22 janvier 2023

"Les Colonnes" au patrimoine d'Issy-les-Moulineaux

Restaurant "les Colonnes", 65 rue du Général-Leclerc, Issy.. © PCB

C’est en 1932 que commence l’histoire des « Colonnes »  par la construction, à l’angle de la rue Auguste-Gervais et de la rue du Général-Leclerc, d’un immeuble de six étages dont le rez-de-chaussée est d’entrée prévu pour l’installation d’un café. Aujourd'hui, une brasserie bien connue des Isséens y propose de bons petits plats sept jours sur sept !

Une architecture hors norme
Les colonnes de l'immeuble bien visibles. © D. Hussenot
Les architectes de cet immeuble original sont Delaire et Sage ; les constructeurs Barde et Boyer, eux, sont Isséens. En raison de l’incertitude de la stabilité du sous-sol, le bâtiment est construit sur quatre pilotis en béton armé, descendant à 20 mètres de profondeur, et recouverts sur toute leur hauteur extérieure de coffrages leur donnant l’aspect de colonnes (ci-contre). C’est cet aspect qui est à l’origine du nom de l’établissement : « les Colonnes »
Le bâtiment initial fut complété, un peu plus tard, après la destruction de la maison individuelle voisine, à laquelle s’opposait son propriétaire qui y tenait sa crémerie… par un autre bâtiment, celui-ci situé aujourd’hui au-dessus du magasin « Nicolas ».


Des débuts historiques

Les premiers propriétaires furent M. et Mme Vacarès d’origine auvergnate, qui ouvrirent un simple café proposant également quelques charcuteries auvergnates. Ils menèrent leur activité jusqu’en 1946, assistant entre autres, en 1944, au passage devant le café de la 2e DB du général Leclerc.

En 1946, l’établissement fut vendu à M. et Mme Léon Barrier, correziens, qui poursuivront l’activité de café jusqu’en 1966. Il devient, au cours de ces années-là, un lieu de rencontre des ouvriers communistes travaillant sur les sites industriels de la commune et du personnel de la RATP (conducteurs, contrôleurs et poinçonneurs), chacun venant avec sa gamelle ! L’établissement était ainsi ouvert de 5 h du matin (premier métro) jusqu’à l’heure d’arrivée du dernier métro !


L'arrivée de la famille Nayrolles 

Pendant ce temps-là, Justin et Marielle Nayrolles (toujours présente dans le restaurant à 90 ans !) décident, devant l’insuffisance de rentabilité de leur exploitation, de quitter leur Aveyron natal et  « monter » à Paris… à la recherche d’une activité plus rémunératrice. Ils obtiennent alors la gérance d’un tabac, situé au pont d’Argenteuil.


Justin et Marielle Nayrolles, propriétaires en 1964. coll. particulière


Fort de cette expérience, le couple Nayrolles (ci-dessus) rachète le 6 juillet 1964 l’établissement d’Issy pour la somme de 100 millions d’anciens francs (soit 1 million de nouveaux francs) avec l’aide financière de la maison Richard. La maison Richard, fondée en 1892, est une belle histoire  de famille qui se confond avec la vie des cafés, bistrots et restaurants français. Elle a prospéré tout en restant fidèle au principe d’entraide, allant jusqu’à accompagner la propre installation de leurs clients cafetiers, et créa en 1955 l’activité de torréfaction du café à Gennevilliers. 


C’est ainsi que la famille Nayrolles bénéficiera de l’aide de la maison Richard pour acquérir puis exploiter l’établissement d’Issy, en conservant les mêmes locaux, y compris deux salles de billard au sous-sol (qui deviendront plus tard des lieux de réserves et de chambres froides), avec le même équipement. 

Guy Ducoloné. © A. Bétry

En 1968, l’apparition et l’utilisation du formica transforment l’ameublement du café. Au cours des événements de 1968, les salles de billard servent de lieux de réunion des agitateurs de la CGT car elles possèdent une porte dérobée, donnant sur une cour intérieure, permettant la fuite lors des descentes policières.
 
Durant cette période et pendant de nombreuses années l’un des plus fidèles clients et amis de Justin Nayrolles est Guy DucolonéAncien résistant et déporté, il fut secrétaire de l’Union de la jeunesse républicaine de France, puis membre du comité central du parti communiste. Pendant une quinzaine d’années, il fut conseiller municipal d’Issy, où il habitait. Il est décédé en août 2008, peu après avoir participé à la Journée de la déportation, le 27 avril 2008 (ci-dessus). 

 

L'installation du restaurant 

En 1975, l’établissement se met à assurer une petite restauration avant de devenir un restaurant, avec l’installation d’une véritable cuisine qui restera en l’état jusqu’en 2001. En 1978, Patrick Nayrolles, le fils de Justin, bachelier à 17 ans, entreprend des études supérieures et obtient une maîtrise de droit… mais il devient photographe !


Patrick Nayrolles et Mme Fernandez, une fidèle employée.
coll. Particulière.


En 1990, suite à un problème de santé de son père, et ne voulant pas laisser sa mère toute seule à la tête d’une telle affaire, Patrick (ci-dessus) décide de prendre la direction des "Colonnes". Il va faire prospérer l’affaire, d’autant que la clientèle s’est fortement embourgeoisée avec le développement de la ville. En juillet 2001, une réfection totale des lieux est entreprise, mais qui conserve la disposition du comptoir d’origine.


La salle de restaurant des Colonnes.
© D. Hussenot

En 2021, de nouveaux travaux sont engagés pour agrandir, chauffer et climatiser l’ensemble des locaux, comme on peut le voir sur cette photo (ci-contre), à la grande satisfaction du personnel. 

Le 1er janvier 2022, suite à de gros problèmes de santé, Patrick  se voit contraint de laisser sa place à son fils Julien, à sa fille Camille et son gendre Joe.

L’affaire est aujourd’hui florissante et les 19 membres du personnel assurent un parfait accueil et une excellente cuisine. 


Un grand merci à Patrick de nous avoir raconté l'histoire de ce patrimoine de la ville. Denis Hussenot

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