3 novembre 2019

L'après Grande Guerre à Issy - épisode 1 - Les grands changements urbains

Pour clôturer la série Grande Guerre débutée en novembre 2014, Historim s'intéresse en ce mois de novembre 2019 à l'après-guerre à Issy-les-Moulineaux : des articles sur le site, une conférence le 21 novembre… tout cela grâce à notre Historimien Florian Goutagneux.


Le 11 novembre 1918, les armes se sont tues après quatre ans de guerre. Le 28 juin 1919, la paix est signée dans la Galerie des Glaces du château de Versailles. http://www.historim.fr/2018/11/11-novembre-1918-enfin-la-victoire.html. La Première Guerre mondiale s’achève sur le plan national sur un incontestable appauvrissement pour le pays et la société. De tous les grands belligérants, la France est celui qui a proportionnellement subi les dommages les plus lourds. L’ampleur des destructions et l’hécatombe des combats l’ont atteinte dans sa vitalité, dans son dynamisme même et, dans les années qui suivent, elle va peiner à retrouver sa prospérité d'antan.

Issy, ville de "l'arrière"
Force est de constater que la situation est différente à Issy-les-Moulineaux, ville de « l’arrière » relativement peu touchée par les bombardements par exemple. Très tôt, le conflit y apparaît comme un « accident » qui n’enraye que peu une évolution bien engagée depuis le siècle précédent. Il aurait même conforté le développement de la commune sous de multiples aspects – et tout particulièrement sous celui de sa prospérité industrielle (ci-dessous). 

La Seine et l'usine électrique de l'Ouest (à gauche).
C’est en effet sur le plan démographique que les pertes se feront le plus longuement et le plus profondément ressentir. Comme en témoignent les monuments aux morts érigés dans les années suivantes, un millier d’Isséens a été tué sur le Front, auquel il faut ajouter les pertes causées par l’épidémie de grippe espagnole à la fin du conflit. Aussi la croissance démographique ne reprend-elle que doucement : en 1911, la ville comptait 6 534 familles et 23 175 habitants; dix ans plus tard, le recensement dénombre 8 760 familles et 26 102 habitants. L’augmentation de la population est donc encore relativement modeste (12 % en 10 ans). Et encore s’explique-t-elle moins par un excédent démographique naturel que par un solde migratoire positif !

L'arrivée des Arméniens
Car dans ces années, comme par le passé, de nouveaux habitants (des provinciaux attirés par l'industrialisation de la capitale) viennent en nombre s’installer sur le territoire communal, où ils feront souche ; c’est d’ailleurs de cette époque que remonte la plupart des « vieilles familles » isséeennes. Mais dans ces mouvements de population qui prennent à l’occasion des allures de raz-de-marée humain, l’immigration étrangère joue désormais un grand rôle. 

L'île Sait-Germain en 1936.
Une forte communauté arménienne notamment se fixe dans la ville - qui y gagne ainsi une de ses particularités les plus remarquables. Rescapés du génocide de 1915, les Arméniens, arrivant à Marseille, remontent en effet le Rhône et gagnent Paris afin de trouver un emploi ; puis ils refluent vers la banlieue à la recherche d’un logement. A Issy-les-Moulineaux, ils trouvent abri - dans des conditions précaires et aux côtés d’autres populations d’origine méditerranéenne (Italiens et Espagnols) - dans la partie ouest de l’Ile Saint-Germain, où ils se construisent des maisons toutes de bric et de broc (ci-dessus).

Une urbanisation accélérée
Ailleurs, dans les autres quartiers, la solution traditionnellement adoptée pour le logement (des immeubles locatifs construits par des particuliers) ne peut plus répondre à l’afflux d’une population aux revenus souvent modestes. On a donc recours au système des « Habitations à Bon Marché », ou « H. B. M. », dans lequel les pouvoirs publics, et tout particulièrement la municipalité, interviennent au tout premier plan (rues Adolphe Chérioux et Capitaine Ferber par exemple). La volonté et le souci de construire le plus vite possible et au meilleur prix donnent naissance à une architecture aux partis nouveaux : effacement des balcons et des ornements en général, apparition de plus en plus fréquente de fenêtres de cuisine et de salles d’eau en façade sur la rue par exemple. Dans ces constructions, la brique est quasi omniprésente. Seule sa couleur, plus ou moins originale, plus ou moins vive, signale le niveau de standing voulu par le promoteur, tandis que la « brique terne », la plus courante, est typique des logements modestes, majoritaires dans une cité principalement ouvrière.   

Éclairage public. 
L’urbanisation en cours s’accélère plus particulièrement aux environs du Fort où les terrains sont restés pour ainsi dire « gelés » jusqu’à la levée des servitudes militaires par les lois des 19 avril 1919 et 14 août 1926 (interdiction de construire dans une largeur de 200 m. autour des fortifications : la fameuse zone dite « non aedificandi »). Les premiers habitants s’y sont d’abord installés de façon plutôt anarchique ; mais la municipalité de Justin Oudin décide de saisir l’opportunité qui s’offre pour prendre en mains de façon plus globale les destinées urbaines d’Issy-les-Moulineaux. 
Ainsi, alors qu’une série de voies sont tracées autour du Fort (les rues Verdi, Émile Duployé, Benoît Malon, Rabelais, Tolstoï …), la démarche municipale s’oriente vers une prise en compte urbanistique complète, dans tous ses aspects : viabilité (égout, eau, gaz), équipements socio-éducatifs et sportifs, éclairage public (ci-dessus) – qui est encore un symbole de la modernité.  Le paysage urbain se transforme radicalement.

"L'annexion de la zone militaire"
La loi du 19 avril 1919 n’a toutefois pas que des effets bénéfiques sur l’évolution d’Issy-les-Moulineaux. Elle porte en effet, comme son titre l’indique, sur le « déclassement de l’enceinte fortifiée de Paris et l’annexion de la zone militaire » ! Elle fournit ainsi aux autorités parisiennes un prétexte pour s’emparer à bon compte du Champ de Manœuvres (ci-dessous) et de la zone non aedificandi autour de l’enceinte de Paris, soit 90 ha au total.  Issy-les-Moulineaux voit donc sa superficie se réduire de façon définitive à 425 ha !  Florian Goutagneux
                      A suivre - Épisode 2 le 8 novembre, 18 h.

Le Champ de Manœuvres, témoin de grands exploits,
comme le premier kilomètre en circuit fermé de Henri Farman,
le 13 janvier 1908. © Musée français de la carte à jouer.

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