10 novembre 2022

11 novembre 1918 - Lettre de Francis Le Galle à ses proches

 
Cette lettre de deux pages a été confiée à Historim par l’Isséenne Françoise Barouch-Porzier, en hommage à son arrière-grand-père breton, Francis Le Galle, un soldat qui a combattu pendant la Première Guerre mondiale. Un grand merci pour cet 
émouvant témoignage.

 Autoportrait. Francis porte la tenue bleu horizon et le casque.
Il se dessine en train de fumer… un cigare américain !

Il écrit le jour de l’armistice d’abord à « Ma chère Louloute [sa fille]… la guerre est finie pour de bon cette fois-ci et Tonton Charles [son beau-frère] plus heureux que moi cette fois-ci se trouve au milieu de sa petite famille pour célébrer la fin. Quant à moi, je suis malheureusement loin, très loin de vous tous. Alors je fume un gros cigare américain à Tonton Joseph [autre beau-frère] puisque c’est tout ce que je peux m’offrir en ce pays perdu où je suis car pour le moment il n’y a pas de pinard [du vin, argot militaire]… Ce soir il y a un feu d’artifice et bal à l’occasion de l’armistice,. seulement comme il y a du brouillard on ne voit pas grand chose. A Brest vous devez tous trinquer à la victoire finale sur l’ennemi. Je t’envoie un dessin approximatif de ce que ça doit être… Les sales Boches [Allemands, terme péjoratif] ont bien pris la purge. Moi je suis à Marle [ville de l’Aisne entre Laon et Vervins]…  » 

Il écrit ensuite au verso de la lettre à ses beaux-parents : « Notre pays va redevenir français…Quel dommage que cela coûte si cher en hommes et en argent… Les derniers jours ont été durs et assez risqués. Maintenant les Boches sont occupés à enlever les mines qu’ils avaient posées… Chacune de leur mine contient environ 800 kg de cheddite [chlorate de potassium]… Je pense qu’on ne tardera pas à nous libérer et que nous pourrons bientôt être tous réunis. Si je pouvais être là pour Noël ce serait un succès. » Et il dessine, toujours sur le verso de la lettre, la famille telle qu'il la rêve (ci-dessous). Quatre adultes et cinq enfants du même côté de la table pour les mettre en valeur. Cette disposition fait penser à certains peintres comme Leonard de Vinci pour la Cène. Deux adultes trinquent, au champagne probablement, et les autres lèvent les bras en signe de victoire

La famille réunie sans lui, telle que Francis Le Galle en rêve.


Francis Le Galle écrit à sa fille Louise, dite Louloute et à ses beaux-parents. Sa belle-mère est bretonne et son beau-père alsacien. Celui-ci avait fui sa région d’origine lors de l’offensive allemande de l’été 1870. Le traité de Francfort du 10 mai 1871 impose l’annexion de l’Alsace-Moselle. Cela explique la première phrase (« Notre pays va redevenir français ») de la lettre à ses beaux-parents. Ceux-ci, installés en Bretagne loin des zones de combat, s’occupent de leurs petits-enfants Louise (Louloute) et Pierrot (Peyo).  

Le 11 novembre, date de cette lettre, un armistice franco-allemand est signé dans un wagon à Rethondes, dans la forêt de Compiègne (Oise).  L’Alsace et la Moselle redeviennent françaises. Mais, le 22 juin 1940, Hitler imposera dans le même wagon de Rethondes un armistice aux Français pour effacer l’humiliation de 1918. Le sort de l’Alsace-Lorraine bascule une fois de plus, mais ce ne fut pas la dernière. 
Françoise Barouch-Porzier et P. Maestracci.

Aucun commentaire: