3 avril 2021

La bataille d'Issy, 3 avril 1871

Ce sont trois témoignages que nous avons de cette journée du 3 avril, catastrophique pour les communards tentant une longue marche vers Versailles : Émile Victor Duval, un ouvrier ; un journaliste Pierre Vésinier ; et une ambulancière Louise Michel.

Émile Victor Duval (1840-1871)

© XDR
Ouvrier fondeur en fer, Émile Duval (ci-contre) participe aux mouvements insurrectionnels du 31 octobre 1870 et du 22 janvier 1871. Le 26 mars, il est élu à la commission exécutive de la Commune, puis est nommé général le 3 avril. 
Contre son gré, il fait partie, avec Théophile Ferré et Émile Eudes, de l’offensive désastreuse vers Versailles. Il sea fusillé le lendemain 4 avril au Petit-Clamart.

Le 3 avril, il passe par Issy et, avec sa compagnie, marque une pause devant le couvent (des Oiseaux, actuel Hôtel de ville). 

Le couvent des Oiseaux à Issy. © XDR

Il écrit :  
« Le père Prampain donne son avis sur ces fédérés, sans canon : Les fédérés combattent pour leurs convictions ; mais ils ne veulent pas de mal à personne […] Pour nous le prouver… ils prendraient volontiers un verre de vin. On leur sert une copieuse rasade ; mais pendant qu’ils font rubis sur l’ongle, survient un personnage à la mine hargneuse, au ton rogue. “Citoyens, je vous rappelle qu’il a été formellement interdit de rien accepter dans cette maison, et vous messieurs, je suis délégué du Comité central et je vous défends de rien offrir à ces hommes”»… avant de continuer vers le Fort.


Pierre Vésinier (1826-1902)

Journaliste, Pierre Vésinier (ci-contre) lance le journal Paris Libre le 26 mars 1871, devient directeur du Journal officiel, est élu au conseil de la Commune. Il publie 
en 1871 une Histoire de la Commune de Paris dont est extrait ce passage. Il y décrit notamment l’attaque des Versaillais le 3 avril, heure par heure :

« Les premiers coups de fusil sont partis du Bas-Meudon à 7 heures. L’action s’est poursuivie ensuite dans la direction des bois, sur le territoire des Moulineaux et du Val Fleury, où elle a pris les proportions d’un véritable combat… L’artillerie du fort d’Issy tonne contre les batteries établies sur les terrasses du château de Meudon.
« A 10 heures, des gardes nationaux gravissent par des chemins de traverse et au milieu des champs, les hauteurs de Clamart et de Châtillon… Un détachement venant du fort d’Issy campe à l’entrée du village.
« A 11 heures, le combat devient acharné… La fusillade s’accentue. Les coups crépitent drus et serrés. Aux Moulineaux, des gardes nationaux embusqués derrière les maisons tirent sur les gendarmes établis sur la rive droite.
« L’artillerie des forts, des batteries et des pièces de campagne des fédérés tonne avec une violence à laquelle se mêle la crépitation des mitrailleuses.… On n’avait pas entendu un feu plus terrible pendant le bombardement prussien.

Le Moulin de pierre. © XDR
« Les obus pleuvent aux environs du Moulin de pierre (ci-contre) et de la gare de Clamart ; beaucoup éclatent sur la partie haute du village, quelques-uns dans les rues du centre.
« A midi, le canon gronde encore avec plus de violence, la fusillade se rapproche.
« A 2 heures, le fort d’Issy tire sur les deux batteries du château de Meudon, qui répondent vigoureusement.
« Plusieurs officiers blessés arrivent de Fleury dans des voitures d’ambulance ; de nombreux morts sont chargés sur des charrettes mises en réquisition dans le village de Clamart.
« Pendant toute cette journée du 3 avril, les gardes nationaux ont déployé le plus grand courage et se sont battus comme de vieilles troupes… en un mot, ces soldats-citoyens ont été admirables d’héroïsme et de sang-froid. »

Louise Michel (1830-1905)

Louise Michel .© XDR
Institutrice, ambulancière, personnalité de la Commune, elle publie en 1898 une Histoire de la Commune dans laquelle elle décrit ses actions à Issy, à partir du 3 avril.

« J'étais souvent avec les ambulancières venues nous retrouver au fort d'Issy, mais plus souvent encore avec mes camarades des compagnies de marche ; ayant commencé avec eux, j'y restais et je crois que je n'étais pas un mauvais soldat. Voici les Moulineaux. Le fort est magnifique, une forteresse spectrale, mordue en haut par les Prussiens et à qui cette brèche va bien. J’y passe une bonne partie du temps avec les artilleurs, nous y recevons la visite de Victorine Eudes, l’une des nos amies de longtemps…

« Voici les femmes avec leur drapeau rouge percé de balles qui saluent les fédérés ; elles établissent une ambulance au fort, d’où les blessés sont dirigés sur celles de Paris, mieux agencées.… Moi je m’en vais à la gare de Clamart, battue en brèche toutes les nuits par l’artillerie versaillaise. On va au fort d’Issy par une petite montée entre des haies, le chemin est tout fleuri de violettes qu’écrasent les obus.

Tout proche est le moulin de pierre, souvent nous ne sommes pas assez de monde dans les tranchées de Clamart. Si le canon du fort ne nous soutenait pas, une surprise serait possible ; les Versaillais ont toujours ignoré combien on était peu. »


Prochain rendez-vous le 4 avril, 8 h avec un nouveau témoin.

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