20 juin 2011

La campagne d'Italie d'une Isséenne

Odile Keller,  épouse Cadier, Isséenne depuis plusieurs années, s'est illustrée pendant la Deuxième Guerre mondiale, en participant à la campagne d'Italie, au débarquement en Provence, jusqu'au nid d'aigle de Hitler à Berchtesgaden.

Odile, à Issy, le 4 juin 2011.
© A. Bétry.
 En 1914, mon père possédait une imprimerie à Mulhouse et, après son service militaire obligatoire effectué chez l’occupant, l’Alsace étant allemande à l’époque, il déserte et rejoint la Bretagne où il fait la connaissance de ma mère. Ils s’y marient en 1919 et  rejoignent Mulhouse, où je suis née en 1922. Expulsés de notre Alsace toujours occupée, mes parents et leurs cinq enfants font une étape dans le Gers dans l’espoir d’un travail pour faire vivre la nombreuse famille Keller. Une proposition de poste d’enseignants en Afrique du Nord se présente. En septembre 1942, nous partons à Alger, deux mois avant le débarquement américain du 8 novembre. J’avais vingt ans. Encore mineure, je demande à mon père l’autorisation de postuler pour entrer dans l’armée. Je signe un engagement en 1942 pour la durée de la guerre. Après une formation militaire de base, on m’enseigne le morse et je deviens transmetteuse.  
On me propose alors de partir en Italie. C’est ainsi que, dans les transmissions, comme d’autres femmes sont ambulancières, infirmières… je fais la campagne d’Italie de cette belle armée d’Afrique, si chère à mon cœur ; notre grand chef est le maréchal Juin, le groupement français s’appelle le CEF (Corps expéditionnaire français). Nous sommes mis au secret jusqu'au jour où l'on nous embarque à destination de Naples.

Odile, 2e, au 1er rang, à bord du Worcestershire, le 15 août 1944,
en route vers Cogolin.
La campagne d’Italie se révèle très sportive, bien que nous ne sommes pas exposées au combat en première ligne. L’hiver est rude mais nous nous sommes bien protégées et équipées car, sur le front, il y aura des pieds gelés et beaucoup de souffrance. La campagne d’Italie n’a rien à voir avec la campagne de France, car la nature y est sauvage. Et grâce aux Africains, aux Tunisiens, aux Marocains, à toutes ces unités équipées de mulets, le combat de montagne a pu être mené par le CEF seul. Le général Juin chapote toute la troupe française, et les Allemands vont craindre beaucoup plus les Français et leurs mulets, plus aptes à s’adapter au terrain, que les Américains équipés de matériel encombrant. Après Cassino, Rome où nous avons été reçu par le pape Pie XII, Sienne et Florence, la campagne est pratiquement terminé et nous sommes fiers d’avoir gagné cette bataille. Jusqu’à Tarente nous sommes ensuite redescendus, embarqués à bord de gros navires pour une destination inconnue. L’imagination nous fait voyager vers la Yougoslavie… la Grèce. Puis, la veille de débarquer, nous apprenons qu’il s’agit de la Provence. Il fallait préserver le secret ! Je  débarque à Cogolin le 15 août 1944, près de la forêt avec la troupe, je suis en compagnie d'une petite jeune fille de Besançon.  


Le bord du lac de Constance pavoisé aux couleurs
 françaises et américaines, en 1945.
 Nous suivons toute la montée vers le Rhin. Nous avons eu la connaissance du débarquement du 6 juin en Normandie alors que nous étions en Italie. La campagne de France a été plus rapide sauf dans la région de Belfort et en Alsace où les accrochages avec l’ennemi seront sévères. La traversée du Rhin se révèle extraordinaire. Puis Constance, Sigmaringen, Berchtesgaden
 Avec le grade d’adjudant-chef, je suis démobilisée en 1945 en Alsace, où je retrouve mes parents.

Un jour, début 1946, le mari de ma sœur aînée m’envoie une coupure de presse présentant un nouveau métier, celui d’hôtesse de l’air. C’est l’époque où la France redémarre et les emplois sont nombreux. Je postule donc et suis prise chez Air France. Nous sommes les première hôtesses de l’air, à Orly à l’époque des baraquements en bois. Je vais voler sur DC 3, Dewoitine, Constellation sur longs courriers vers les USA. 

  
Et voilà que sur un vol Paris-Alger à bord d'un DC 4, je fais la connaissance de René, ancien des FAFL (Forces aériennes de la France libre) qui, originaire de Pau dans les Pyrénées, avait, via une brève incarcération en Espagne, rejoint Londres. Déjà titulaire de plusieurs heures de vol, il devient pilote de la RAF (Royal Air Force). Démobilisé, lui aussi en 1945, il parfait sa formation aérienne au Canada et, de retour en France, devient pilote à Air France. Le beau René, de famille protestante (le père, l’oncle et un cousin sont pasteurs), doit  batailler… car ma famille, cocktail alsacien-breton, est profondément enracinée catholique. Les hôtesses d'Air France ne peuvent, à l’époque, être mariées, et je dois démissionner de la compagnie après deux années de fonction. Nous nous marions et nous aurons trois enfants, dont la plus jeune, Caroline, a été hôtesse à Air France durant quinze ans comme chef de cabine sur le Concorde.

Odile, seule depuis trois ans, réside à Issy-les-Moulineaux depuis 1999. Texte A.B. Photos coll. particulière.

 












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