13 novembre 2015

Gabriel et Charles Voisin à Issy

Second article de notre série, la saga des frères Voisin.

Gabriel (à gauche) ; Charles (à droite). © XDR
Gabriel Voisin, né le 5 février 1880 à Belleville-sur-Saône, fait preuve dès son plus jeune âge d'une ingéniosité et d'un sens aigu de la mécanique (photo1 à gauche). Son frère Charles naît le 12 juillet 1882 à Lyon. A l'Exposition de 1900, « l'Avion » de Clément Ader est, pour Gabriel, une véritable révélation.

La société à Boulogne mais les premiers vols à Issy

Le 8 avril 1904 à Berck-Plage, Gabriel Voisin réussit des vols de 10 à 25 secondes sur un planeur qui lui est confié. Il construit ensuite son propre planeur et projette de le tester le 26 mars 1905, à Issy-les-Moulineaux. Avant son vol, un essai avec lest et sans pilote, tracté par une automobile, lui est demandé. Le planeur décolle puis se brise en plein vol. Il vient d’échapper à la mort (photo ci-dessous).

Décollage du planeur, tiré par une automobile. © XDR

Sans attendre, Gabriel lance la construction d’un nouvel aéronef monté sur deux flotteurs pour effectuer, cette fois, les essais sur la Seine afin de diminuer les risques pour le pilote. Le 8 juin 1905, tiré par le canot automobile La Rapière de Tellier, le planeur piloté par Gabriel s'envole du pont de Sèvres et effectue un vol remorqué entre 16 et 20 m d'altitude avant de se poser, à 600 m de là, près du pont de Billancourt. Après ce succès, une collaboration débute avec Blériot, dans des ateliers installés rue de la Ferme à Boulogne, mais elle sera de courte durée. 


Charles rejoint Gabriel et les deux frères créent alors la société « Les Frères Voisin-Appareils d'aviation » (ci-dessus). En mai 1907, un jeune homme aisé qui s'est fait un nom dans le sport, Henry Farman, se présente aux frères Voisin et signe avec eux, le 1er juin, un contrat en bonne et due forme pour un avion de leur fabrication équipé d'un moteur Antoinette de 50 ch et payable 12 000 francs après réussite d'un vol de réception : « Cet appareil doit faire 1 kilomètre en ligne droite; au cas contraire, M. Farman ne devra rien à M. Voisin. ». Son intention est de concourir pour le fameux prix de 50.000 francs-or offert par deux mécènes français Archdeacon et Deutsch de la Meurthe. 

Farman, le 13 janvier  1908. © XDR
Le 13 janvier 1908 au matin, un peu après 8 heures, « Monsieur Henry » décolle en quelques mètres le Voisin-Farman n° 1 bis, franchit la ligne de départ devant les contrôleurs officiels (ci-contre), vire 544 m plus loin, à la balise, avec une maîtrise absolue, et atterrit à l'emplacement même qu'il a quitté 1 mn 28 s plus tôt. Le Grand Prix est gagné et la nouvelle se répand instantanément dans Paris.
En mai 1908, ils déménagent et s'établissent au 34 quai du Point-du-Jour, toujours à Boulogne. Comme les autres constructeurs, ils utilisent un hangar-atelier au bord du terrain d’Issy. En décembre 1910, le Voisin « Militaire », biplan aux ailes non cellulaires cette fois, vole pour la première fois à Issy.

L’installation à Issy

Suite aux inondations de l'hiver 1909-1910 et aux détériorations qui en résultent dans leurs locaux, les deux frères décident de quitter Boulogne. Gabriel repère un grand terrain à Issy qui correspond parfaitement à son programme, au 36 boulevard Gambetta (aujourd’hui 6 bd des Frères Voisin), en bordure sud du champ de manœuvres. Il loue (avec promesse de vente) puis achète la moitié du terrain alors disponible pour construire l’établissement principal, l’atelier de forge et le dépôt d’hydrocarbures. (ci-dessous) Les travaux de construction avancent rapidement, malgré la défection de Charles, qui a abandonné la société en 1910, alors en plein essor, pour voyager en compagnie de la baronne de Laroche, première femme aviatrice en France le 8 mars 1910.

Les ouvriers à l'entrée des ateliers isséens. © XDR
Grâce à ce rapprochement géographique, il n'est plus besoin de déplacements longs et coûteux – avec notamment le passage acrobatique du muret d’enceinte (ci-dessous) - pour procéder aux essais en vol et aux livraisons : une fois le boulevard traversé, l'avion est sur le terrain, prêt à décoller. C'est dans ces conditions particulièrement propices que sont conçus et améliorés les Voisin « Militaire », dans le but de capter un marché dont l'enjeu se chiffre par dizaines d'appareils. Sur la lancée, Gabriel achète d’ailleurs en février 1912 la seconde partie du terrain devenue disponible.

Le passage acrobatique du muret. © XDR
Malgré le décès de Charles le 26 septembre 1912 dans un accident d'automobile, Gabriel développe l’entreprise avec les premières commandes du Voisin Militaire (35 exemplaires). Il acquiert en 1913 un nouveau terrain, cette fois en bordure est du champ de manœuvres, au 46 rue Jean-Jacques Rousseau (devenue rue Guynemer), entre la rue et le champ de manœuvres (zone des HLM de la Ville de Paris). Il y construit ce qui va devenir l’usine « annexe » avec la chaudronnerie. Les avions construits peuvent désormais accéder directement à l’aire d’essai et d’envol.

En 1913, Voisin entreprend des essais d'armement sur plusieurs prototypes dont le fameux Voisin Canon (canon de marine Hotchkiss de 37 mm pesant 100 kg et placé tout à l'avant de la nacelle centrale, ci-dessous). Le prototype est abandonné afin de consacrer la totalité des moyens de production à la série.

Le fameux Voisin Canon… jamais exploité. © XDR

La guerre

En août 1914, deux escadrilles, la V.14 et la V.21 soit 12 appareils (sur un total de vingt-six escadrilles, 132 appareils), sont équipées du bombardier Voisin, dans ses dérivés L.11 puis type III. En octobre 1914, le Voisin III est choisi pour équiper toutes les formations, compte tenu de sa robustesse et de sa puissance. Pour faire face aux demandes françaises et étrangères (Grande Bretagne, Belgique, Russie), cet avion est également construit sous licence par Breguet, Esnault-Pelterie et Nieuport). Les marchés s’accélérant, les alignements de bombardiers sont bien visibles à Issy (ci-dessous), avant d’être ensuite répartis et affectés dans les escadrilles.

Alignements de bombardiers sur le terrain d'Issy - 1914. © XDR
La première victoire aérienne française est obtenue par le pilote Frantz et le mécanicien Quenault (à droite)le 5 octobre 1914, sur cet avion, armé d’une mitrailleuse d'infanterie Hotchkiss de 8 mm, en abattant un Aviatik dans la région de Reims. 
Frantz et Quenault. © XDR
En 1915, l’usine emploie 797 personnes. Mais, fin 1915, cet avion d’observation et de bombardement, lors des grandes expéditions sur l’Allemagne, est désormais surclassé par la chasse allemande. Il passe alors au bombardement de nuit. Durant les hostilités, Gabriel Voisin produit dix-huit modèles différents d'avions. Beaucoup servent sous les cocardes de plusieurs pays alliés : Grande-Bretagne, Belgique, Italie et Russie.
En France, plus de trois mille Voisin de types divers sont construits en quatre ans pour l'Aviation militaire et l'aéronautique de la Marine nationale. Un millier d'ouvriers travaillent alors dans les usines (ci-dessous).

Dans les ateliers Voisin d'Issy. © XDR
Voisin développe aussi des bombardiers lourds, triplans, mais qui ne seront pas sélectionnés par les armées ou arriveront trop tard (ci-dessous).

Le triplan Voisin de 1915. © XDR
Dès avant l'armistice, alors que ses usines tournent à plein, Gabriel Voisin, déçu par les atermoiements de l'administration sur ses derniers projets, décide d'abandonner la construction aéronautique sitôt la guerre terminée. II envisage la construction de maisons préfabriquées économiques et confortables, destinées aux régions du Nord et de l'Est dévastées par la guerre. Mais il se heurte à l'hostilité des entrepreneurs du bâtiment et abandonne ce projet. Sans se décourager, il se lance ensuite dans la construction en série d'une voiture légère. La production est rapidement organisée et, dès novembre 1918, le premier châssis sort de son usine d'Issy-les-Moulineaux. Vingt sept mille deux cents véhicules suivront. C’est le début d’une aventure industrielle qui va rendre la marque Voisin mondialement connue.
Gabriel Voisin s'est éteint le 25 décembre 1973 à l’âge de 93 ans, à Ozenay (Saône). Jacques Primault

Vous pouvez retrouver sur notre site : 
- la baronne de La Roche

1 commentaire:

Anonyme a dit…

bonjour, très intéréssant. J'y ai appris un peu sur le 'VOISIN-CANON'.
Je suis àla recherche de la VC 116 où se trouvait mon cousin CARBUCCIA Joseph. Il disparait en combat aérien le 17 mai 1916 au cours d'une patouille.
Une photo de ce type d'appareil serait la bienvenue.
Merci