12 novembre 2014

Journal de Pierre Brengou - Dardanelles - suite (Grande Guerre - saison 1)

© A. Bétry
Continuons la lecture du journal de notre poilu. Il est toujours aux Dardanelles en cette fin d'année 1915.Le 8 décembre, il est passé dans le 7e compagnie sénégalaise, en tant que caporal.

10 décembre : « On reçoit 7 ou 8 gros obus de la côte d’Asie dont un fait un grand trou à 3 ou 4 mètres de nous qui étions en train de toucher des képis neufs, sans blesser personne ; un autre perce une demi-douzaine de muids de vin… ».
Un muids a une contenance de 274 litres à Paris et 270 en province. Plus de 1600 litres de vin !

14 décembre : « On voit très bien l’obus pesant 160K sortir du canon, on peut le suivre des yeux quelques secondes ».

24 décembre : « On peut fêter un peu la veille de Noël ; c’est rare. Une bouteille à 2F,20 de samos blanc chacun. J’ai assisté à la messe de Noël ».
Le vin de samos est un vin doux ; c’est un vin de fête. Il provient de l’île grecque de Samos proche du littoral turc, plus au sud par rapport aux Dardanelles.

25 décembre : Pierre Brengou décrit « un taube qui lance une bombe sur le camp des Hindous ».
Rappelons qu’un Taube est un avion de chasse allemand. Les Britanniques ont engagé des soldats de leur empire colonial venant des Indes, comme les Français les Sénégalais que côtoie Pierre dans sa compagnie.

31 décembre : « Matin : exercice. Soir : marche de quelques kilomètres. Je reçois un colis de ma sœur ».

1er janvier 1916 : « A minuit pendant une demi-heure on entend toutes les sirènes des navires en rade qui fonctionnent pour fêter le nouvel an. Triste premier de l’an. Matin : pluie. Repos tout le jour ».

6 janvier : changement d’affectation et traversée. « Vers les 7 h, on rentre dans la baie de Mytilène… à gauche, on a des grandes usines ».

7 janvier : « On est dans un pays excessivement montagneux mais toute l’île est recouverte d’oliviers, du pied à la tête des montagnes. C’est à peu près la seule production du pays avec les figuiers ».
Ce jour-là, les Alliés arrêtent les consuls d’Allemagne et d’Autriche.

11 janvier : vaccination anti-variolique.

Progression des Alliés vers Constantinople
(Le Miroir, 16 mai 1915).
L’optimisme manifesté au printemps n’est plus de mise quelques mois plus tard, 
lorsque Pierre écrit son Journal la résistance turque a été sous-estimée. Constantinople est l’ancien nom de Byzance pris par les turcs en 1453 et depuis rebaptisé Istanbul.

12 janvier : « On apprend que les Anglais ont évacué la presqu’île de Gallipoli en sacrifiant une quantité de chevaux, canons et des autos qu’on a envoyées à la mer du haut d’une falaise ».
Après l’échec de l’opération navale, c’est celui de l’opération terrestre commencée en avril 1915 et arrêtée le 8 janvier 1916. Le rembarquement des troupes a commencé dès le mois de décembre. Les détroits restent fermés aux Alliés qui ne réussissent pas leur jonction avec l’allié russe.

22 janvier : « Distribution de paillasses, une par homme et un sac de couchage pour deux (un par Européen) et du crin végétal pour les paillasses ».
Il y a donc une discrimination au sein d’une même unité entre Sénégalais et Français.

24 janvier : « Les tirailleurs trouvant qu’on les faisait trop travailler ont fait une sorte de révolte… L’effervescence a été calmée et il n’y a pas eu de suites ».

6 février : « On est bien nourris, pas trop de travail, pas de danger, on peut se laisser vivre ». Le soulagement est perceptible après les risques permanents.

29 février : « On va monter des tentes et nettoyer l’ancien camp du 56ème pour 500 rescapés de La Provence coulée le 26 par une torpille. Ce navire de 197 mètres de long portait la 5ème comp.[compagnie] du 3ème colonial, la comp. hors rang et la comp. des mitrailleurs ».

4 mars : « Il arrive 320 rescapés de La Provence ; ils font pitié à voir à moitié nus et des figures hâves … ».

9 mars : « On est passés en revue à Mytilène par deux amiraux anglais et français ; remise de décorations. Pendant ce temps, 4 biplans et 2 monoplans alliés survolent la ville à une faible altitude ».
Mytilène, antique Lesbos, est une île grecque de la mer Égée au sud des Dardanelles et près du littoral turc.

18 mars : « Arrivée de permissionnaires. Tous ceux de ma compagnie rentrent ». 
Il s’agit d’officiers, de sous-officiers, d’un caporal et d’un infirmier.

29 mars : « à 15 h, distribution de pain, sucre, café, sel riz, bois, huile…et légumes ».

31 mars : « Départ du Colonel D*** pour la France. Je pense pas que personne le regrette ».
P. Maestracci

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