2 mai 2017

Le port d'Issy-les-Moulineaux

Alors que depuis fin 2015, les travaux vont bon train pour l'aménagement des berges et du port d'Issy, voici ce qui avait été envisagé dans les siècles passés. Et nous l'avons échappé belle ! Certes, nous avons bien subi une grande crue en 1910 (et une petite en 2016) mais si le projet de créer une rade sur la plaine de Grenelle et jusqu’à nos portes avait vu le jour, le visage de notre ville aujourd’hui ne serait pas celui que nous connaissons.

Un canal de la Manche à Paris
En fait, cette idée de rade s’inscrivait dans un projet plus vaste datant du XVIIIe siècle, celui de rendre la Seine navigable aux grands vaisseaux par l'ouverture d'un canal qui irait de la Manche – au départ de Cherbourg – à Paris, bref, de créer un vrai port aux portes de Paris. Ce projet est d’abord présenté à Louis XVI, mais il est vivement combattu par les architectes, qui le regardent comme « capable d'entraîner la ruine de la capitale par la filtration de l'eau salée à travers le terrain calcaire qui sert de base à Paris ».
Dans son  Tableau de Paris, publié en 1781 (1000 chapitres en 12 volumes !), un certain Louis Sébastien Mercier revient à plusieurs reprises sur le projet, qu’il fait partir cette fois de Dieppe.

Des projets fous sous Napoléon
Lucien Lambeau, dans son Histoire des Communes annexées à Paris en 1859 (ci-contre) écrit : « A diverses reprises, on tenta d’utiliser la plaine de Grenelle. Naudy Perronnet soumit à Napoléon 1er un projet pour transformer la plaine en une rade - ou naumachie - pour la manœuvre de navires destinés aux élèves d’une école polytechnique à créer ». Cette proposition, qui aurait pour effet d’inonder la plaine de Grenelle et le bas d’Issy (voir ci-dessous le plan dessiné par Girardet et lithographié par Joumatz) s’inscrit dans un autre projet d’urbanisme, qui lui non plus ne verra jamais le jour, celui d’une « cité Impériale » bâtie sur la colline de Chaillot.


Le comte de Las Cases, dans le tome IV du Mémorial de Sainte-Hélène, s’attribue l’idée, écrivant « qu'il présenta à Napoléon, en 1811, un plan pour transformer le Champ de Mars en une naumachie qui eût servi d'ornement au Palais du roi de Rome, et qu'on aurait creusée suffisamment pour recevoir de petites corvettes destinées à l'instruction d'une école de marine installée à l'École militaire » (tableau ci-dessous).


Mais Naudy Perronnet revendique l’idée dans un ouvrage publié en 1825, précisant l'avoir proposée lui-même à l’empereur en 1812, avec cette seule différence qu'il établissait sa rade ou son bassin dans les plaines de Grenelle, de Vaugirard et d’Issy. Napoléon aurait répondu : « L’idée est bonne et l’intention excellente, mais il faut que cela passe par les mains de maîtres expérimentés ». Une belle façon d’enterrer le projet.

Paris, port de mer
En 1825, sous l’impulsion du baron Charles Dupin, polytechnicien et ingénieur naval, une brochure intitulée Paris port de mer a pour but de démontrer, à nouveau, l’intérêt du projet, s’agissant cette fois d’un canal destiné à permettre à des navires de 800 tonneaux de rejoindre Paris.

En 1865, sans doute portée par le percement du canal de Suez, l’idée d’un tel chantier ressurgit à la parution d’un livre de Victor Fournel écrivain, journaliste et historien, intitulé Paris nouveau et Paris futur (ci-contre). Sans doute excellent historien – aujourd’hui oublié - mais moins habile pour prédire l’avenir, il écrit : « Ce projet, qui pouvait jadis paraître une utopie, est tombé aujourd'hui dans le domaine des gens pratiques, et il est probable qu'il ne se passera pas bien longtemps avant qu'il s'exécute. »

Mais déjà fin XIXe, il est évident qu’un tel projet d’urbanisme n’est plus réalisable sur les plaines de Grenelle, de Vaugirard et d’Issy, accueillant désormais de nombreuses entreprises, des logements, une usine électrique et la voie ferrée Paris-Versailles. Toutefois, l’idée d’un port à l’ouest de Paris sera reprise après la Première guerre mondiale, pour être implanté cette fois à Gennevilliers, dans une zone encore très agricole.

Ouf !
Si le projet de Mercier avait vu le jour à Issy fin XVIIIe, inondant la plaine entre la Seine et l’axe actuel Renan-Leclerc-Cresson, l’histoire de la ville en eût été changée : pas de passé industriel (l’usine Gévelot, la Blanchisserie de Grenelle, la biscuiterie Guillout, Ripolin, les usines d’aviation…et les sièges sociaux d’aujourd’hui), la ligne de chemin de fer Paris-Versailles devant trouver un autre chemin, le périphérique construit sur pilotis, et, surtout, l’histoire de l’aviation française ne prenant pas son envol à Issy ! Jacques Primault






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