements Nieuport, boulevard Galliéni, 1984.
Ils n’en réduisent pas moins considérablement leur activité, même si en 1919, ils agrandissent leur usine en acquérant un terrain de l’autre côté de la rue Camille Desmoulins. L’année suivante, en 1920, ils fusionneront avec le constructeur de dirigeables Astra pour former la Société Anonyme Nieuport-Astra Sur la photo ci-dessus, prise en 1984, de l'entrée des Établissements Nieuport, boulevard Gallieni, on remarque le « N » (de Nieuport) au centre de la grille de fenêtre à droite.

En 1915, les frères Caudron, répondant à la demande des autorités militaires, avaient construit une nouvelle et vaste usine à Issy-les-Moulineaux (9000 m2, 1300 ouvriers). La guerre terminée, et après une éphémère tentative de reconversion dans la production de véhicules utilitaires (tombereaux), elle prend la décision, audacieuse à l’époque, de se consacrer à l’aviation civile, plus particulièrement dans les secteurs du transport et de l’entrainement. Elle fait moderniser et agrandir ses ateliers et ses bureaux de la rue Guynemer (ci-dessous). Puis, en 1920, elle fusionne avec les Usines Renault (qui fabriquent des moteurs d’avion depuis 1907) et se tourne aussi vers la production des avions de course qui, par leurs performances, ne vont pas tarder à lui valoir un immense renom. Florian Goutagneux.


A suivre -  le 17 novembre, 18 h.

Les usines des frères Caudron.


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