3 janvier 2012

4 janvier 1789, Talleyrand est consacré évêque à Issy

© XDR
Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord naît à Paris en février 1754 dans une famille de haute noblesse rue Garancière (6e arr.). Il est baptisé dans l’église toute proche de Saint-Sulpice. Aîné de la famille, il ne peut pourtant bénéficier du droit d’aînesse en raison d’une malformation congénitale du pied droit. Un soulier orthopédique conservé au château de Valencay, dans le Berry, permet de mesurer l’ampleur du handicap. Comme la carrière militaire lui est également fermée, il ne reste à Charles-Maurice que l’entrée dans l’Eglise, sans aucune vocation. Après des études au collège d’Harcourt, proche de la Sorbonne, il intègre à 15 ans le séminaire sulpicien rémois chez son oncle et protecteur qui a lui-même étudié chez les Sulpiciens de Paris. Cet oncle, archevêque de Reims, est le premier pair ecclésiastique du royaume. Grâce à lui, Charles-Maurice entre au grand séminaire parisien de Saint-Sulpice et y étudie de 1770 à 1774. Ce bâtiment qui était situé près de l’église, détruit sous le Consulat, fut remplacé depuis par une place et la fontaine monumentale des Quatre évêques, surnommée fontaine des Point [sic] Cardinaux. Talleyrand est ordonné prêtre en 1779 dans l’archevêché de Reims.
En novembre 1788, il est nommé évêque d’Autun en Bourgogne ; une bulle pontificale le confirme peu après en décembre. Et, le 4 janvier 1789, il est consacré évêque par Louis-André de Grimaldi, évêque de Noyon, dans la chapelle du Saint-Sauveur  de la Solitude, lieu de retraite rattaché au Séminaire Saint-Sulpice d'Issy (voir Patrimoine). 

Le Séminaire aujourd'hui. La chapelle Saint-Sauveur se trouvait à l'extrême-gauche. © A. Bétry

Un manuscrit (non coté), conservé aux archives de Saint-Sulpice, relate l'événement. « En 1789, le 4 janvier, le sacre de Mgr l’évêque d’Autun dans la chapelle du Saint-Sauveur, à Issy. Cette chapelle est étroite […] Le froid était au 14e degré du thermaumettre [sic]. On ôta de la chapelle les prie-Dieu, les coffres, chaises et fauteuils. Les deux crédences furent placées dans les coins du mur, le petit autel dans le coin à main gauche : il tenait une partie de la fenêtre. On ne put enlever les portes, ce qui est un inconvénient considérable. Elles ne tenaient qu’avec des clous et il était à craindre qu’on ne cassa le bois. Le poêle avait été allumé la veille. On y avait mis du bois pour l’entretenir pendant la nuit. On mit encore du bois le matin. On avait laissé les portes de la chapelle ouvertes afin que la chaleur se communique partout. On mit une tapisserie dans le corridor sur la porte qui donne dans la chapelle. Le maître des cérémonies fit de son mieux pour éviter la confusion : en quoi il ne réussit pas toujours. A la fin de la cérémonie, il engagea toutes les personnes qui étaient dans la chapelle et à la porte de se ranger tout autour de la salle pour la procession, afin que le prélat eut quelqu’un à qui il put donner la bénédiction […] ».

Député du clergé aux Etats Généraux, Talleyrand se rallie à la Révolution. Il est l’un des rares évêques à reconnaître la Constitution civile du clergé. De plus, il célèbre, sans rire comme il le craignait, la messe de la Fête de la Fédération sur le Champ-de-Mars le 14 juillet 1790 (à l’origine de la Fête nationale !) en présence de la famille royale, de La Fayette et de Français enthousiastes, malgré le mauvais temps. Par prudence ensuite, sous la Terreur, il s’exile aux États-Unis puis revient sous le Directoire. Il est successivement ministre des Relations Extérieures de Barras (1797-1799) puis de Bonaparte/Napoléon 1er (1799 à 1807). Grand Chambellan de l’empereur, il est peint en spectateur ironique par David sur le tableau du Sacre du 2 décembre 1804. Il devient prince de Bénévent (Italie du sud) avant de subir disgrâce et insultes impériales pour cause de fidélité plus que relative.

Il se rallie à Louis XVIII en 1814 ; Chateaubriand le voyant alors passer au bras de Fouché, associe le « vice » au « crime » dans une formule célèbre. Talleyrand est un éblouissant ministre des Affaires Étrangères au Congrès de Vienne en 1814 et en 1815 après les Cent-Jours qui avaient rendu délicate la position de la France face à ses vainqueurs. Le roi Louis XVIII le nomme prince de Talleyrand et en fait comme Napoléon 1er, son Grand Chambellan. Maintenu à cette fonction par Charles X, il intrigue pourtant en 1830 en faveur du duc d’Orléans qui devient, en grande partie grâce à lui, le roi Louis-Philippe 1er. De 1830 à 1834, Talleyrand est ambassadeur à Londres. Il meurt dans son hôtel rue Saint-Florentin (actuel consulat des États-Unis) à Paris le 17 mai 1838, muni des sacrements de l’Église dispensés par l’abbé Dupanloup. Il est enterré à Valencay.

Article suggéré par une adhérente d’Historim que je remercie pour m’avoir remise sur la voie du « Diable boiteux » ainsi que le père Charles Bonnet pour ses précieuses précisions historiques. P. Maestracci

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